En Espagne, il est de ces figures qui ont réussi la prouesse de se faire oublier, mais qui, quand il s’agit du Maroc, se font un devoir de ressurgir, le plus souvent pour remettre au goût du jour de vieilles thèses aussi ouvertement hostiles que complètement farfelues. Sur ce registre, l’ancien président du gouvernement espagnol José María Aznar est un cas d’école. L’homme s’est, pour mémoire, rendu célèbre tant par la gestion chaotique de son mandat, pollué par de graves cas de clientélisme, que par des événements aussi tristes que l’épisode de l’îlot Leila, qui a un temps opposé le Maroc à l’Espagne.
Chassé de l’Histoire par la grande porte, le voici qui tente un retour par la fenêtre, en se cramponnant à la nouvelle position du gouvernement espagnol, reconnaissant le plan d’autonomie, présenté par le Maroc en 2007, comme la base la plus sérieuse pour résoudre le différend du Sahara atlantique.
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Hier, mardi 22 mars, sur les ondes de la radio nationale espagnole, José María Aznar s’est, en effet, littéralement «lâché» contre le Royaume, dépeint comme l’ennemi de toujours de son pays. Pour lui, le changement de posture du gouvernement de Pedro Sánchez est une «erreur historique» et un «message de faiblesse» adressé au Maroc. Adoptant pour l’occasion un discours on ne peut plus martial, Aznar présente la posture de l’actuel Exécutif ibérique comme une défaite que l’Espagne va «payer cher».
Compter jusqu’à dixPour Aznar, l'Espagne «montre sa vulnérabilité et sa faiblesse» au Maroc et cède ainsi «une partie de nos responsabilités en échange de rien». Et, évidemment, de brandir l’épouvantail d'autres «revendications» que Rabat ferait valoir, entendez la récupération de Sebta et Melilia. Poussant sa logique guerrière jusqu’au bout, l’ancien chef du gouvernement ibérique va jusqu’à évoquer une vraie menace marocaine, à laquelle la réponse ne peut être que «militaire».
La (vraie) réponse aux élucubrations d’Aznar a émané, le jour-même, d’un autre président du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero. Dans une déclaration à la presse en marge d’une visite à la mairie de La Coruña, Zapatero s’est livré à une véritable leçon d’histoire pour marquer son appui à la décision espagnole. Pour lui, critiquer l’actuel Exécutif est «injuste» et «peu responsable», et Aznar sevrait se montrer «un peu plus prudent».
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Zapatero rappelle à son prédécesseur qu’il devrait agir en homme d’Etat et faire valoir les intérêts de l’Etat espagnol. Il a rappelé, à ce sujet, que lorsqu’il y a eu la crise de l’îlot Leila entre le Maroc et l’Espagne, il était le chef de l’opposition. Et bien qu’il n’ait pas du tout adhéré à la conduite d’Aznar, il a tu ses critiques en faisant valoir la raison de l’Etat.
«Le Conseil de sécurité des Nations Unies n’a cessé depuis 2007 de reconnaître la proposition marocaine d’autonomie présentée en avril de cette même année et de souligner les efforts du Maroc pour parvenir à une solution à ce conflit», a poursuivi Zapatero. Il précise à ce titre que la nouvelle position de son pays était «tout à fait conforme aux résolutions des Nations Unies». L’option d’autonomie n’est ni une nouveauté, ni un revirement. «Et nous avions exprimé le même soutien en 2008 déjà, quand nous étions à la tête du gouvernement, sans que cela ne suscite le remue-ménage auquel nous assistons actuellement», a rappelé l’ancien chef de l’Exécutif espagnol. Pour lui, il s’agit d’ailleurs de la même position que celle de pays comme la France, l’Allemagne ou les Etats-Unis. «C’est un argument de plus et une nouvelle opportunité de règlement de cette question du Sahara», poursuit Zapatero. Et comme pour lancer une dernière toquade à Aznar, il lui a recommandé, dans une expression typiquement espagnole, de «compter jusqu’à dix», avant de se lancer dans des critiques à l'évidence gratuites.