On le sait déjà, le projet de réforme du code pénal bute sur la question de l'enrichissement illicite. L'adoption du projet de loi 10-16 dépend d'un seul article. Les parlementaires ne sont pas d'accord sur un amendement concerté et a fortiori avec la version déposée par le gouvernement. Et naturellement, certains partis politiques ont encore une fois surfé sur ces divergences pour régler leurs comptes, commente l'hebdomadaire La Vie éco dans son numéro du vendredi 18 septembre.
C'est dans ce contexte de gel du texte de loi au Parlement que l’USFP a décidé d’élever encore un peu le niveau du débat. Le parti socialiste a pris tout le monde de court en déposant une proposition de loi complète dédiée entièrement à cette question. Il ne s'agit pas d'un amendement en un ou deux articles d'un texte déjà existant, histoire de faire le buzz, mais d'un nouveau texte bien structuré constitué de 31 articles. Le groupe parlementaire auteur de cette proposition a d'ailleurs rappelé que c'est en 1998, alors que le parti dirigeait le gouvernement, qu'il a été décidé, pour la première fois, de donner corps au principe de la déclaration du patrimoine pour les hauts responsables publics afin justement de faire obstacle à l’enrichissement illicite.
20 ans plus tard, mais cette fois en tant que membre de la majorité, le parti tente de finir le travail initié en ce sens par feu Abderrahmane Youssoufi, en déposant une proposition de loi, la première du genre, qui pénalise l'enrichissement illicite. Ainsi, et contrairement au projet de loi présenté par le gouvernement qui qualifie ce «forfait» de «délit», et se limite à la confiscation des biens «mal acquis» comme sanction, la proposition de l’USFP passe carrément au niveau supérieur. Il y est en fait question de «crime» pour qualifier l’enrichissement illicite. Un crime passible, de surcroît, d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison ferme (art.20) assortie d'une amende dont le montant est équivalent au double de la valeur des biens «mal acquis».
Faisant d'une pierre deux coups, la proposition de l’USFP s’étend également à un autre délit qui fait débat, les conflits d'intérêt et l'utilisation des moyens de l'Etat à des fins personnelles. Les délits liés au conflit d'intérêts sont ainsi considérés comme une forme d'enrichissement illicite. Cette proposition pourrait-elle trouver le chemin de l’adoption? s'interroge l'hebdomadaire. Difficile de le prévoir, constate-t-il. Toujours est-il, souligne La Vie éco, que c’est l’USFP qui dirige le département de la justice, à travers le membre de son bureau politique, Mohamed Benabdelkader. C'est également l’USFP qui préside la première Chambre devant laquelle est déposée la proposition de loi, en la personne de Habib El Malki, président du conseil national du parti. Ce qui pourrait, en théorie, jouer en faveur de son adoption.
Nul besoin d'insister sur le fait qu'avec cette proposition, l’USFP ne s'aventure pas sur un terrain vierge, conclut l’hebdomadaire. Depuis 2008, le Maroc dispose, en effet, d'une législation spécifique en la matière. Sauf que jusque-là, seule la non déclaration du patrimoine est sanctionnée.