Abd el-Kader, de son vrai nom Abd al-Qadir ibn Muhyi al-Din, né à Mascara en 1808, pourrait être considéré comme Marocain, et cela, pour plusieurs raisons:
- Il appartenait à la tribu arabe des Hachem se rattachant à la lignée chérifienne des Idrissides qui furent les fondateurs du premier État marocain au 9ème siècle.
- Dans les années 1820, son père, Mahi ed Dine, fut le khalifa (représentant) du sultan du Maroc à Tlemcen. Ne perdons en effet pas de vue que, du 9ème siècle à la conquête turque du 16ème, Tlemcen fut, quasiment la moitié du temps, rattachée au Maroc. D’ailleurs, et comme l’avait remarqué en 1831 le futur général Louis de Lamoricière (1806-1865), en parlant des attaches spirituelles, donc politiques, des habitants de la région, il écrivit «À Oran, ils font (la prière) pour le roi du Maroc».
- Il avait épousé une des filles du sultan Moulay Abderramane (1822-1859).
- Il reconnaissait l’autorité religieuse, donc politique, du sultan marocain.
En 1818, opposant au pouvoir turc, Mahi ed Dine avait une première fois été condamné à la prison. En 1824, en raison de leurs liens avec le Maroc, Mahi ed Dine et son fils Abd el-Kader furent arrêtés par le dey turc d’Oran pour sédition contre la Turquie. Libérés par intervention auprès de la mère du dey, ils furent exilés à La Mecque. Ils revinrent dans la région peu de temps avant la prise d’Alger par la France.
Après le débarquement français du mois de juillet 1830, le pouvoir turc s’effondra dans la Régence d’Alger. Au mois de septembre, dominés par les Koulougli (métis de Turcs), les habitants de Tlemcen firent appel au sultan marocain Moulay Abderrahmane pour les protéger et les libérer.
Ce dernier nomma alors deux hauts responsables à Tlemcen, à savoir son cousin Moulay Ali Ben Moulay Slimane, en qualité de khalifa, et Si Bennouna comme pacha. Moulay Ali Ben Moulay Slimane entreprit de rétablir l’ordre dans la région en occupant militairement une partie de l’ancien beylicat turc d’Oran, dont Tlemcen.
Présenter comme le fait l’histoire officielle algérienne Abd el-Kader comme un nationaliste «algérien» ne correspond donc pas à la réalité. D’abord, parce l’Algérie n’existait pas à l’époque. Ensuite, parce que ce fut peut-être en vassal du sultan du Maroc qu’il combattit les Français…
Abd el-Kader fut en effet, et comme l’avait été son père avant lui, considéré comme le khalifa du sultan que le Maroc soutint par l’envoi d’armes et de vivres.
Le 16 mai 1843, les cavaliers du duc d’Aumale capturèrent la Smala (camp mobile) d’Abd el-Kader. Les survivants se replièrent au Maroc, où les oulémas de Fès décrétèrent que son combat s’apparentait au jihad. En 1844, le général Bugeaud exigea qu’Abd el-Kader soit expulsé du Maroc, ce que le sultan refusa. Tout au contraire, l’armée marocaine se porta à son secours et, le 14 août 1844, se livra la bataille de l’oued Isly qui s’acheva par une victoire française. Le 10 septembre 1844, le Maroc et la France signèrent le Traité de Tanger, les Français obtenant la fin du soutien marocain à Abd el-Kader.
Puis, le 18 mars 1845, Français et Marocains signèrent le Traité de Lalla Maghnia qui prévoyait, entre autres, le maintien de la frontière maroco-algérienne dans ses limites de l’époque de suzeraineté ottomane sur l’Algérie. Le traité donnait à la France un droit de suite en cas d’attaque sur les frontières de l’Algérie française. Cette clause, destinée à Abd el-Kader, eut de graves conséquences pour l’intégrité du Maroc. En effet, ce fut au nom de l’interprétation unilatérale de ce droit de suite que la France conquit ultérieurement le Touat, le Gourara, le Tidikelt et la Saoura, qui furent arrachés au Maroc pour être offerts à l’Algérie française.
Pendant que le sultan essayait de résister à la pression de la France, Abd el-Kader défia le Maroc dans des opérations décidées sans tenir compte de ses intérêts nationaux. Jouant la politique du pire, il était en effet prêt à susciter une guerre entre le Maroc et la France. Or, le sultan ne pouvait prendre le risque d’une invasion.
Au printemps 1847, Abd el-Kader prit ses quartiers dans le Rif d’où il défia l’autorité du sultan. Moulay Abderrahmane exigea alors qu’il vienne à Fès pour s’y expliquer auprès de lui et cela, s’il ne voulait pas être considéré comme un rogui, un rebelle à l’autorité chérifienne. Abd el-Kader chercha alors à passer la Moulouya, mais il fut intercepté par le général de Lamoricière. Le 23 décembre 1847, il se rendit aux Français contre la promesse de pouvoir s’exiler à Damas.