Portugal: élections législatives face au défi de l’extrême droite

Les partisans du parti Chega portent des drapeaux lors d'un rassemblement dans le quartier de Graca, à Lisbonne, le 20 février 2024. La campagne électorale commence officiellement le 25 février 2024 au Portugal, menant aux élections législatives prévues pour le 10 mars 2024. AFP or licensors

Le Portugal, entré officiellement dimanche en campagne pour les élections législatives du 10 mars, pourrait basculer à droite grâce à une poussée des populistes anti-système après huit années de gouvernement socialiste interrompues par une affaire de trafic d’influence.

Le 25/02/2024 à 07h10, mis à jour le 25/02/2024 à 07h10

Devenu central en raison des circonstances de la démission surprise du Premier ministre Antonio Costa, qui n’est pas candidat à sa réélection, «le thème de la corruption, dans cette conjoncture européenne, favorise la droite radicale», note le politologue Antonio Costa Pinto, de l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lisbonne (ICS).

Plusieurs pays de l’Union européenne, dont l’Italie, la Slovaquie, la Hongrie ou la Finlande, sont dirigés par des coalitions comptant un parti d’extrême droite dans leurs rangs. Les Pays-Bas pourraient rejoindre cette liste après la victoire de Geert Wilders aux législatives de novembre.

Au Portugal, qui fêtera en avril les 50 ans de la Révolution des Œillets et la fin d’une dictature fasciste presque aussi longue, l’extrême droite a mis plus longtemps qu’ailleurs à chambouler le paysage politique, mais la théorie d’une exception lusitanienne est désormais écartée.

Le jeune parti Chega («Assez» en portugais) fondé en 2019 par un ancien commentateur de football devenu le pourfendeur des élites politico-économiques est crédité de 15 à 20% des intentions de vote.

«Non, c’est non»

Aux législatives de janvier 2022, cette formation anti-immigration, mais pas anti-européenne avait déjà été propulsée au rang de troisième force politique en obtenant 7,2% des voix et douze élus dans un Parlement de 230 sièges.

Son président André Ventura, membre du groupe Identité et démocratie avec le Rassemblement national français ou l’Alternative pour l’Allemagne, espère à présent contester l’hégémonie du Parti social démocrate (PSD, centre droit) au sein de la droite portugaise qui, dans son ensemble, devrait devenir majoritaire.

Emmenée par Luis Montenegro, la principale formation d’opposition reste toutefois mieux placée que Chega dans les sondages, où elle apparaît avec des scores avoisinant les 30% et un léger avantage sur le Parti socialiste (PS).

À l’approche du scrutin, les principales interrogations sont de savoir si le centre droit arrive effectivement en tête et dans quelle mesure il dépendra du soutien de Chega pour gouverner.

Luis Montenegro, qui se présente au nom de l’Alliance démocratique (AD) forgée avec deux petits partis conservateurs, a d’ores et déjà écarté tout accord avec l’extrême droite, espérant former une majorité stable avec l’aide de l’Initiative libérale (IL).

«Non, c’est non», a-t-il répété à chaque fois que la question lui a été posée.

Série de scandales

Le successeur d’Antonio Costa à la tête des socialistes, Pedro Nuno Santos, a pour sa part déjà envisagé de ne pas faire obstacle à la formation d’un gouvernement minoritaire de centre droit.

Mais, selon l’analyste Antonio Costa Pinto, «le cordon sanitaire face à la droite radicale ne fonctionne pas dans les démocraties européennes, et le Portugal en sera un autre exemple».

«Cette crise a été provoquée par une charge du système judiciaire contre l’élite politique, qui présente des problèmes éthiques très importants», explique-t-il.

Au pouvoir depuis fin 2015, Antonio Costa avait remporté une victoire historique aux législatives de janvier 2022, mais sa première majorité absolue s’est révélée très instable.

Malgré un bilan marqué par l’assainissement des finances publiques et une relative bonne santé économique, son exécutif a succombé à une série de scandales et de démissions.

Le coup de grâce a été porté par une enquête pour trafic d’influence visant un de ses ministres et son propre chef de cabinet, qui avait 75.800 euros en liquide cachés dans les étagères de son bureau.

Lui-même mis en cause par le Parquet, Antonio Costa a démissionné début novembre en précisant qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat.

Par Le360 (avec AFP)
Le 25/02/2024 à 07h10, mis à jour le 25/02/2024 à 07h10