Les chevaux de Troie d’Alger: quand les associations loi 1901 pro-Polisario sombrent en France

Karim Serraj.

ChroniqueCréées pour donner une vitrine «civile» à la cause du Polisario en France, une dizaine de structures— des associations aux collectifs en passant par les comités locaux— ont longtemps survécu grâce aux financements occultes d’Alger et aux subventions publiques françaises. Mais aujourd’hui, l’argent se tarit, la légitimité s’efface, et leur rôle de courroie de transmission touche à son crépuscule. Leur disparition signe aussi la fin d’une ère d’influence algérienne sur le sol français.

Le 14/09/2025 à 10h58

Pour pousser le dossier «Polisario» en France, l’Algérie a longtemps misé sur des chevaux de Troie infiltrés dans le tissu civil et associatif. Associations de façade, collectifs bigarrés, ligues étudiantes sahraouies ou comités de jumelage exotique: plus d’une dizaine de structures, d’importance très inégale, ont été dévouées à la seule mission de faire vivre artificiellement la cause séparatiste. Mais, depuis plusieurs mois, ces vitrines se sont voilées de poussière: activités restreintes, tribunes raréfiées, et un silence pesant qui en dit long. Aux yeux des Français, elles ne sont plus que des ombres, des entités compromises.

Il faut dire que les «affaires» d’Alger ont lourdement contaminé leurs mécènes: de Boualem Sansal et Christophe Gleizes voués aux gémonies, aux appels de tiktokeurs franco-algériens invitant à zigouiller du Français, des tentatives d’assassinats d’opposants à Tebboune aux milliers de repris de justice algériens OQTF— véritables bombes à retardement abandonnées dans les rues— sans oublier l’escalade d’une propagande nationale algérienne ouvertement haineuse contre la France. Devant ce spectacle, ces organisations jadis si bruyantes ne sont plus en odeur de sainteté auprès des Français.

Une autre raison, tout aussi décisive, creuse leur tombe: d’un côté, le tarissement des aides publiques françaises— crise économique oblige— qui constituaient la seconde mamelle, importante, mais non vitale; de l’autre, l’amenuisement, voire la suppression, des subventions venues d’Alger ou du Polisario (ce qui revient au même), jusqu’aux salaires occultes qui graissaient les rouages vénaux de leurs principaux animateurs. La conjoncture du dossier saharien rend désormais ces financements aléatoires. Selon Maghreb Intelligence, la dernière mise d’Alger s’élevait à 6 millions de dollars en 2022 pour amplifier le lobbying du Polisario en France. Une mise de roulette russe: l’argent a coulé, mais la cause, elle, s’est asséchée.

Aujourd’hui, les proxys camouflés sous l’étiquette respectable de la loi 1901 ressemblent à des épaves échouées: une dizaine de coquilles vides, qui vivent leur agonie en France, murmurent à peine, et se font de plus en plus discrètes. Comme si l’horloge s’était remise à tourner contre elles: tic-tac inexorable, leur heure est comptée.

Le proxy associatif 100% gaulois

Née en 1976, sous la bienveillance financière de Boumediene, l’Association des amis de la république arabe sahraouie démocratique (AARASD) s’érigea comme la pionnière des proxys en France. Particularité unique: elle est restée la seule à être dirigée à 100% par des personnalités françaises. Aujourd’hui, sa présidente se nomme Régine Villemont, mais on y croise encore des figures comme Claude Moniquet, journaliste, ou Jean-Paul Lecoq, député communiste, tous embarqués dans ce vaisseau militant au pavillon algérien.

L’AARASD s’affiche comme l’organe chargé de populariser la lutte du Polisario et d’organiser la solidarité «civile»: collectes, parrainages, envois de matériel… autant d’actions menées sous la houlette d’Alger, qui fournissait les avions militaires et l’argent pour le transport. Ses vingt comités régionaux, éparpillés sur le territoire français, menèrent de longue date— souvent sans grand succès— des campagnes d’information et du lobbying auprès des élus. Pour nourrir ce combat, l’association fit couler beaucoup d’encre et encore plus d’argent en publiant depuis 1976 un torchon trimestriel au titre trompeur, Sahara Info, véritable feuille de propagande relayant les communiqués du Polisario et les récits édulcorés d’une vie prétendument «heureuse» dans les camps.

