Le politologue Zakaria Abouddahab: pourquoi le Maroc et l'Algérie ne peuvent plus se permettre le luxe de la division

Zakaria Abouddahab, politologue, revient sur la nécessité pour Alger et Rabat de «pas rester en marge du processus d’intégration», suite à la nouvelle main tendue du roi Mohammed VI à l’Algérie, dans le discours du Trône du 30 juillet 2022. . Brahim Moussaaid /le360

Le 05/08/2022 à 10h37

VidéoSuite à la nouvelle main tendue du roi Mohammed VI à l’Algérie, le politologue de renom Zakaria Abouddahab a estimé, dans un entretien avec Le360, que les deux pays ne doivent «pas rester en marge du processus d’intégration aux niveaux régional et mondial».

«L’Algérie et le Maroc, ainsi que les autres pays du monde arabe, doivent se ressaisir pour faire face aux turbulences géopolitiques qui affectent le monde», a martelé Zakaria Abouddahab, politologue, alors que se profile la tenue éventuelle d’un sommet arabe en novembre prochain à Alger.

Ce professeur de droit international à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat-Agdal (FSJES) estime encore que «le monde arabe aujourd’hui n’a pas le choix, il doit absolument se ressaisir dans un contexte de turbulences géopolitiques aggravées». Et d’ajouter qu’on «ne peut pas se permettre aujourd’hui en tant que pays arabes, avec bien entendu des confluences multiples, de rester en marge des processus d’intégration aux niveaux mondial ou régional». Selon lui, «il faut voir ce qui se passe en Asie, en Europe, en Amérique Latine» pour s’en convaincre.

La normalisation maroco-algérienne constituera une importante étape vers la tenue du prochain sommet arabe, si l’on en croit ce politologue. «Parce qu’au final, si le sommet arabe devrait se tenir en Algérie et bien cela doit se faire dans un contexte d’abord d’apaisement de la tension entre les deux pays voisins, et en même temps, je crois à une possible relance maghrébine aujourd’hui, ô combien, non seulement souhaitable, mais impérative face aux enjeux et aux menaces qui guettent toute la région», a-t-il expliqué.

Cet analyste politique a en outre appelé à la nécessité de «donner maintenant le primat au discours de la raison, du pragmatisme, du réalisme, mais aussi dépasser les antagonismes qui, hélas, sont à mon sens des séquelles d'une période révolue». Il a estimé que «maintenant, la balle est dans le camp de la présidence algérienne», avec la perspective de «lancer un dialogue stratégique global intégrant toutes les questions épineuses qui soient liées aux frontières, au conflit artificiel du Sahara marocain ou à d’autres problématiques relatives au banditisme et l’immigration irrégulière, etc.».

Quant aux voix minoritaires qui ont vite manifesté leur opposition à la main tendue du Maroc, le politologue estime «cela tient à l’habitus, ce concept utilisé entres autres par le sociologue français Pierre Bourdieu». L’habitus, faut-il le souligner, est «défini comme des structures prédisposées à fonctionner comme structurantes».

Zakaria Abouddahab explique ainsi qu’il s’agit pour certains médias et voix algériennes «de rester dans un confort stérile» et «je crois que dans l’establishment et au sein des apparatchiks, il y a des poches de résistance pour qui la normalisation des relations ne seraient pas profitables», a-t-il ainsi commenté.

Et de poursuivre que «le courage politique et les enjeux en cours nécessiteraient de couper court à ce genre de réactions stériles, négatives et dangereuses parce qu’elles alimentent beaucoup de stéréotypes». «Sa Majesté l’a dit dans le discours lorsqu’il a parlé des fake news et de la diabolisation de l’autre».

Ce qui est à retenir, a souligné le politologue, «c’est que le Maroc a toujours gardé son sang froid et prôné la modération, la sagesse, la sagacité exprimées en haut lieu par Sa Majesté le Roi». «Maintenant il est temps, plus que jamais, de replacer les relations entre le Maroc et l’Algérie dans un cadre stratégique sur le long terme», a-t-il insisté.

«Regardez ce qu’il se passe aujourd’hui en mer de Chine, la tension qui monte d’un cran entre la Chine, les Etats-Unis et Taïwan. Regardez également, pour positiver un peu, James Webb, le fameux télescope qui a remplacé le télescope Hubble, cette exploration de l’espace. Il faut que nos pays puissent aller dans ces compétitions géostratégiques et dépasser les antagonismes surannés», a ainsi conclu Zakaria Abouddahab.

Par Mohamed Chakir Alaoui et Brahim Moussaaid
Le 05/08/2022 à 10h37