Un vieux conte chinois rapporte qu’il y a fort longtemps, un marchand ambulant avait débarqué sur la place publique d’un village de la vallée de Chu. Il sortit de son chariot des tas de boucliers et s’époumona en louanges sur leur incroyable qualité:
–Mais venez donc acheter mes boucliers! Vous n’en trouverez pas de plus résistants à travers le pays! Ils sont si durs et si robustes qu’aucune lance au monde ne pourra jamais les percer!
Comme personne ne semblait intéressé par sa camelote, autant que par ses boniments, le colporteur, sans se démonter, puisa un tas de lances du fond de sa carriole cahotante:
–Venez donc! Venez voir mes lances! Elles sont si pointues et si acérées qu’aucun bouclier ne pourra jamais leur résister!
Amusé par ses vantardises et, surtout, par ses contradictions, un homme l’interpella :
–Je veux bien croire votre réclame, mais qu’arrivera-t-il si vous foncez avec votre lance sur votre bouclier?
Le hâbleur était soudain à court de mots.
Il paraît qu’aujourd’hui encore, en Chine, une expression proverbiale continue à évoquer cette légende pour servir d’illustration à quiconque se contredirait en actes et en paroles.
C’est ce qu’on appelle: «Attaquer son bouclier avec sa propre lance».
Or, que fait le régime algérien si ce n’est s’embourber dans ses propres contradictions, en vendant, selon les situations, l’attachement à l’intégrité et à l’unité des Etats, en même temps que le droit des peuples à l’autodétermination?
Lors de sa visite de cinq jours en Chine, le président algérien (dont tout le monde sait que l’une des visées principales de ses déambulations est de tenter de damer le pion à la diplomatie marocaine sur le dossier du Sahara) affirmait son adhésion au principe d’une seule Chine, en soutenant que Taïwan est une partie inaliénable et intégrante du territoire chinois, s’opposant par là à toute velléité d’indépendance.
L’idée se respecterait en elle-même, si toutefois elle ne pointait pas une logique totalement illogique.
Vendre la lance ou le bouclier, il faudra choisir!
La Chine, par exemple, est cohérente avec elle-même et n’a jamais cessé de rappeler la sacralité du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États souverains.
De ce fait, elle ne reconnaît pas la prétendue Rasd et respecte l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc qui, tout aussi logique, soutient les dossiers d’intérêts vitaux pour la République populaire de Chine, y compris sa position à propos de Taïwan.
Avant même qu’elle ne soit politique, c’est une question de bon sens.
Autre cas, même paradoxe! Pas plus tard que le mois dernier, exactement le 21 juin, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, en visite à Belgrade, établissait un parallélisme douteux entre le «Sahara occidental» et le Kosovo, dont l’Algérie ne reconnaît pas la déclaration d’indépendance.
Quel crédit accorder à celui qui dit tout et son contraire?!
Espérant un alignement serbe sur leur obsession séparatiste, ils ont reçu peu après cette visite, en réponse indirecte, la réitération du soutien de la Serbie à l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc et une «position de principe contre le sécessionnisme et le séparatisme».
Ne cherchez pas non plus une once de logique de la part du chantre autoproclamé du «droit des peuples à disposer d’eux-mêmes» qui s’est empressé de se prononcer, sans que personne ne lui ait demandé son avis, contre l’indépendance de la Catalogne, affirmant son attachement à l’intégrité et à l’unité du Royaume d’Espagne!
Il semble donc, selon toute apparence, que ce principe, présenté pompeusement par l’Algérie comme valable pour «l’ensemble des causes de libération dans le monde», soit distribué à la carte.
Au Soudan par exemple, qui était le plus grand pays d’Afrique avant sa partition et la sécession du Sud!
C’est le cas aussi pour le Timor oriental, d’obédience chrétienne, détaché de la matrice indonésienne, classé parmi les pays les plus pauvres de l’Asie du Sud-Est, donné par les caporaux d’Alger comme modèle.
Et bien entendu, tous les chemins menant à cette idée fixe, il demeure l’implication enragée en faveur des séparatistes du Polisario, mobilisant tous les moyens diplomatiques, financiers et militaires au détriment des intérêts vitaux des populations algériennes, de ceux des milliers de civils séquestrés dans des camps, ainsi que de «l’unité » des Etats de la région, vendue telle quelle, sans vergogne, durant le dernier Sommet arabe.
Quel naïf prendrait ce fantasme malsain de dépeçage comme une position de principe au vu de l’inconstance de ses positions?
Enfin, pour reprendre la question du gaillard du conte chinois au camelot:
–Qu’arrivera-t-il si vous foncez avec votre lance sur votre bouclier?
A manigancer des divisions chez le voisin, alors que, chez soi, les Touaregs du sud réclament l’indépendance de Tamanrasset et de l’Adrar et que le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie se mobilise pour son émancipation, il faut se méfier du retour du boomerang!