Le Mali accuse l’Algérie d’être à l’origine du terrorisme au Sahel et déclare caduc l’Accord d’Alger

Le président de la transition au Mali Assimi Goïta, et le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

La rupture entre l’Algérie et le Mali semble désormais avoir atteint son point de non-retour. Dans un double communiqué, lu le jeudi 25 janvier à la télévision malienne par le porte-parole du gouvernement de transition, ce dernier a égrené une série de graves griefs à l’encontre du régime algérien, et a annoncé «la fin avec effet immédiat» de l’Accord d’Alger, à travers lequel la junte algérienne est accusée d’avoir abusé de son parrainage, en vue de s’ingérer de façon flagrante dans les affaires intérieures de Bamako.

Le 26/01/2024 à 12h15

L’Accord d’Alger, dont le processus de négociations a eu lieu dans la capitale algérienne, avant d’être signé en mai 2015 à Bamako, est désormais remisé aux oubliettes de l’Histoire. Ainsi en a décidé le gouvernement malien de transition, qui a officiellement déclaré cet accord «caduc» dans la soirée du jeudi 25 janvier.

Dans un double communiqué, lu à la télévision d’État par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement, le Mali a annoncé la «fin avec effet immédiat» de l’Accord d’Alger, qui n’aura vécu que moins de 9 ans après sa signature.

Cette décision a été justifiée par un communiqué introductif, dans lequel le gouvernement malien a énuméré une série de graves manœuvres dont le régime algérien s’est rendu coupable en portant délibérément atteinte à la souveraineté du Mali.

Dans un premier communiqué, dit «numéro 064 du gouvernement malien de transition», il est déclaré que «le gouvernement de transition constate avec une vive préoccupation la multiplication d’actes inamicaux, des cas d’hostilité et d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali par les autorités de la République algérienne démocratique et populaire, toutes choses portant atteinte à la sécurité intérieure et à la souveraineté du Mali».

Inhabituelle, la clarté des termes des accusations portées contre le régime algérien est significative des très graves manœuvres orchestrées par Alger contre la souveraineté du Mali. À ce sujet, le communiqué du gouvernement malien cite, entre autres griefs, «l’accueil unilatéral et sans consultations préalables et au plus haut sommet de l’Éetat algérien de citoyens maliens subversifs ou poursuivis par la justice pour actes de terrorisme». Il est fait ici allusion au ballet des délégations des différents mouvements touaregs qui se sont succédé à Alger d’octobre à décembre derniers, à l’invitation des autorités algériennes, et surtout à l’audience accordée par le président algérien Abdelmadjid Tebboune à l’opposant et imam malien Mahmoud Diko, reçu avec les honneurs à la Mouradia.

Et de s’interroger sur l’attitude du régime algérien si, un jour, les militants du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) étaient accueillis par les hautes autorités maliennes. C’est ce qu’on appelle une question de bon sens.

Le Mali reproche en effet à Alger, l’ouverture de bureaux assurant la représentation de certains groupes touaregs, aujourd’hui accusés par Bamako d’être devenus des «terroristes».

Cela sans parler du soutien apporté par le régime algérien au maintien des sanctions onusiennes contre le Mali, alors que le Mouvement des non-alignés a récemment exigé la levée de ces sanctions lors de son dernier sommet, clos samedi dernier à Kampala en Ouganda. D’ailleurs, ajoute encore le communiqué malien, lors de ce sommet, l’Algérie a manœuvré pour imposer un chapitre sur le Mali dans le communiqué final, et a été le seul pays à s’opposer vivement à des amendements proposés à cet effet par la délégation malienne.

Tous ces actes hostiles relèvent, selon les autorités maliennes, d’«une perception erronée des autorités algériennes qui considèrent le Mali comme leur arrière-cour ou un État paillasson, sur fond de mépris et de condescendance». On aura rarement vu un tel franc-parler pour qualifier les agissements du régime d’Alger.

Mais le plus grave dans le communiqué malien, c’est quand il rappelle à l’Algérie «ses responsabilités dans la détérioration sécuritaire au Sahel». Selon les autorités maliennes, si la crise libyenne de 2011 a exacerbé l’insécurité au Sahel, c’est l’envoi, en 2002, par Alger au Sahara et au Sahel du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), relevant des services de renseignement algériens et devenu le noyau d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), «qui marque l’avènement du terrorisme international dans la région» du Sahel, ajoute le communiqué.

Tout en estimant que c’est l’Accord d’Alger qui a également permis un entrisme en profondeur de l’Algérie dans les affaires maliennes, le communiqué n° 065 du gouvernement malien de transition dit constater «l’inapplicabilité absolue de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, signé en 2015, et, par conséquent, annonce sa fin, avec effet immédiat».

Déjà, le 31 décembre dernier, le chef de l’État malien, le colonel Assimi Goïta, a adressé un message aux Maliens à l’occasion du Nouvel An, dans lequel il a essentiellement déclaré: «J’ai pris l’option de privilégier l’appropriation nationale du processus de paix en donnant toutes ses chances au dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation nationale afin d’éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires».

En d’autres termes, pour les Maliens, l’Accord d’Alger n’est pas mauvais en soi, car ce sont eux-mêmes qui l’ont confectionné en premier. C’est plutôt son parrainage et son instrumentalisation par le régime algérien, qui a voulu s’en servir pour transformer le Mali en protectorat, qui ont fini par signer l’arrêt de mort de cet accord de paix.

Par Mohammed Ould Boah
Le 26/01/2024 à 12h15