«Éléments de droit constitutionnel marocain» de Nadia Bernoussi

Nadia Bernoussi.

Nadia Bernoussi, autrice de l'ouvrage "Éléments de droit constitutionnel marocain.

TribuneLe droit constitutionnel marocain se révèle comme un terrain d’analyse aussi complexe que fascinant. Dans «Éléments de droit constitutionnel marocain», Nadia Bernoussi livre une étude approfondie des dynamiques institutionnelles du Maroc post-2011, entre héritage, modernisation juridique et démocratisation. Écrivain, sémiologue et spécialiste des arts et de littérature comparée, Noureddine Bousfiha nous en fait une lecture dans cette tribune.

Le 18/10/2025 à 08h00

Le droit constitutionnel marocain, à la croisée des traditions politiques et des exigences démocratiques modernes, constitue un champ d’étude aussi riche que complexe. Dans son ouvrage Éléments de droit constitutionnel marocain, préfacé par Bertrand Mathieu*, Nadia Bernoussi, professeure de droit constitutionnel et membre éminent de la commission consultative pour la révision de la constitution, experte en droit public, apporte un éclairage exceptionnel sur les dynamiques institutionnelles du Maroc. Forte de son expertise académique et de son expérience au cœur du processus institutionnel, l’auteure propose une analyse rigoureuse et actualisée des évolutions institutionnelles, des avancées juridiques et des défis persistants du système politique marocain. À travers une approche à la fois historique, juridique et politique, l’auteure décrypte les tensions passées entre pouvoir royal et parlementarisme, tout en interrogeant l’effectivité des droits fondamentaux garantis par la Constitution de 2011. Cet essai, met en lumière les enjeux contemporains du constitutionnalisme marocain et les perspectives de réforme qui se dessinent pour ce régime hybride, entre modernité et permanence.

L’ouvrage de Nadia Bernoussi, constitue une contribution de référence à l’analyse du système constitutionnel marocain. Par une approche mêlant exigence doctrinale, contextualisation historique et lucidité critique, l’auteure propose une lecture approfondie des dynamiques institutionnelles du Maroc post-2011.

L’étude s’ouvre sur un cadre théorique et historique élargi, permettant de comprendre la formation du droit constitutionnel marocain comme un produit d’interactions complexes entre trois dimensions fondamentales: la pérennité d’une tradition monarchique centralisatrice, l’influence des modèles constitutionnels contemporains, et les revendications populaires portées notamment par le mouvement du 20 février 2011. Ce dernier, dans le contexte des «printemps arabes», a joué un rôle catalyseur dans l’adoption de la Constitution de 2011, laquelle a marqué une tentative de rééquilibrage entre légitimité monarchique et aspirations démocratiques.

L’ouvrage analyse avec précision les innovations introduites par le texte constitutionnel de 2011: élargissement du champ des droits et libertés fondamentaux, reconnaissance de la langue amazighe comme langue officielle aux côtés de l’arabe, création de la Cour constitutionnelle, renforcement théorique de la séparation des pouvoirs. Toutefois, ces avancées sont abordées avec nuance. Nadia Bernoussi insiste sur les limites de leur effectivité, en raison de facteurs structurels, d’une culture politique peu perméable au changement.

L’un des apports majeurs du livre réside dans l’éclairage qu’il propose sur les tensions internes au texte constitutionnel, marquées par une dualité qui engendre un champ d’interprétation mouvant, source d’ambiguïtés juridiques et de résistances politiques dans la mise en œuvre des réformes.

Par ailleurs, Nadia Bernoussi consacre une réflexion importante aux enjeux contemporains que pose l’effectivité du droit constitutionnel marocain: fonctionnement réel des institutions, articulation des pouvoirs, mise en œuvre de la régionalisation avancée, place des libertés individuelles, et nécessité d’un dialogue constitutionnel vivant et inclusif. Dans une démarche prospective, nous pouvons, avec l’auteure, envisager plusieurs scénarios pour l’avenir du constitutionnalisme marocain: un scénario d’approfondissement démocratique par autonomisation des institutions, un scénario d’inertie et de stagnation ou encore un scénario intermédiaire, fondé sur l’émergence d’une culture constitutionnelle nourrie par le dialogue entre acteurs juridiques, politiques et société civile.

Ainsi, Éléments de droit constitutionnel marocain ne se limite pas à une présentation technique du droit en vigueur. Il offre une lecture critique et engagée des mécanismes constitutionnels, dans une perspective à la fois analytique et normative. L’ouvrage se distingue par sa capacité à conjuguer rigueur académique et sens politique, et constitue à ce titre une ressource incontournable pour qui s’intéresse à l’évolution du droit constitutionnel au Maroc, et plus largement, aux processus de transition démocratique dans les régimes à forte légitimité historique.

En conclusion, Éléments de droit constitutionnel marocain se distingue par son approche technique et politique, offrant une analyse éclairante des tensions entre tradition et modernité, et des défis auxquels le Maroc est confronté dans son cheminement vers une démocratie consolidée. Cet ouvrage constitue une référence indispensable pour comprendre les dynamiques constitutionnelles du pays et propose des pistes de réflexion pour l’avenir, en insistant sur l’importance d’un engagement continu et d’un dialogue institutionnel permanent afin de favoriser un véritable progrès démocratique.

Éléments de droit constitutionnel marocain

Par Nadia Bernoussi

Préface de Bertrand Mathieu

La Croisée des chemins

Casablanca, 2025.

* Bertrand Mathieu est un juriste, spécialiste du droit constitutionnel, professeur agrégé à l’École de droit de la Sorbonne. Université Paris1 Panthéon-Sorbonne. Il est aussi un ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, membre de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe.

Par Noureddine Bousfiha
Le 18/10/2025 à 08h00