L’intelligence artificielle générative, simple bulle ou vraie révolution?

Sam Altman, patron et cofondateur d'Open AI, start-up créatrice du logiciel d'intelligence artificielle générative ChatGPT.

Le boom de l’intelligence artificielle générative, qui attire des investissements colossaux, ne seraient-elle qu’une nouvelle bulle financière? Ce n’est pas l’avis des experts, qui estiment que cette technologie disruptive finira par porter ses fruits, mais pas pour toutes les entreprises.

Le 04/10/2024 à 08h47

L’intelligence artificielle (IA) générative suscite des investissements pharaoniques, au point de faire craindre une nouvelle bulle. Mais la plupart des experts estiment que la nouvelle technologie finira par porter ses fruits - au moins pour certaines entreprises.

OpenAI, la start-up de San Francisco qui a lancé l’IA générative avec ChatGPT fin 2022, vaut désormais 157 milliards de dollars, après une levée de fonds de 6,6 milliards. Inconnue du grand public il y a deux ans, elle renforce ainsi son statut de championne de la technologie, malgré le départ récent de plusieurs dirigeants, une concurrence féroce et, surtout, aucune perspective immédiate de rentabilité.

Pas de quoi tempérer l’enthousiasme des analystes qui voient dans l’IA une véritable «révolution», qui va se prolonger dans «les semi-conducteurs, les logiciels, les infrastructures, internet et les smartphones au cours des 12 à 18 prochains mois», assurent Dan Ives et ses collègues du cabinet Wedbush.

«OpenAI a permis le succès de l’IA et son adoption par Nvidia, Microsoft, Google et l’ensemble du monde de la tech», poursuivent-ils, estimant que toutes ces sociétés vont dépenser mille milliards de dollars dans l’IA au cours des trois prochaines années.

Car cette technologie coûte très cher: pour produire textes, images et autres contenus sur simple requête en langage courant, les modèles d’IA comme GPT-4 ont besoin d’être «alimentés» en quantités massives de données. L’entraînement et le fonctionnement des modèles nécessite donc de nouvelles infrastructures informatiques, beaucoup d’énergie, des ingénieurs très qualifiés, etc.

En attendant les retours sur investissement

Microsoft a injecté 13 milliards de dollars dans OpenAI en tout, et annoncé plus de 15 milliards d’investissements dans l’IA à l’étranger cette année, de l’Allemagne à l’Indonésie. Google a débloqué plus de 13 milliards en «propriétés et équipements» au deuxième trimestre, soit près du double sur un an, un budget qui reflète ses besoins en nouveaux centres de données et puces ultra sophistiquées.

«Mais ces dépenses n’ont guère donné de résultats jusqu’à présent, si ce n’est des gains d’efficacité pour des développeurs», notait la banque Goldman Sachs en juin dernier dans un rapport. «Nous sommes actuellement dans une bulle où tous les fournisseurs crient qu’il faut déployer (l’IA générative) tous azimuts», observe Rob Enderle, alors que les clients «ne sont pas encore prêts». Selon cet analyste indépendant, «plus de 80% des premiers déploiements sont des échecs».

Mais les grands acteurs de la tech ne cherchent pas encore vraiment à faire des profits, explique Grace Harmon, analyste chez Emarketer. Ils craignent par-dessus tout de «sous-investir dans l’IA et d’être perdants (...) même si les retours sur investissements ne sont pas garantis», souligne-t-elle.

Bulle ou pas bulle, la plupart des observateurs perçoivent néanmoins le potentiel à moyen ou long terme de la nouvelle technologie. «Est-ce qu’il y a des valorisations très élevées? Oui. Mais est-ce qu’il y a de la valeur derrière? Oui», observe Michael Mansard, directeur du think tank Subscribed Institute.

D’après cet expert du secteur, l’enjeu pour les entreprises est de trouver un modèle économique qui assurera leur survie après une potentielle explosion de la bulle. «Pour un fabricant de logiciel, avoir 200 clients au lieu de 100, cela ne coûte pas deux fois plus cher de faire tourner l’infrastructure. Mais pour un fournisseur d’IA générative, c’est possible.»

Une situation à la Darwin

Malgré son succès mondial et ses abonnements payants pour les particuliers et les entreprises, OpenAI devrait perdre 5 milliards de dollars cette année, pour 3,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires, selon le New York Times. Carolina Milanesi, analyste indépendante, ne doute pas que l’IA générative va bientôt faire partie du quotidien.

Mais pour rester dans la course et imposer leurs assistants IA et autres outils, les sociétés sont obligées d’investir. «Le modèle commercial est difficile à déterminer car plus vous utilisez le modèle, plus vous dépensez», constate-t-elle. «C’est un peu une situation à la Darwin: seul le plus fort va survivre. Une ou deux marques vont contrôler le marché».

Par Le360 (avec AFP)
Le 04/10/2024 à 08h47