L'éclairage de Adnan Debbarh. Le Maroc face à la rareté de l’eau

Adnan Debbarh.

Adnan Debbarh. . khalil Essalak / Le360

Le recul de la pluviométrie n’est pas un phénomène récent au Maroc. Les études disponibles font remonter le début de repli des précipitations au début des années 70 du siècle dernier. Concomitamment au repli tendanciel, un phénomène nouveau est apparu: la variabilité des précipitations inter-annuelles et intra-annuelles.

Le 15/02/2022 à 16h29

La politique visionnaire des barrages, en permettant le stockage de l’eau, a permis de mieux gérer la variabilité dans les zones irriguées et de fournir l’essentiel de l’eau potable aux centres urbains. Elle a permis aussi de mieux gérer la rareté de l’eau. Car il ne faut pas en faire un sujet tabou, les pluies de ces dernières années ne suffisent plus à couvrir les besoins en eau de l’agriculture et des populations des villes. L’impact du réchauffement climatique est perceptible, le déficit s’installe. Reconnaissons qu’il ne nous a pas pris par surprise.

Depuis déjà plusieurs années, les campagnes ont commencé à se vider de leur population. L’exode rural connaissait un rythme élevé que ne justifiaient guère ni les emplois nouveaux crées dans les villes, ni la mécanisation agricole, mais bien l’incapacité des campagnes à subvenir aux besoins fondamentaux de la population rurale. Ceci malgré les aides que l’Etat n’a eu de cesse de fournir dans les années de sécheresse aux agriculteurs.

Le bour défavorable a été la première victime. On parle d’une production céréalière moyenne pluriannuelle de 8 quintaux à l’hectare, ce qui est faible. Suivi ces dernières années de zones dites favorables et même d’une partie de l’irrigué. Le manque de précipitations n’a pas permis de régénérer les nappes phréatiques et un remplissage convenable des barrages, causant la perte de cultures et plantations.

Le déficit hydrique impacte aussi la satisfaction des besoins en eau des villes. Bien que ces besoins soient moins importants, sur 4 litres consommés au Maroc, 3 vont à l’agriculture et 1 aux villes.

On l’aura compris, le Maroc se rapproche dangereusement d’une situation de stress hydrique, caractérisée par l’infériorité des ressources disponibles en eau potable par rapport aux besoins des habitants. L’ONU estime le besoin à 500 m3 par habitant et par an. Avec le réchauffement climatique, la situation risque de connaître des complications au cours des 30 prochaines années.

Le Maroc est-il préparé à affronter cette situation? La réponse est oui, mais pas complètement. Le ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a eu raison de rappeler lors d’une récente sortie que nous ne partions pas du néant dans le domaine de la gestion de l’eau. Avec un nombre de barrages avoisinant les 150 disposant d’une capacité de stockage de 19 milliards de m3, des milliers de forages, des stations de dessalement de l’eau de mer, nous sommes en mesure d’assurer l’accès à l’eau potable à plus de 98% de la population. Un Plan national de l’eau pour la période 2020-2050 a été lancé visant à rationnaliser la gestion de la ressource disponible dans les villes et les campagnes, les moyens financiers sont mobilisés. Avec le suivi assuré au plus haut niveau de l’Etat et l’implication du ministère de l’Intérieur, ce chantier sera entouré de l’attention nécessaire.

Le Maroc acquiert ainsi, et au fur et à mesure, une expertise dans la gestion des crises majeures: en ce moment le stress hydrique et un peu plus tôt la Covid-19. Il faut capitaliser sur ces expériences. Il y a quelques mois une ministre lauréate d’une grande école de commerce a reproché au gouvernement qui a précédé celui-ci d’avoir géré les dossiers en silos, de manquer de vision d’ensemble, reprenant à son compte une critique qu’il est usité d’adresser aux dirigeants d’entreprises appartenant à la vieille école.

N’est-il pas justifié de poser la question de savoir si l’actuel gouvernement ne tombera pas dans le même travers dans son approche de la crise de l’eau? Cette crise n’est-elle pas en train d’interpeller au-delà de nos habitudes de consommation d’eau, la qualité des réseaux de sa distribution, l’offre agricole future du Maroc, la reforestation, la gestion des territoires, la future carte démographique du pays et de manière plus générale l’adaptation de notre modèle de développement qui doit prioriser l’industrie et les services pour employer la main d’œuvre venant de l’agriculture?

Le Maroc dispose des moyens humains et naturels pour sortir de cette crise de l’eau par le haut, armons-nous de la vision stratégique et de meilleures capacités gestionnaires.

Par Adnan Debbarh
Le 15/02/2022 à 16h29