Dans la perspective du scrutin parlementaire de septembre 2026, qui verra l’élection des 395 membres d’une nouvelle Chambre des représentants, une question s’impose: les jeunes seront-ils au rendez-vous?
En 2021, plus de trois millions de primo-votants avaient franchi les urnes, témoignant d’une ferveur certaine.
Dix ans plus tôt, en 2011, la même dynamique s’était manifestée, portée alors par l’effervescence du Mouvement du 20 février et la promulgation d’une nouvelle Constitution.
Mais qu’en est-il aujourd’hui, à un an de l’échéance électorale?
Le constat est sans appel: la politique, telle qu’elle se déploie dans le cadre institutionnel, nourrit davantage le désintérêt que l’adhésion. Études et sondages convergent vers la même conclusion.
La Banque mondiale note ainsi que «le contrat social est affaibli par le niveau élevé d’insatisfaction des citoyens à l’égard de l’action publique».
Les causes sont multiples: image dégradée des institutions représentatives, absentéisme chronique de nombreux élus – un tiers seulement de députés présents lors du vote de lois cruciales –, scandales judiciaires touchant des dizaines de parlementaires, et fonctionnement interne des partis marqué par le clientélisme, la cooptation ou le népotisme.
Rien, en somme, qui puisse stimuler l’engagement civique.
Les chiffres sont révélateurs. Selon le CESE, à peine 1% des jeunes appartiennent à un parti politique ou un syndicat, et seulement 5% à une association.
La fondation Friedrich Naumann et l’Arab Barometer dressent le même constat.
Pourtant, le paradoxe est frappant: jamais la scène partisane n’a été aussi large, avec 34 formations en lice, et jamais elle n’a semblé aussi peu attractive pour la jeunesse.
La défiance est profonde. Les jeunes désertent les mécanismes institutionnels de participation – inscription sur les listes électorales, vote, signature de pétitions, conseils consultatifs – mais se mobilisent autrement, via les réseaux sociaux.
«Comment convaincre un chômeur de voter, alors qu’il ne se reconnaît plus dans le système? L’inclusion politique ne pourra se faire sans inclusion socio-économique.»
— Mustapha Sehimi
Ils sont politisés, mais hors des cadres traditionnels, donnant naissance à un activisme numérique qui échappe aux canaux institutionnels.
Comment alors transformer cette mobilisation digitale en engagement citoyen concret?
La réponse passe par l’inclusion.
Or, la réalité sociale et économique agit comme un puissant facteur de désengagement.
Un rapport du CESE (novembre 2023) rappelait qu’un quart des jeunes – soit 1,5 million – étaient en situation de NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation).
À cela s’ajoutent près de 300.000 diplômés chômeurs, un taux de chômage record de 37% chez les 15-24 ans, et plus de 19% chez les diplômés de l’enseignement supérieur.
Comment convaincre un chômeur de voter, alors qu’il ne se reconnaît plus dans le système? L’inclusion politique ne pourra se faire sans inclusion socio-économique.
Des initiatives existent pourtant.
Le 24 juin 2024, une convention entre le CESE et le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication visait à renforcer la participation citoyenne des jeunes par le biais d’outils interactifs et l’élaboration d’une loi-cadre sur la jeunesse.
Mais un an plus tard, qui en parle encore? Le projet semble s’enliser dans l’oubli.
En attendant, la majorité de la jeunesse continue d’investir d’autres espaces d’expression, essentiellement numériques. Elle construit son propre champ d’action, souvent en marge des institutions.
Peut-être est-ce là le signe d’un «autre Maroc», en gestation, porté par une jeunesse critique, connectée, mais encore en attente d’un cadre politique à la hauteur de ses aspirations.





