Comment écrire l’histoire de l’Algérie?

Bernard Lugan.

Bernard Lugan.

ChroniqueDéontologiquement parlant, sauf à être partisan ou militant, l’historien ne peut prétendre écrire une histoire de l’Algérie en cautionnant une histoire nationale relevant largement de la légende et d’un récit national fabriqué. Les historiens algériens sérieux sont parfaitement conscients du problème, mais, prudents, ils se taisent.

Le 30/01/2024 à 11h01

Écrire l’histoire de l’Algérie contraint à un choix. Soit suivre la trame de l’histoire officielle écrite depuis 1962, soit s’en affranchir, mais en acceptant alors par avance les attaques et les procès d’intention.

Une démarche scientifique impose en effet une profonde critique de l’histoire officielle, cette dernière étant régulièrement l’addition ou encore la succession de mythes et même d’affirmations péremptoires. Ainsi, selon les manuels utilisés dans les écoles d’Algérie:

- L’Algérie est un pays arabo-musulman, la nation algérienne, arabe et musulmane existe depuis le 7ème siècle.

- Jugurtha est le premier «résistant algérien».

- Tlemcen et Bougie sont des pré-Algéries.

- La période ottomane est celle de la gestation nationale algérienne.

- Abd el-Kader et Mokrani menèrent des guerres nationalistes algériennes.

- La période française est celle d’un pillage et d’une quasi-mise en esclavage des populations.

- La guerre d’indépendance est le soulèvement de tout un peuple uni contre le colonisateur, à l’exception toutefois d’une petite minorité de «collaborateurs», les Harkis.

Or :

- Le fond ancien de la population de l’Algérie est berbère, mais, au moment de l’indépendance, afin de donner une cohérence aux différents ensembles composant la jeune Algérie, la volonté de l’unité se fit à travers un nationalisme arabo-musulman particulièrement affirmé.

- Parler de Jugurtha comme d’un «Algérien» est un furieux anachronisme. D’autant plus qu’à ce compte-là, il n’était pas «Algérien», mais «Tunisien» car, même s’il naquit à Constantine, c’était un Massyle, royaume «tunisien», et non pas un Masaesyle, royaume «algérien».

- Bougie et Tlemcen ces très brillantes principautés, ne furent pas des noyaux pré-étatiques algériens. Gênes, Pise, Florence ou Venise n’ont pas davantage constitué des pré-Italies. Et cela, à la différence du Maroc, où Fès et Marrakech développèrent des empires à travers des dynasties successives.

- Les Turcs ne favorisèrent pas l’évolution vers un État nation algérien. À la différence des Karamanli en Libye et des Husseinites en Tunisie, il n’y eut pas dans la Régence d’Alger d’apparition d’une dynastie nationale ou pré-nationale, car la Régence d’Alger demeura liée à Constantinople.

- La guerre d’Abd el-Kader fut un mouvement arabe limité à certaines tribus d’Oranie. Quant à celle de Mokrani, elle fut ethno-centrée sur les seules Kabylies.

- Durant la guerre d’indépendance, les Algériens engagés dans l’armée française furent trois à quatre fois plus nombreux que les combattants nationalistes.

- Enfin, ce fut la France qui créa l’Algérie en rassemblant ses régions et ses populations. Ce fut elle qui lui donna son nom et ses frontières. Des frontières qui, à l’Ouest, furent tracées par l’amputation territoriale du Maroc (Tidikelt, Gourara, Tindouf, Colomb Béchar, etc.), et qui, au Sud, ouvrirent l’Algérie sur un Sahara qu’elle n’avait, par définition, jamais possédé.

Déontologiquement parlant, sauf à être partisan ou militant, l’historien ne peut donc prétendre écrire une histoire de l’Algérie en cautionnant une histoire nationale relevant largement de la légende et d’un récit national fabriqué. Les historiens algériens sérieux sont parfaitement conscients du problème, mais, prudents, ils se taisent... D’où les démarches alambiquées de ceux dont la problématique illustre le malaise scientifique qu’ils ressentent, mais qu’ils s’interdisent d’exprimer.

