Gouvernement Akhannouch: un an après sa nomination, un bilan mi-figue, mi-raisin

Le Conseil de gouvernement du jeudi 8 septembre 2022. . DR

L’Observatoire du travail gouvernemental (OTRAGO), une ONG relevant du centre Al Hayat pour le développement de la société civile, vient de dresser le bilan de la première année de l’action gouvernementale. Le point.

Le 10/10/2022 à 18h30

L’Observatoire du travail gouvernemental a livré un rapport d’observation de la première année de l’action gouvernementale. Ce document de 32 pages présente un suivi général de l’évolution du gouvernement de Aziz Akhannouch et de ses différents programmes, mais aussi des remarques sur les différentes mesures entreprises et émet quelques recommandations.

C’est ainsi qu’après avoir rappelé les 10 engagements de l’Exécutif, aussi bien dans la déclaration gouvernementale qu’au titre de la loi de finances 2022, le document a passé en revue les réalisations de l’équipe gouvernementale dans plusieurs domaines (action législative, investissement, action sociale et préservation du pouvoir d’achat, enseignement, l’agriculture, emploi, tourisme, énergie, culture, jeunesse, sport, communication).

Un bilan législatif maigreSur le plan législatif, malgré l’adoption de 36 projets de loi, de 23 conventions et protocoles internationaux et de pas moins de 147 décrets, OTRAGO estime que ce rythme reste en deçà des attentes, notamment en ce qui concerne les lois structurantes.

Cette faiblesse de production législative du gouvernement a, rappelle OTRAGO, été pointée du doigt par l’opposition, mais également soulevée par l’une des composantes de l’Exécutif, à savoir le Parti de l'authenticité et de la modernité (PAM) qui avait exigé, dans un communiqué diffusé le 23 août dernier, l’accélération de l’approbation des textes législatifs importants qui n’ont pas été adoptés lors de la session parlementaire précédente, en demandant la tenue d’une session parlementaire extraordinaire.

Le gouvernement encourage activement les investissementsPour ce qui est du volet investissement, OTRAGO rappelle que six commissions des investissements ont été tenues et ont approuvé 58 projets de conventions et d’avenants pour un montant total de 39,1 milliards de dirhams et la création de 16.800 emplois directs et indirects.

L’Exécutif a aussi adopté une loi relative aux zones industrielles. Il a également lancé le programme FORSA, lequel s’est vu consacrer une enveloppe budgétaire de 1,25 milliard de dirhams au titre de l’année 2022, et qui cible l’accompagnement de 10.000 porteurs de projets incluant tous les secteurs de l’économie, explique-t-on.

OTRAGO revient aussi sur le projet de la loi-cadre formant Charte de l’investissement. Celui-ci a, explique cet observatoire, pour objectif d’améliorer l’impact de l’investissement, notamment en matière de création d’opportunités d’emploi permanent et de réduction des disparités entre les provinces et préfectures en termes d’attractivité des investissements.

Les projets sociaux en marcheS’agissant du domaine social et des mécanismes adoptés par le gouvernement pour protéger le pouvoir d’achat des citoyens, cet Observatoire du travail gouvernemental a mis en avant plusieurs réalisations de l’Exécutif, notamment le chantier de la généralisation de la protection sociale, la relance et d'institutionnalisation du Dialogue social, la mobilisation des crédits supplémentaires d'un montant de 16 milliards de dirhams pour continuer à soutenir les dépenses de la Caisse de compensation, le mécanisme de soutien aux transporteurs, et le déblocage d’une enveloppe de 290 millions de dirhams en faveur des victimes des incendies.

Education: aucune réforme de taillePour ce qui est de l’éducation, OTRAGO rappelle la signature, le 18 janvier 2022, d’un accord avec les cinq syndicats les plus représentatifs de l’enseignement. Il comporte plusieurs mesures se rapportant, notamment, à la révision du statut actuel des fonctionnaires du ministère de l’Education nationale et à la création d’un statut motivant et unifié qui englobe l’ensemble des catégories du système éducatif, au règlement de plusieurs dossiers revendicatifs prioritaires.

