La sortie tombe comme un cheveu sur la soupe. Hors sujet, anachronique, mal menée, elle renseigne surtout sur le haut degré de détresse et d’incurie qu’atteint le régime d’Alger, en l’espèce dans sa gestion du ô combien vital dossier du Sahara. Ainsi donc, c’est sur un véritable pétard mouillé que la diplomatie algérienne s’appuie pour défendre son Polisario. Nommons John Bolton, aujourd’hui âgé de 75 ans, connu pour avoir officié un court laps de temps en tant que conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump lors de son premier mandat avant d’être sèchement viré.
John Bolton, c’est aussi LA voix du Polisario aux États-Unis. Il n’est autre que l’architecte, en 2003, du tristement célèbre plan James Baker II (du nom de l’ancien envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU au Sahara, dont Bolton était membre de l’équipe). Ce plan défendait, entre autres, la thèse de l’impraticable référendum d’autodétermination et l’élargissement des attributions de la Minurso aux questions de droits de l’Homme. Deux options intégralement abandonnées.
On passera sur son passé néoconservateur et va-t-en-guerre. Bolton est l’un des artisans de l’invasion de l’Irak en 2003, mais ça, Alger ne veut pas le voir.
L’idée de génie, c’est de le ressusciter pour un tant soit peu contrer les avancées majeures du Maroc sur le dossier du Sahara. Une trouvaille signée Sabri Boukadoum, ambassadeur d’Alger à Washington, sans doute soufflée par le lobby attitré d’Alger aux US, BGR Group, moyennant des fees annuels de 720.000 dollars. Oui, mais pour dire quoi et avec quels miraculeux éléments? Nada, si ce n’est du réchauffé. En fait, pour remettre le référendum sur la table. John Bolton vient en effet de nous gratifier d’un blog sur le Washington Times où il prend de nouveau fait et cause pour le groupe séparatiste et ses thèses. On y lit, entre autres, que «la solution la plus évidente à la question de la souveraineté est de demander aux Sahraouis eux-mêmes ce qu’ils souhaitent». Que l’origine du problème, c’est le Maroc «qui a commencé à faire obstruction à la mise en œuvre de la résolution onusienne dès son adoption» et dont les «ambitions territoriales» ne se limitent pas au Sahara occidental, «mais incluent également de vastes portions du nord de la Mauritanie et de l’ouest de l’Algérie».
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Là où John Bolton se veut d’actualité, c’est s’agissant de l’Algérie. «Pendant et après la guerre froide, les liens de l’Algérie avec l’Occident étaient bien moins solides que ceux du Maroc, ce qui a nui aux Sahraouis. Cela est en train de changer. Des signes récents indiquent que l’Algérie cherche de nouvelles alliances stratégiques, et la signature du tout premier accord de coopération militaire entre les États-Unis et l’Algérie, au début du second mandat de Trump, en témoigne», écrit-il. De quoi trahir un brief orchestré par le même Sabri Boukadoum, qui a promis la lune et les étoiles autour à l’administration Trump pour s’éviter le pire.
SAV
Revigoré par le mémorandum d’entente militaire signé le 22 janvier dernier entre les États-Unis et l’Algérie, le diplomate algérien s’est livré, le 7 mars dernier, à un véritable numéro de charme pour démontrer la prédisposition de l’Algérie à opérer le shift du siècle: le passage, radical et sans transition, d’une dépendance militaire quasi exclusive vis-à-vis de la Russie à un armement américain tous azimuts. Autrefois ministre des Affaires étrangères et Premier ministre par intérim, Sabri Boukadoum a fait sienne la célèbre expression américaine «The sky is the limit» dans un entretien arrangé avec le média US DefenseScoop.
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Les objectifs de la manœuvre sont multiples. Il s’agit avant tout de séduire une nouvelle administration américaine qui ne porte nullement le régime d’Alger dans son cœur. La bête noire du régime d’Alger aux États-Unis, c’est un certain Marco Rubio, secrétaire d’État américain. En 2022, ce dernier a appelé à des sanctions contre la junte au pouvoir, qui se goinfrait d’armes russes au moment où la Russie envahissait l’Ukraine. L’astuce est toute trouvée: acheter américain, c’est pour le régime un moyen de juguler le risque de sanctions. Et c’est à Bolton qu’incombe le service après-vente.
Le Polisario, lui, est un gentil. Le front séparatiste sous l’influence de l’Iran? Une «désinformation». Des combattants du Polisario faisant partie des milices étrangères entraînées en Syrie sous le régime déchu d’Assad avec la bénédiction d’Alger? Une manœuvre «des alliés du Maroc en Occident». Naturellement, le projet de loi introduit au Congrès américain pour désigner le Polisario comme organisation terroriste est nul et non avenu. La preuve? Il faut croire une bande de mercenaires sur parole. «Le Polisario a catégoriquement nié ces accusations». «Il n’y a rien de plus faux: les Sahraouis figurent parmi les plus modérés dans leur rapport à la religion», jure John Bolton. Mais là où l’ancien diplomate ment, c’est quand il assure que le nouveau gouvernement syrien a également démenti les liens entre la bande séparatiste et le régime d’al-Assad. Les liaisons dangereuses entre Polisario, Hezbollah et Iran, et la formation en Syrie de 120 combattants du front ont été étayées par des correspondances de l’époque, trouvées dans les cartons abandonnés par Bachar lors de sa fuite précipitée, et ont été distillées… par le nouveau gouvernement syrien. Bolton ment aussi quand il assure que «le Royaume-Uni a officiellement rejeté les récentes accusations de collusion avec l’Iran», alors qu’il n’en est strictement rien.
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John Bolton n’en a cure: l’enquête on ne peut plus sérieuse du Washington Post, les analyses à profusion des think tanks américains les plus crédibles et les positions de congressmen et sénateurs US les plus dynamiques ont tous tort. Lui, et lui seul, a raison.
La morale, si l’on peut dire: «la politique des États-Unis sur le Sahara occidental devrait revenir à sa position initiale de 1991: soutenir un référendum permettant aux Sahraouis de choisir leur avenir». Il faut être comateux pour oublier qu’entre-temps, et depuis 2022, les États-Unis soutiennent ouvertement et activement la souveraineté du Maroc sur le Sahara et que l’écrasante majorité des pays du globe pensent, affirment et actent le même appui. Venir aujourd’hui défendre une thèse non seulement surannée, mais absente même du logiciel des Nations Unies et du Conseil de sécurité, c’est rêver debout. Après tout, pourquoi pas, vu qu’à l’évidence, le sponsor algérien n’a pas d’autres arguments à faire valoir, ni une vraie solution à proposer? Les dollars gaspillés en lobbying n’y changeront rien.








