Le Général Dominique Trinquand est fort d’une expérience de plus de vingt ans au sein des Nations unies, sur le terrain (Liban 1991-1992, ex-Yougoslavie 1993-1995) et à New York, au sein de la mission militaire de la France auprès de l’ONU de 2002 à 2008.
Spécialiste des relations internationales, il est l’auteur de «Ce qui nous attend» (éd. Robert Laffont), un essai paru en octobre 2023, consacré à l’analyse de la situation géopolitique mondiale. Dans cet entretien avec Le360, il évoque les défis qui attendent l’Afrique, à l’aune du conflit russo-ukrainien, mais aussi et surtout la coopération militaire et sécuritaire entre la France et le Maroc.
Le360 : Vous écrivez dans votre livre qu’au «Sahel, les anciennes puissances coloniales ont été renvoyées pour laisser leur place à la Russie». Croyez-vous que la guerre russo-ukrainienne inhibera à terme cette percée russe en Afrique, réalisée au détriment de la France et d’autres puissances occidentales?
Dominique Trinquand : Je crois qu’il s’agit de l’intérêt russe pour déstabiliser les relations entre les pays africains et l’Europe, et de l’intérêt d’une petite minorité, les putschistes, pour protéger leur pouvoir. À terme, cela se fera au détriment de la sécurité et de l’intérêt des populations. Le balancier devrait revenir dès que les populations comprendront.
«Le Maroc et la France ont besoin de rapports de confiance aussi bien dans le domaine régalien que dans le rapport plus intime des deux communautés.»
— Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU
La récente attaque à Moscou a poussé la France, qui craint un attentat similaire sur son sol, à relever le plan Vigipirate au niveau «Urgence attentat». Comment évaluez-vous à ce propos le niveau de coopération entre la France et le Maroc dans le domaine de la lutte antiterroriste?
Le Maroc est un allié important dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Je n’ai pas d’information directe sur le travail des services, mais je suis convaincu que, dans l’intérêt réciproque des deux pays, il est excellent.
Les relations entre les deux pays ont connu pendant plus d’une année une crise diplomatique d’une rare ampleur. Aujourd’hui, la France et le Maroc sortent à petits pas de cette période de gel. Quelle est votre analyse de la situation?
Le Maroc et la France ont besoin de rapports de confiance aussi bien dans le domaine régalien que dans le rapport plus intime des deux communautés. L’attention portée à la crise récente témoigne de l’importance de la relation bilatérale. Il est à espérer que cela ne soit qu’un mauvais souvenir.
«Les aléas de la politique ne doivent pas entacher la fraternité d’armes.»
— Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU.
Quels sont selon vous les défis auxquels les deux pays devraient éventuellement se préparer ensemble à l’avenir, à la fois sur les continents africain et européen?
Le monde connaît des changements majeurs, en particulier depuis deux ans. Il est important que les deux pays se concertent sur la crise sahélienne, sur la crise ukrainienne et sur la situation à Gaza, mais aussi plus généralement sur la lutte contre le terrorisme. Nos relations historiques doivent permettre une parfaite compréhension de nos pays dans ces domaines.
La coopération militaire entre la France et le Maroc s’était poursuivie en dépit de la crise diplomatique et loin des tensions politiques que traversaient les deux pays. Comment sondez-vous cet état de fait ?
Les relations militaires établies depuis longtemps travaillent sur le temps long. Les aléas de la politique ne doivent pas entacher la fraternité d’armes qui permet une coopération de qualité sur des sujets majeurs pour nos deux pays.