L’information, si tant est qu’elle en soit une, est dans tous les journaux et sites d’actualité algériens. Diaporamas à l’appui, elle est même à la Une des plus gros titres du voisin. Et «l’événement» est qualifié d’international. Un changement de régime en Algérie pour passer le témoin à une nouvelle génération d’Algériens capables ne serait-ce que de comprendre le monde dans lequel ils vivent? Une auto-critique à même de réconcilier un pays fâché contre la terre entière et totalement isolé sur la scène régionale et, à ce propos, internationale? L’annonce d’une vraie stratégie industrielle pour sortir le pays de sa dépendance aux hydrocarbures et changer un tant soit peu des tartufferies d’un président, Abdemadjid Tebboune, désormais au placard à la faveur d’un chef de l’armée, Saïd Chengriha, qui s’arroge tous les pouvoirs? Si vous croyez halluciner, vous avez bien raison. Il n’en est et n’en sera rien.
Chez la force de frappe, on ne s’offusque pas de si futiles emplois. La troisième puissance économique mondiale –parole du chef de l’Etat– a mieux à faire: libérer les peuples de la terre entière et même au-delà. Ok donc, les Palestiniens? Mais non, c’est trop peu de chose. Les Ouïghours? Connait pas! Mais alors qui, quoi? Les extraterrestres, que le gros méchant Elon Musk s’apprête à conquérir? Vous n’êtes pas loin.
Dans «l’autre monde», punchline que nous devons au roi Mohammed VI himself, on vient de découvrir une nouvelle réserve, non pas de pétrole ou de gaz, ni même de phosphates, mais de mots, slogans et narratifs pour une «cause» encore sous emballage. Le Rif. Pour le commun des mortels, c’est une fière région montagneuse du nord du Maroc aujourd’hui en pleine transformation. Pour le régime algérien, le nouveau trade mark d’une tout aussi nouvelle lutte pour l’indépendance. Le concept d’une guerre pour un accès à l’Atlantique, par un sempiternel et budgétivore sponsoring d’une milice aussi embourgeoisée que résolument molle, est épuisé. Il fallait dare dare trouver une autre source d’ennuis au voisin impérialiste, sioniste, colonialiste, et donc marocain. Ça pue l’improvisation, c’est d’un amateurisme pitoyable et c’est au final pathétique, mais c’est.
Le Rif, la start-up du parasitage du régime algérien
Mais qu’est donc la nouvelle hype à la sauce algérienne? C’est simple mais il fallait y penser. Ramenez une petite dizaine de personnes, de parfaits inconnus de préférence: quelques parlementaires, avec un ou deux ressortissants étrangers. Tassez-les dans une salle de conférence, mettez à fond la climatisation (essentiel!). Installez un pupitre pour des débiles finis tout juste bons à déclamer trois-quatre phrases, pas plus. Faites-en des vedettes. Surprise garantie. Faites répéter encore et encore les mêmes phrases pour que ce soit bien imprimé. Sous un feu pas si doux de caméras, appareils photos et smartphones entrée de gamme. Étalez en long, en large et surtout en travers et vous avez-là un événement de portée internationale, qui augure d’une nouvelle révolution qui va changer la face de la Terre: la journée du Rif, organisée samedi 23 novembre à Alger –la Mecque des révolutionnaires, you know! On ne vous dira pas de quoi mais c’était la fête.
Comme il fallait bien qu’il y ait un petit soupçon de sérieux derrière cette mascarade, nous apprendrons qu’il s’agit de la première sortie médiatique du Parti national rifain (PNR). Oui, oui, et par tous les saints, ça existe! C’est même l’Algérie qui l’a créé. Souvenez-vous. C’était samedi 2 mars dernier au cœur de la capitale Alger.
Certes, le casting est foireux: un véritable gang de la 7ess composé de cinq représentants apparemment originaires du Rif marocain et résidant à l’étranger, auxquels on a accordé asile et quartier général dans une villa héritée de la France sur les hauteurs de la capitale. Mais, pour le moment, on fait avec ce qu’on peut et à moindre frais. Le budget est à l’évidence serré et on ne va quand même pas répéter les erreurs commises avec le Polisario qui, même maintenant, coûte affreusement cher. Mais l’idée y est et pendant que tous les pays de la planète se tuent à devenir des start-up nations, l’Algérie se démène pour devenir une nation start-up. Trop fort.