L’Exécutif a aussi accordé un soutien financier de 105 millions de dirhams aux éditeurs pour compenser la hausse du prix de la matière première. Ce soutien financier, dont le déboursement est à la charge de la caisse de compensation, a été fixé à 25% des prix de vente.

Cela dit, mis à part ces mesures, le gouvernement n’a entrepris aucune mesure phare pour réformer le secteur, signale OTRAGO.

Agriculture, emploi et tourisme: des mesures prises applaudies par OTRAGOConcernant l’agriculture, OTRAGO relève que le gouvernement a mis en place un programme d’aide aux agriculteurs, pour faire face à une année de sécheresse, d'un montant de 10 milliards de dirhams. L’action de l’Exécutif englobe aussi l’adoption de cinq décrets d'application relatifs à l'arrêt de la perception des droits d'importation sur le blé dur et le blé tendre et ses dérivés.

Il s’agit également du maintien du stock stratégique de céréales pour six mois, compte tenu de la crise mondiale affectant les chaînes d'approvisionnement, en plus de l’adoption de la loi 80.21 relative à la création du registre agricole.

Quant à l’emploi, OTRAGO rappelle le lancement du programme Awrach qui ambitionne de créer 250.000 emplois directs dans des chantiers publics temporaires durant les années 2022 et 2023. S’agissant du tourisme, le gouvernement avait approuvé un important plan d'urgence d'un montant de 2 milliards de dirhams pour soutenir les opérateurs.

L’opération Marhaba a aussi repris, après une pause forcée de deux ans. Quelque 32 navires ont été mobilisés dans le but d'effectuer 571 voyages par semaine sur l'ensemble des lignes maritimes reliant les ports marocains à ceux en Espagne, en France et en Italie.

Hausse du prix des carburants: aucune mesure prise pour préserver le consommateur marocainEn matière d’énergie, l’ONG salue les efforts fournis en vue de redémarrer les deux stations à gaz de Aïn Beni Mathar et Tahaddart, suite à l’arrêt des livraisons de gaz algérien via le Gazoduc Maghreb-Europe. Cela dit, mis à part le soutien apporté aux transporteurs, le gouvernement n’a entrepris aucune mesure pour préserver le consommateur marocain des effets économiques et sociaux difficiles de la hausse du prix des carburants, imputant cela aux perturbations que connaissent les chaînes d’approvisionnement dans le sillage de la guerre russo-ukrainienne.

Le document déplore aussi le fait que le gouvernement n’a pas osé activer des mesures qui auraient pu réduire l’impact de cette situation sur le pouvoir d’achat des Marocains (plafonnement des marges, révision de la fiscalité des carburants, application des dispositions réglementaires en matière de stockage, absence de vision concernant la raffinerie Samir, etc.).

Culture et sport: pas d’annonces majeuresPour ce qui est de la culture, OTRAGO fait observer qu’à l'exception de la réorganisation du Salon international du livre dans sa 27e session, et son transfert de Casablanca à Rabat, les différentes initiatives et activités entreprises par le gouvernement ne témoignent pas d’une vision prospective. Idem pour le sport.

Quant aux nominations, cette ONG fait savoir que le gouvernement a approuvé 88 nominations dans divers secteurs, tout en observant que certaines nominations ont été opérées en fonction des affiliations politiques des ministres dont ces postes relèvent.

Communication: un silence assourdissantS'agissant de la stratégie de communication du gouvernement, OTRAGO relève des divergences et des discordances entre les composantes de l’Exécutif sur un certain nombre de dossiers et de questions de fond, notamment les carburants, malgré la signature de la Charte de la majorité. Par ailleurs, l'assemblée de la majorité ne s’est pas tenue depuis plus de 6 mois.