Son registre d’actions en France fut varié: organisation de conférences, parution d’ouvrages, projections et manifestations publiques, comme les rassemblements annuels sur le parvis du Trocadéro pour célébrer l’anniversaire de la RASD. À cela s’ajoutaient les séjours de délégations sahraouies, dont l’AARASD assurait la logistique (visas, billets d’avion fournis par Alger) en s’appuyant sur le concours de municipalités locales. La presse algérienne et l’agence de presse sahraouie SPS s’empressaient de relayer chacune de ces initiatives, preuve tangible de l’imbrication étroite entre ce proxy «gaulois» et la matrice algérienne.

Sous son impulsion, des villes françaises comme Vitry-sur-Seine ou Champigny-sur-Marne nouèrent des coopérations avec les camps de Tindouf, s’alignant de facto sur la cause séparatiste. À Loon-Plage, dans le Nord, un maire alla jusqu’à jumeler sa commune avec un trou perdu sahraoui, sans jamais y avoir mis les pieds; une décision balayée en 1995 par une nouvelle majorité, comme un réveil brutal mettant fin à une parenthèse idéologique.

Même en 2023, l’AARASD annonçait vouloir «redoubler d’efforts» et lancer de nouveaux projets dans les camps. Ce regain d’enthousiasme n’avait rien d’un miracle: il faisait suite à l’arrivée d’une nouvelle valise pleine, un dernier sursaut nourri d’argent sonnant et trébuchant. Mais l’histoire s’est figée là. En octobre 2024, l’association publia son ultime communiqué de presse en faveur de la junte séparatiste. Puis, plus rien. Silence radio. Comme une lanterne qui s’éteint d’elle-même, l’AARASD a vu sa flamme se consumer, ne laissant derrière elle qu’une fumée âcre: celle des illusions perdues.

Les associations nationales tenues par des Sahraouis en France

Elles sont à peine trois, comme des chandelles vacillantes: l’Association des Sahraouis de France (ASF, née en 2000), l’Association de la communauté sahraouie en France (ACSF, née en 2011), et la Ligue des jeunes et étudiants sahraouis de France (LJESF, surgie en 2018). Trois coquilles à l’impact dérisoire, si faible que leurs adhérents se comptent à peine à la louche. Leur rôle véritable n’est pas de peser sur la scène française, mais d’offrir aux exilés, et surtout aux enfants nés loin du désert, une perfusion de propagande: rester connectés au mirage du Polisario et sauver une illusion d’identité, là où l’intégration en France ressemble à un naufrage culturel.

«Mais cette mécanique s’est grippée. Les caisses d’Alger ne résonnent plus qu’à vide, et la France, lasse d’accueillir sur son sol ces avatars de la propagande, referme progressivement ses portes»

—  Karim Serraj

On les voit parfois, silhouettes éparses, brandir le drapeau de la RASD sur les pavés de Paris, comme pour conjurer l’effacement. Leur dernière apparition notable eut lieu au Village du monde de la Fête de l’Humanité en 2022: l’ACSF, l’ASF et le Polisario tenaient alors des stands bariolés où l’on pouvait croiser des militants séparatistes, goûter quelques spécialités sahraouies et bavarder de Tindouf comme d’un club Med en plein désert. Mais derrière le folklore — le thé sahraoui sans menthe, les interminables débats sur le «Maroc colon» —, ces structures de pacotille ne pèsent rien. Pas une once d’influence sur le paysage français: des figurants qui rejouent toujours la même pièce devant un public clairsemé.

Quant à la LJESF, elle vit de signatures d’appels recueillies à la sortie des facultés ou dans le souffle chaud des bouches de métro. Avec quelques billets, on monte une «journée de la culture sahraouie», une exposition photo ou une projection militante, mais les salles restent clairsemées, peuplées davantage d’échos que de spectateurs. L’activisme, ici, se réduit souvent à un geste: brandir une banderole, répéter un slogan, distribuer un tract qui finit froissé dans la première poubelle venue.

Et pourtant, malgré cette vacuité, ces associations demeurent les antennes locales du Polisario. Elles collaborent étroitement avec son représentant à Paris, forment la base militante du terrain. Dans les manifestations, ce sont les jeunes Sahraouis de France qui gonflent les cortèges et assurent le service d’ordre, comme une troupe levée pour la circonstance. Elles servent aussi de relais: propager les communiqués du front auprès d’ONG complaisantes ou de médias qui ne les lisent plus.

