Dans un communiqué de l’armée algérienne, censé présenter ce que cette dernière appelle son "bilan opérationnel sur la lutte anti-criminalité", et repris par l’APS dans une dépêche datée du lundi 1e mars 2021, il est écrit que "le régime marocain use de tous les moyens pour faire écouler et vendre ses drogues en dehors de ses frontières, et ce, en faisant fi de la sécurité et la stabilité des pays du voisinage". En des termes beaucoup plus directs, l’armée algérienne précise que "le Maroc facilite l’acheminement de tonnes de drogues vers l’Algérie".
Or, à l’examen des chiffres de ce bilan établi par l’armée algérienne, et qui couvre la période allant du 1e janvier 2017 au 24 février 2021, aucune mention, ni la moindre trace du plus grand scandale de drogue en Algérie. Celui justement qui a secoué la hiérarchie militaire en mai 2018, puisque pas moins de neuf généraux, dont un ex-chef de la gendarmerie (Menad Nouba), et un ex-DGSN (Abdelghani Hamel), y sont impliqués et purgent des peines lourdes derrière les barreaux.
Pour rappel, il s’agit de la saisie par les douanes algériennes, opérant au port d’Oran, de 701 kg de cocaïne dissimulés dans une cargaison de viande congelée habituellement importée du Brésil par un homme d’affaires algérien, Kamel Chikhi dit El Bouchi, immédiatement arrêté, ainsi que certains de ses complices.
Dans cette affaire, Khaled Tebboune, fils de l’actuel président algérien, n’a dû son salut qu’à l’élection entretemps de son père. Non seulement il a été blanchi en février 2020, quittant comme un héros le pénitencier d’El Harrach, mais Khaled Tebboune a intercédé auprès de son père pour que la justice soit clémente aussi avec El Bouchi, qui n’a écopé que de 4 ans de prison, au lieu de la perpétuité prévue pour ce genre de crime.
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Il faut dire que dans ce dossier, les avocats de la défense ont trouvé la parade. "Limiter l’instruction aux frères Chikhi, c’est protéger les vrais barons", ont-ils plaidé. Cette seule phrase a terrorisé les juges, qui ont compris que derrière chaque trafiquant de drogue en Algérie, se cache toujours un haut gradé de l’armée. C’est finalement le général Hamel, ancien patron de la police algérienne, toute sa famille et son chauffeur qui ont été "sacrifiés" sur l’autel de cette affaire de narcotrafic.
Mais cette affaire de "cocaïnegate" impliquant les généraux algériens n’est que la partie visible de l’iceberg. Elle a été divulguée, par les autorités algériennes, uniquement parce que la marine espagnole a tout découvert et les a alertées sur le contenu exact de certains conteneurs de ladite fausse cargaison de viande brésilienne à destination d’Oran.
L’Algérie étant un pays qui importe quasiment tous ses besoins de l’étranger, ses ports sont connus pour être des plaques tournantes du trafic de drogue, le plus souvent couvert en haut lieu. Une réalité qui n’a d’ailleurs pas échappé au Hirak, dont l'un des slogans rappelle justement aux généraux jusqu’à quel point leurs mains sont trempées dans la drogue. "Il n’y a pas de poussière sur le Hirak, mais de la poudre blanche sur les généraux", crient régulièrement les manifestants.
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C’est dire que le bilan que vient de publier l’armée est non seulement très partiel, car il ne dit pas tout, mais qu'il est également partial puisqu’il n’a pour objectif que de viser le Maroc.
Partiel car, par exemple, à la frontière terrestre tuniso-algérienne, les saisies de drogues (cannabis, cocaïne, psychotropes) sont très courantes. Mais le bilan de l’ANP n’en dit pas un seul mot. Pourtant, il suffit de consulter l’historique des articles de n’importe quel support de la presse privée algérienne sur la drogue pour saisir l’ampleur de ce trafic.
Partial, car il est surprenant que les frontières algéro-marocaines, dont la fermeture date de la "décennie noire", et qui sont supposées être bien surveillées par l’armée algérienne, soient considérées comme poreuses pour la seule drogue en provenance du Maroc.
Il est certain, en tout cas, que l’Algérie inonde le Maroc de tonnes de psychotropes (karkoubi). Sachant que les Algériens ont la manie d’accuser l’autre de ce qu’ils font eux-mêmes, cette assertion glissée dans le communiqué de l’armée algérienne prend tout son sens: "Le régime marocain ferme les yeux sur la contrebande et le narcotrafic. De surcroît, il encourage et motive ses éléments postés sur ses frontières pour faciliter l’acheminement de tonnes de drogues vers l’Algérie".
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L’armée algérienne, supposée être une grande muette, perd ses nerfs. Non seulement, l’ANP est devenue trop bavarde, mais elle donne des signes d’hystérie et de perte de contrôle qui n’augurent rien de bon pour sa santé. Puisque nombre de généraux algériens ont une moyenne d’âge, dépassant 75 ans, il ne faut pas s’étonner que l’armée qu’ils dirigent radote. Il y a même des signes de sénilité chez les deux plus hauts gradés de cette armée: le chef d’état-major, Saïd Chengriha, 76 ans, et le général-major Ben Ali Ben Ali, chef de la garde républicaine, qui affiche 88 ans.
Très peu probable que les manœuvres de diversion du régime militaire qui dirige le pays détourneront le peuple de sa principale revendication: "un Etat civil et non pas militaire". Rendez-vous vendredi prochain pour entendre un peuple jeune crier à tue-tête dans les principales villes d’Algérie "Y’en a marre des généraux" ou encore: "Généraux à la poubelle et l’Algérie aura son indépendance!"