De plus, la performance politique du gouvernement s'est également distinguée par un travail législatif et exécutif exclusif, sans aucune concertation ni coordination avec l'opposition, le chef du gouvernement n'ayant tenu aucune réunion avec les dirigeants de l'opposition, malgré la situation économique et sociale difficile du pays, ajoute-t-on.

Une orientation technocratique a également prévalu sur le travail du gouvernement, en l'absence de tout indicateur politique déterminant ses orientations et défendant ses choix politiques dans les domaines de la démocratie, des droits de l'homme, de la lutte contre la corruption, entre autres.

Une faiblesse importante a également été constatée quant à la communication gouvernementale, laquelle a été marquée par la prédominance du langage conflictuel dans la gestion de plusieurs sujets importants, tels que le carburant, l’obligation vaccinale et les enseignants des académies régionales d'éducation et de formation.

Entre réformes et défaillancesAprès avoir passé en revue le bilan de l’Exécutif, un an après la nomination du gouvernement Aziz Akhannouch, OTRAGO a émis quelques observations, à savoir l’absence de mesures pouvant garantir le succès et la pérennité du chantier de la protection sociale, notamment ceux liés à la révision du tarif national de référence et des sources de financement de ce projet.

Il s’agit aussi de l’abstention du gouvernement d’intervenir pour atténuer l’impact de la hausse du prix des carburants sur les citoyens et ses retombées économiques et sociales et pour imposer des conditions juridiques claires qui établissent une concurrence libre et équitable entre les différents opérateurs pour ce qui est des hydrocarbures.

OTRAGO fait aussi état de l'ambiguïté de la position du gouvernement concernant la raffinerie Samir et l'absence de toute vision du gouvernement pour renforcer et développer le système démocratique et la promotion des droits de l'homme.

D’autres défaillances ont également été relevées par cette ONG. Il s’agit de la prédominance du caractère technique budgétaire dans la lutte contre l'inflation, et le manque de clarté quant à l'exploitation des revenus des phosphates, du secteur automobile, du tourisme et des envois de fonds des Marocains à travers le monde.

OTRAGO signale, par ailleurs, l'incapacité du gouvernement à tenir ses engagements contenus dans la loi de finances 2022 quant au soutien financier direct aux plus de 65 ans, d'une valeur de 400 dirhams, et quant à la lutte des pratiques spéculatives. Cette ONG attire également l’attention sur le non-achèvement des structures gouvernementales par la nomination des secrétaires d’Etat.

Ce qu’il faudra faire…OTRAGO a, par ailleurs, émis une série de recommandations visant à améliorer le parachèvement de l’architecture du gouvernement à travers la désignation de secrétaires d’Etat en vue de rehausser le rendement de certains départements ministériels. Il est aussi question d’ouvrir un débat public et franc sur les grandes réformes structurelles (caisse de compensation, système fiscal, retraites, lutte anti-corruption), d'améliorer et d’accélérer le rythme du travail législatif.

Il s’agit aussi d'accélérer la promulgation des lois relatives au Conseil de la concurrence de sorte à garantir la transparence de l’action économique, de l’investissement et ses répercussions sur le consommateur marocain, d’améliorer l’offre du système de santé, d’accélérer la promulgation des lois du travail, de réfléchir à des solutions urgentes aux problématiques liées au stress hydrique et d’améliorer l’action politique du gouvernement et de rehausser la complémentarité et la synergie entre ses différentes composantes.

OTRAGO pointe aussi du doigt la nécessité de s’ouvrir et d’étendre les concertations politiques autour des grands défis auxquels le pays est confronté, de renforcer les mécanismes de protection du pouvoir d’achat des citoyens et de lutte contre le monopole et la spéculation et de déployer une politique publique cohérente dans le domaine de la jeunesse et du sport.

Par Hajar Kharroubi
Le 10/10/2022 à 18h30