Union africaine: Ramtane Lamamra désavoué par la majorité de ses pairs africains

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, lors d'une conférence de presse à Alger, le 24 août 2021.

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, lors d'une conférence de presse à Alger, le 24 août 2021. . AFP

Le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, a lamentablement échoué, lors de la 39e session du Conseil exécutif de l'Union africaine, à obtenir le retrait du statut d’observateur qui avait été accordé à Israël. L’intéressé a néanmoins bien voulu reconnaître ce cinglant camouflet, dont il a rendu responsables le Maroc et la RDC.

Le 17/10/2021 à 10h11

Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères que les médias de son pays aiment souvent à qualifier de «diplomate chevronné», vient de se tirer de lui-même, de sacrés coups de chevrotine dans les pieds. Et c’est fou de rage que cet homme, dont la réputation supposée est d'être quelqu'un de posé, s’en est pris violemment, samedi 16 octobre, au président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, sans bien évidemment oublier dans sa salve cet «ennemi juré» qu'est le Maroc et ses nombreux amis africains, dont la République Démocratique du Congo, qui assure actuellement la présidence annuelle de l’UA.

Cette hystérie dont a fait preuve le chef de la diplomatie algérienne s’explique par le fait qu'il a lamentablement échoué dans ses tentatives, sinon d’éjecter Israël de son statut d'observateur auprès de l’UA, du moins d'imposer cette question comme le sujet des débats de la 39e session du Conseil exécutif de l'UA, une réunion qui a concerné les ministres des Affaires étrangères du continent, à Addis-Abeba, les 14 et 15 octobre derniers.

Alors qu’il a été totalement mis en minorité par ses pairs africains, Lamamra a même été prétendre, hier, samedi 16 octobre, dans des propos rapportés par l’agence de presse algérienne APS, que la position de son pays, malgré son échec, était soutenue par la majorité des pays africains. «Les ministres du courant majoritaire qui ont conscience que la crise institutionnelle engendrée par la décision irresponsable de Moussa Faki tend à rendre irréversible la division du continent, ont accepté de soumettre la question au sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine prévu au mois de février prochain», a déclaré Lamamra. De cette prétendue majorité, il n’a cité, en tout et pour tout, que l’Afrique du Sud et le représentant du Polisario.

Selon Ramtane Lamamra, il est en effet «regrettable que la proposition du Nigeria, élaborée avec l'Algérie, tendant à restaurer immédiatement le statu quo ante n’ait pas été acceptée par une minorité activiste représentée par le Maroc et quelques-uns de ses proches alliés, dont la République Démocratique du Congo (RDC) qui a assuré une présidence particulièrement partiale de la séance».

Et Lamamra de s’acharner à nouveau sur Moussa Faki, coupable selon lui d’une «décision malencontreuse et dangereuse», d’une «atteinte grave au patrimoine historique de lutte de l’Afrique contre le colonialisme et l’apartheid», et même d’avoir causé une «cassure irréparable» à l’Afrique.

Moussa Faki, qui avait un moment accouru au secours de Lamamra, en le nommant Haut représentant de l’UA au cours de sa dernière (et toute récente) traversée du désert, a été ferme sur sa décision en écourtant le débat sur le siège d’observateur à l’UA accordé à Israël. Selon lui la majorité des Etats africains soutiennent cette décision, en attendant sa confirmation ou son (improbable) rejet par le sommet des chefs d’Etat de l’UA, prévu en février 2022.

Ce refus du Conseil exécutif de l’Union africaine de revenir sur la décision concernant Israël est, de fait, un véritable camouflet pour l’Algérie, mais surtout pour Lamamra en personne, lui qui croyait (bien naïvement?) que l’Union africaine était encore sa chasse gardée, pour y avoir été président de la Commission paix et sécurité entre 2008 à 2013.

Mais le ministre algérien des Affaires étrangères a oublié sa règle sacro-sainte: le fait qu'une diplomatie est toujours à l’image du pays qu’elle représente. Or, un Etat comme l’Algérie, dont le front intérieur est totalement fissuré, et dont le pouvoir est dénué de toute légitimité, ne peut, aujourd'hui et dès lors, exercer la moindre influence à l’extérieur.

Selon un média algérien, Lamamra serait même désormais assis sur un siège éjectable, car il n’a créé que des crises, quelque trois mois seulement après son retour aux Affaires étrangères. Il a également failli à la mission principale que le régime politico-militaire lui avait assignée, celle de contrer l’influence et le dynamisme de la diplomatie marocaine, qui n’a cessé d’engranger d’importants acquis depuis son retour au sein de l’Union africaine au début de 2017.

Le journal en ligne Algériepart affirme ainsi que «le chef de la diplomatie algérienne a reconnu un échec de l’Algérie sur la délicate question de l’octroi du statut d’observateur à Israël au sein de l’Union africaine». Et de conclure: «Lamamra s’est fendu d’un discours aux relents défaitistes qui interpelle et soulève de nombreuses interrogations sur la place réelle de l’Algérie au sein de l’Union africaine».

Par Mohammed Ould Boah
Le 17/10/2021 à 10h11