Scoop: le Sahara n’est pas la dernière colonie d’Afrique
Revenons à nos brebis galeuses: le fraichement créé PNR a donc eu droit à une salle de conférence et à tous les micros. Pour dire que son objectif est de restaurer la République du Rif, «la première qu’a connu le continent africain». À cinq membres, tout est possible et tant qu’à faire mentir l’histoire, il faut y aller à fond la caisse. Quoi d’autre? Que la revendication est «légitime». Il est vrai que le sponsor s’y connaît en matière de «légitimité». Tiens, il y a un truc sympa: «Le Rif n’a jamais fait partie de cette entité organique appelée le Maroc». D’ailleurs, c’est quoi le Maroc, si ce n’est «une entité étrangère implantée dans le corps de l’Afrique pour servir les intérêts des puissances coloniales»? Ils ne savaient pas comment la placer mais le «momentum» est tombé à pic: le Maroc, c’est le siège régional d’Israël S.A. Une belle droite. Boom! La très officielle agence de presse algérienne en parle d’ailleurs. Et bientôt, l’univers tout entier va se saisir, promet un porte-parole du PNR.
Il y a aussi un joli scoop: le Sahara a définitivement perdu son statut exclusif de dernière colonie d’Afrique. Il vient de se faire dédoubler par le Rif. C’est officiel et cela a été dit lors de la «cérémonie»: «Le Sahara occidental et le Rif sont à considérer comme les deux dernières colonies d’Afrique». Et c’est ainsi que s’achève la longue et triste histoire d’amour entre Alger et Polisario. Les caporaux ont fini par s’en lasser et lui préfèrent désormais une bien plus jeune compagne. Ils soufflent en cela le chaud et le froid puisque pendant que les «conférenciers» plaidaient pour une «lutte pacifique», le régime distillait, à travers ses influenceurs, un appel à la lutte armée.
Évidemment, et séance tenante, faisons nôtre et souillons la mémoire d’Abdelkrim El Khattabi et de toute la lutte rifaine contre la colonisation. Et n’oublions surtout pas de remercier le mentor, le business angel et la terre d’accueil: l’Algérie. C’est à ce moment du happening que les applaudissements ont été nourris et que des youyous ont éclaté dans la salle. Au fait, il y avait qui? Comptez, au premier rang, tous les chefs de partis politiques algériens, des représentants verts de jalousie du front Polisario et, pour la partie «internationale», un ministre délégué du gouvernement sud-africain et des représentants du Mozambique. On ne vous dira pas lesquels, c’est un secret d’Etat. Le plus important à retenir à ce stade, c’est que tous les chefs des partis politiques algériens, y compris le FLN et le RND, étaient tassés au premier rang.
Dans le fond comme sur la forme, ce sera à peu près tout. Rien donc. Mais il faut voir le tapage médiatique fait autour de cette mascarade pour saisir le degré de désespoir d’un régime qui tente lamentablement d’ouvrir un nouveau front contre le Maroc. D’Ennahar à TSA en passant par El Khabar, L’Expression…tous les titres de presse et les médias algériens ont relayé ce cirque.
Une tentative grotesque de faire oublier tous les échecs accumulés par Alger sur LE dossier: le Sahara marocain. Le seul vrai enseignement à tirer de cette affaire algéro-algérienne, c’est qu’elle démontre la haine pathologique du régime envers le Maroc et les Marocains. Un régime prêt à tout, même à se ridiculiser, à la seule fin de déranger son voisin.
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Le vent ayant tourné dans le dossier du Sahara au détriment de son ex-poulain, le Polisario, le régime algérien fait feu de tout bois. Cette énième provocation a tout de l’acte désespéré, de la part d’un pouvoir qui a cédé ce qui lui restait de sens de la mesure au profit d’une attitude résolument suicidaire. Ceci, alors que de plus en plus de voix, même algériennes, montent au créneau pour dénoncer l’annexion par l’Algérie française de vastes étendues territoriales appartenant historiquement au Maroc. Arrêté par le régime d’Alger et porté disparu depuis plus d’une semaine, l’écrivain algérien Boualem Sansal aura été le dernier à en faire les frais au prix de sa liberté. Il est d’ailleurs frappant de voir les appels à «l’indépendance» du Rif trôner en Unes et pages principales des médias algériens…au même titre que les injures envers Sansal, accusé de porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie. Bienvenue chez les fous.