La léthargie des débats politiques ne rend pas service à la majorité gouvernementale

Aziz Akhannouch, chef du gouvernement désigné, accompagné de Abdellatif Ouahbi, secrétaire général du PAM, et Nizar Baraka, secrétaire général de l'Istiqlal, le 22 septembre 2021.

Aziz Akhannouch, chef du gouvernement désigné, accompagné de Abdellatif Ouahbi, secrétaire général du PAM, et Nizar Baraka, secrétaire général de l'Istiqlal, le 22 septembre 2021. . DR

Faut-il attendre la fin de la période de grâce des 100 jours, accordée par l’usage au nouvel Exécutif, pour s’inquiéter des prémices d’une léthargie qui menace la scène politique nationale? 

Le 06/12/2021 à 10h31

Deux mois à peine nous séparent, certes, des législatives du 8 septembre. Mais rarement période aura été aussi féconde en dossiers qui auraient pu enflammer la scène post-électorale, consacrer le positionnement des uns et des autres, et surtout apporter une meilleure visibilité au citoyen. En somme, enrichir la pratique démocratique. Il n’en a rien été.

Entre une majorité, confortablement installée dans une inédite suprématie arithmétique, et une opposition qui se cherche toujours une ligne de conduite après le choc des législatives, le débat politique, dans sa composante partisane, est manifestement en pause. 

Quand, le 8 novembre, le projet du Code pénal est retiré du Parlement par le nouveau ministre de la Justice, après y avoir été bloqué depuis 2016, rien ne s’est passé. Ce retour à la case de départ après 5 années et 3 ministres de la Justice, le tout sur fond de suspicions quant au volet de la répression de l’enrichissement illicite, ne suscite pas l’empoignade générale, à laquelle on aurait pu s’attendre.

Ni la majorité, ni l'opposition, ne se manifestent en bloc autour de cette question. C’est le porte-parole du gouvernement qui est monté au créneau devant la Commission de la Justice, de la Législation et des Droits de l'Homme pour expliquer les raisons de ce retrait et par là-même, défendre un Exécutif pointé du doigt.

L’opposition a été aux abonnés absentsQuand, le 19 novembre, le ministère de l’Education Nationale, du Préscolaire et des Sports annonce une limite d'âge de 30 ans parmi les conditions pour le recrutement des 15.000 candidats à l’enseignement, la levée de boucliers se fait entre partisans et détracteurs, mais quasiment hors de la sphère majorité/opposition. Au sein de la majorité, c’est surtout le RNI qui monte au créneau, alors que ses deux autres partenaires, l’Istiqlal et le PAM, restent discrets.

Dans l’opposition, même silence assourdissant pour ne pas dire désintérêt pour les questions qui intéressent une partie non négligeable des Marocains. Seul le PJD revendique timidement la paternité du projet de formation des enseignants annoncé par Chakib Benmoussa. Il a fallu attendre la séance constitutionnelle des questions sur la politique générale, pour que le chef du gouvernement apporte clairement et publiquement son soutien à la décision de son ministre à l’Education nationale. 

Ce round d’observation se poursuit encore, quand le chef du Parquet, Moulay Hassan Daki annonce, le 23 novembre, que plus de 13.300 autorisations de mariage de mineures ont été accordées par les tribunaux du Royaume en 2020, sur un total de plus 19.200 demandes reçues. Peu ou pas de remous dans les deux blocs, là où une question sociale d’une intense gravité, aurait pu enflammer les débats.

Plus surprenant encore, quand le Conseil supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique dévoile, le 30 novembre, les résultats de son enquête sur l’évaluation des acquis des élèves. Les chiffres portant sur plus de 36.000 élèves, sont un véritable coup de massue. Ils donnent à mesurer l’ampleur du gâchis. Le rendement dérisoire des énormes investissements faits dans le secteur de l’enseignement public depuis des années. Ils consacrent surtout la suprématie relative d’un secteur de l’enseignement privé, déjà hors d’atteinte pour des dizaines de milliers de ménages marocains.

Sur cette question-là, comme sur bien d’autres, si porteuses des failles du système national, ni le bloc de la majorité, pourtant resserré comme jamais en nombre de composantes, ni celui de l'opposition, en cruel besoin de thématiques lourdes de ce gabarit, n’ont été au rendez-vous. 

On peut comprendre que la majorité déroule son programme sans coup férir face à une opposition atone. Mais cette situation ne saurait durer sans vider de sa substance la Chambre des représentants et consacrer la rupture entre les citoyens et les partis politiques.

En attendant, le débat est récupéré, avec plus ou moins de pertinence, par les réseaux sociaux, sur les salons Twitter, les pages Facebook, les chaînes YouTube etc., où s’activent les ténors d’une nouvelle génération. Là, faute de visibilité, majorité comme opposition n’a quasiment pas voix au chapitre.

Par Mohammed Boudarham
Le 06/12/2021 à 10h31