Pourquoi le Niger ne sera pas un nouveau Mali

Rachid Achachi.

ChroniqueLe Niger ne peut être réduit à un agrégat d’ethnies. Il s’agit bel et bien d’une nation en devenir. Certes, beaucoup de choses restent à faire, mais l’essentiel est là, à savoir un sentiment d’appartenance nationale, qui, tout en excluant les appartenances ethniques, permet aux citoyens de se penser à l’échelle de la nation.

Le 27/07/2023 à 11h00

Après les coups d’État au Mali et au Burkina Faso, beaucoup misaient sur un effet de contagion dans la région du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. Les ingrédients sont globalement les mêmes dans de nombreux pays de la région, bien qu’avec des intensités différentes: pauvreté, insécurité, autoritarisme politique, corruption endémique, rivalités ethniques, terrorisme, ras-le-bol de la mainmise française vécue comme une forme nouvelle d’occupation…

Mais très peu auraient pu parier sur le Niger pour être le futur candidat, et ce, pour différentes raisons.

Premièrement, il s’agit, quoi qu’on en dise, d’un pays globalement stable, bien que se situant au cœur d’un tourbillon régional d’instabilité. A l’est, le pays est bordé par le Mali et le Burkina Faso, tous deux ayant connu des coups d’État ces dernières années. A l’ouest, le pays est frontalier de la Libye, un pays en quasi-implosion depuis la chute de Kadhafi en 2011. Et au sud, c’est le Nigéria, où des groupuscules divers, dont Boko Haram, continuent de pulluler au Nord-Est, dans l’Est de l’Etat de Borno, limitrophe du Sud-Est du Niger.

Maintenir un certain degré de stabilité dans ce contexte est factuellement une prouesse.

Beaucoup de raisons se cachent derrière cette relative stabilité. La plus importante est que Niamey a réussi à résoudre l’équation touarègue par la voie de l’intégration politique et socioéconomique, là où le Mali a tenté en vain de le faire militairement.

En effet, en accordant le poste de Premier ministre à Brigi Rafini, un Touareg, en 2011 et jusqu’en 2021, l’ancien président Mahamadou Issoufou a envoyé un signal fort à toute la nation. Désormais, les Touaregs font partie intégrante de la nation du Niger et n’auront plus à subir la politique de l’État en tant que minorité, car désormais, ils sont aussi aux manettes.

De même, divers programmes de développement des régions du Nord, majoritairement touarègues, ont été, depuis, mis en place pour soutenir les activités économiques locales.

Si la dimension ethnique existe encore en tant que soubassement culturel au Niger, elle ne revêt cependant pas un caractère discriminant politiquement. Si l’ancien président Issoufou appartient à l’ethnie Haoussa (environ la moitié de la population), son successeur Mohamed Bazoum appartient à la minorité arabe ultra-minoritaire des Ouled Souleymane. Ces derniers sont, à l’origine, de grands nomades, dont le territoire de transhumance va du Nord de la Libye (golfe de Syrte) jusqu’aux profondeurs du désert libyen.

Et ce n’est pas rien dans une région où le facteur ethnique est déterminant dans le vote politique. Cela révèle un changement profond de mentalité, qui nous permet, avec beaucoup de précautions, de dire que le Niger ne peut être réduit à un agrégat d’ethnies. Il s’agit bel et bien d’une nation en devenir. Certes, le pays est pauvre, les institutions demeurent fragiles et beaucoup de choses restent à faire. Mais l’essentiel est là, à savoir un sentiment d’appartenance nationale, qui, tout en excluant les appartenances ethniques, permet aux citoyens de se penser à l’échelle de la nation.

Maintenant, revenons à la tentative de coup d’État. De ce que l’on sait, le putsch a été initié par des membres de la Garde présidentielle. Ces derniers n’ont pour l’instant le soutien ni de l’armée régulière ni de la population, dont une partie est d’ailleurs sortie manifester contre ce coup de force. Les négociations n’ont pour l’instant rien donné, et tout porte à croire que l’affaire se résoudra soit dans le sang des mutins suite à l’intervention de l’armée, soit par une reddition de ces derniers dans le cadre d’un compromis (amnistie), soit, enfin, par l’exil dans un pays voisin.

Le seul scénario que l’on peut, à l’heure actuelle, exclure est celui d’une improbable réussite de ce coup de force armé.

Car non, le Niger n’est ni le Mali ni le Burkina Faso. Il a ses forces et ses faiblesses, mais en l’occurrence, le plus probable est que cette stabilité bâtie dans la durée finira par l’emporter sur les fragilités internes, permettant ainsi au Niger de sortir renforcé de cette crise.

Par Rachid Achachi
Le 27/07/2023 à 11h00