Chaque année, les membres reprennent la route, comme des pèlerins politiques, vers Alger ou Tindouf. On les retrouve à la conférence EUCOCO ou au FESPACO, scellant toujours le même pacte indélébile avec le mentor algérien. Mais à force de répéter ce rituel, leur cause ressemble à un vieux disque rayé: il grésille encore, mais plus personne n’écoute.

Les associations et comités locaux

À côté des structures nationales, il existe en France une myriade de comités locaux, trois surtout qui émergent de la grisaille militante. Le premier, le Comité limousin de solidarité avec le peuple sahraoui (CLSPS, créé en 1998), vit de dons aux origines troubles. Dans des arrière-salles parfumées au vin rouge et aux drapeaux fanés, il organise soirées de réflexion et projections, pour refaire le monde entre camarades communistes comme on tourne en rond dans une salle des fêtes de province.

Viennent ensuite Les Amis du peuple du Sahara occidental– Bretagne (APSO 35, créé en 2010). Ici, un financement tombé du ciel nourrit une agitation militante pour donner au Polisario des airs de cause noble. L’association se donne pour mission de «faire connaître» les séparatistes: rencontres organisées dans les bâtisses de la mairie, projets montés dans les camps de Tindouf comme autant de ballons d’essai qui finissent toujours par se dégonfler.

Mais la palme de la ténacité revient au Comité de jumelage Gonfreville-l’Orcher-J’Réfia, actif depuis 1993. Là, la cause du Polisario a trouvé son héraut en la personne de l’ancien maire communiste Jean-Paul Lecoq, aujourd’hui député, qui fit de sa commune une annexe officieuse des camps. On se souvient de ses collectes de dons, transportés par avions militaires algériens comme s’il s’agissait de cargaisons officielles, de ses accueils en grande pompe de délégations du Polisario jusque dans les enceintes de l’Assemblée nationale, et de ses plaidoyers devant l’ONU pour la cause séparatiste. Une fidélité de chevalier normand.

Preuve de cette allégeance indéfectible, en juillet 2025, la mairie de Gonfreville-l’Orcher a hissé sans honte le drapeau du Polisario, à l’occasion de la venue d’une délégation de Tindouf composée d’enfants et de cadres du front. Ce geste, hautement symbolique, sonnait comme une provocation en territoire français: un drapeau étranger, celui d’un mouvement terroriste, flottant au fronton d’une mairie. À la fois anachronisme et scandale, comme une bannière pirate plantée sur le toit d’un hôtel de ville. Et derrière, subsiste la question: pour qui roule Lecoq?

Le financement algérien

Ces proxys militants n’auraient jamais survécu sans deux béquilles: les aides publiques françaises, aujourd’hui taries, et le bakchich orchestré par Alger. Car rien n’était laissé au hasard: billets d’avion, hébergement, frais de séjour des délégations du Polisario en France, tout était avancé par la partie sahraouie ou algérienne. Dans l’autre sens, Alger ouvrait grand ses hangars: pendant des années, des avions militaires transportèrent du «matériel humanitaire», et les personnalités civiles françaises voyagèrent sur Air Algérie pour des colloques qui avaient davantage d’allure de pèlerinages idéologiques que de rencontres académiques.

Il est avéré que le soutien allait plus loin encore: un financement direct, concret, où l’Algérie, protectrice du Polisario, prenait en charge les salaires occultes de la direction des proxys. Les enveloppes circulaient comme des messagers silencieux, huilant des fidélités, justifiant le zèle d’élus locaux, de mairies complaisantes ou d’associations civiles détournées de leur mission républicaine. Ainsi se construisait une chaîne invisible, mais solide, qui transformait des militants marginaux en propagandistes professionnels. C’était là le véritable cœur battant de cette galaxie: un financement déguisé, une corruption feutrée, le moteur même du militantisme importé en Europe.

Mais cette mécanique s’est grippée. Les caisses d’Alger ne résonnent plus qu’à vide, et la France, lasse d’accueillir sur son sol ces avatars de la propagande, referme progressivement ses portes. Les associations, comités et ligues jadis nourris aux subsides étrangers s’éteignent les uns après les autres, réduits à chuchoter. Leur bannière flotte désormais dans le vide, sans vent pour la porter. Leur heure est venue: à mesure que l’ingérence algérienne perd pied en France, ces structures s’évanouissent comme des spectres, privées de souffle, privées d’argent, privées de légitimité. L’agonie est déjà là, la mort est irréversible.

Par Karim Serraj
Le 14/09/2025 à 10h58