En effet, en Algérie, l’histoire n’est pas tant l’étude du passé que le moyen de s’affranchir d’un traumatisme existentiel que Mohamed Harbi a résumé d’une phrase: «L’histoire est l’enfer et le paradis des Algériens».

«Enfer» des Algériens leur propre histoire? Oui, parce qu’elle les ramène constamment à des réalités qu’ils nient, ce qui rend donc impossible toute analyse rationnelle du passé. «Paradis» des Algériens leur propre histoire? Là encore, oui, parce que, pour oublier ces réalités, les Algériens s’accrochent à un passé reconstruit et même souvent fantasmagorique.

Par Bernard Lugan
Le 30/01/2024 à 11h01

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VOS RÉACTIONS

Mr Nourdine Boukrouh, ex. homme politique algérien, a déclaré simplement <> .

Bonjour Monsieur Lugan, C'est avec un grand intérêt que je vous lis depuis maintenant quelques années. Histoire des Berbères illustre parfaitement votre sérieux et votre objectivité disciplinaire. Ce monde berbère qui n'est hélas plus d'actualité n'ayant aucun poids sur le plan géopolitique et local. Etant kabyle, je serai très heureux que vous écriviez un livre sur l'Histoire de la Kabylie, en toute objectivité. Pour l'heure, il n'y a que les écrits de Younès Adli, Mohand Tilmatine et quelques autres auteurs qui se comptent sur le bout des doigts et qui n'ont pas la vocation d'historiens. Néanmoins, ils apportent des éclaircissement. Le peuple kabyle vous remerciera éternellement. Merci pour vos pertinentes interventions également notamment sur la toile. Bien cordialement. Vrahem.

C'est nôtres dernier soucis la vie de cet asile psychiatrique alge-rien

En tant que Marocain je souhaite que mon pays récupère toute la région de Saoura annexée par la France à sa progéniture s'appelant Algérie. Le sentiment et la fierté d'appartenance au Royaume du Maroc sont toujours vivants dans l'esprit des habitants de Béchar et Tindouf et Adrar.

Maghreb uni et frère. L. Algerie n'a pas vue le jour avec la France. Le maghreb etait le pays de tous les amazir. La preuve la langue et la culture es la même. Le Maghreb c est l avenir .c est la france qui nous as diviser et le fait encore .tanmirt

Le Maghreb, c'était uniquement le nom du Maroc qui possédait un empire et qui a une histoire glorieuse .Pour le reste, c'est la France qui a généralisé ce nom à tout les pays d'Afrique du nord .Quant à ceux qui nous divise , c'est bien l'algérie et rien d'autre !

L'Algérie actuelle ne peux aspirer à devenir ou à être une nation en pillant l'histoire, les traditions et les coutumes des pays voisins. Les algériens doivent accepter ce qu'ils sont et commencer à bâtir leur histoire à partir de la création de leur état, c'est à dire 1962. Nul ne peut s'approprier l'histoire des autres pour aspirer à créer un commun national car le voleur finit par se faire attraper et doit rendre ce qui a volé à leurs propriétaires. La création de l'Algérie par la France était un couteau planté dans le dos des pays africains et en particulier le Maroc. La création de cet entité fantoche dirigée par des caporaux issus de l'armée du colonisateur n'avait pour objectif que de perturber l'ahrominie du Maghreb tel un cancer dans un corps sain.

Je peux simplifier l'histoire de l'Algérie à ce qui suit! L'Algérie n'a jamais existé en tant que pays ou nation mais était limitée à la ville d'Alger en tant que province romaine, ottomane et enfin française! L'Algérie actuelle est une anomalie historique qui témoigne de la cupidité coloniale qui ne s'est pas limité aux massacres des autochtones mais aussi à l'amputation d'énormes terres de l'empire Chérifien (le Maroc), de la la Libye, de la Tunisie et de l'actuel Mali afin de créer, par un décret présidentiel de Charles De Gaulle en 1962, une entité fantoche dépendante de la France et ainsi perpétuer la présence éternelle de l'ancien colonisateur en Afrique du Nord. Pour aspirer à être une nation avec un commun et une histoire et le peuple algérien ne possède pas ces caractéristiques

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