Le chef du Polisario pris en flagrant délit de détournement des aides destinées aux populations des camps de Tindouf

Brahim Ghali, le chef du Polisario.

C’est un secret de polichinelle. Les aides humanitaires internationales dédiées aux populations sahraouies des camps de Tindouf ont toujours servi de fonds de commerce et de première source d’enrichissement illicite aux dirigeants du Polisario. Mais ce scandale prend aujourd’hui une nouvelle ampleur: un média du Polisario jette un pavé dans la mare en dévoilant que c’est Brahim Ghali qui est le principal trafiquant et bénéficiaire de ces aides. L’exemple par les centaines de tonnes de carburant fournies mensuellement par l’Algérie aux séparatistes et dont il a fait sa chasse gardée.

Le 05/09/2024 à 11h31

Des enquêtes et des témoignages glanés sur place, suivis de rapports détaillés et richement documentés d’organismes européens indépendants ont mis à nu, à maintes reprises, la corruption des dirigeants du Polisario. Le rapport publié en 2015 par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) est emblématique à cet égard, car il a ouvert les yeux des pays européens, et du monde en général, en dévoilant comment les dirigeants du Polisario détournaient la majeure partie de l’aide humanitaire internationale destinée aux populations civiles des camps de Tindouf.

Cette fois-ci, c’est un porte-voix des séparatistes, nommé Futuro Saharaui, qui décrit, chiffres à l’appui, comment le chef du Polisario, Brahim Ghali, par l’intermédiaire de son entourage familial, a fait main basse sur les centaines de tonnes de carburant fournies mensuellement par le régime algérien aux milices du Polisario, et que la Sonatrach, société algérienne d’hydrocarbures, se charge de convoyer régulièrement et de déverser dans des cuves souterraines à Rabouni.

Il est désormais clairement établi que le principal trafiquant de cette aide en carburant n’est autre que Benbattouch, agissant sous haute protection de l’armée algérienne, qui lui a même aménagé à cet effet des points frontaliers sécurisés.

Cette contrebande est d’autant plus juteuse qu’elle alimente et gonfle continuellement et démesurément les comptes bancaires et autres coffres-forts du chef des séparatistes. C’est d’ailleurs cette économie souterraine florissante, dont profitent également des généraux algériens, qu’a indirectement vantée le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a érigé subtilement les trafics du Polisario en modèle. Selon lui, le «commerce de troc» et les «zones franches» frontalières sont un modèle et un moteur de la coopération de «la nouvelle Algérie» avec les pays du Sahel.

Pourtant, lors de son installation par le régime algérien à la tête du Polisario, Brahim Ghali s’était engagé à mettre fin au trafic de carburant. À travers cet engagement, pris en 2018, le chef du Polisario a tenté de gommer sa mauvaise réputation de pionnier dans le trafic de carburant et d’armes à l’époque où il était soi-disant ministre de la Défense, poste qu’il a occupé pendant plus de 15 ans durant les années 1970 et 1980. Or, c’est dans ce ministère-coquille vide que sont parties et partent toujours en fumée les richesses du peuple algérien, sevré depuis un demi-siècle au profit des dirigeants du Polisario.

Plus 340 tonnes de carburant livrées chaque mois

Chaque mois, quelque 340 tonnes de carburant, parfois bien plus selon les besoins exprimés par la direction du Polisario, sont livrées au seul ministère de la Défense des séparatistes. Ces dernières années, et à la suite du développement à grande échelle des activités d’orpaillage dans des pays voisins de l’Algérie, le Polisario a demandé à son protecteur algérien de lui fournir également certaines quantités de carburant sous forme d’essence, alors que c’était le gasoil qui constituait l’essentiel des livraisons mensuelles. Pour ce qui est du modus operandi du trafic du carburant algérien, le chef du Polisario utilise son entourage familial immédiat et les chefs de ce qui est appelé les «régions militaires», au nombre de six comme pour toute l’Algérie.

Les chefs de région se font livrer mensuellement entre 20 et 30 tonnes de carburant chacun. Mais ces quotas sont ponctionnés de moitié à la source pour alimenter des stations-service appartenant à Brahim Ghali. Pour ce faire, ces stations, qu’elles se trouvent dans les camps de Tindouf ou à la frontière avec la Mauritanie, sont d’abord vidées avant chaque nouvelle livraison, à travers l’achat du reste de leur contenu, afin de créer une pénurie pendant quelques jours et renchérir régulièrement le prix à la pompe.

Les filières du carburant détourné

Chaque région militaire a sa clientèle particulière pour écouler le carburant détourné. Ainsi, la 4ème région militaire est chargée de vendre à des commerçants et orpailleurs mauritaniens les trois quarts de son quota mensuel de carburant, alors que la 6ème région militaire vend exclusivement, et à prix d’or, le carburant détourné aux trafiquants de drogues dans un lieu situé entre Bir Lahlou et la localité de Aïn Bentili, dans l’extrême nord de la Mauritanie. Des citernes de très grande capacité sont utilisées dans ce trafic.

Sur un autre registre, c’est un frère de Brahim Ghali qui a le monopole de la vente de carburant aux convois de la MINURSO qui viennent sur place pour contrôler le respect du cessez-le-feu en cours dans la région depuis 1991. La facture de carburant payée par la MINURSO s’élève à quelque 365.000 dollars annuellement (soit 1.000 dollars qui tombent chaque jour dans l’escarcelle de Benbattouch).

Que le carburant détourné soit vendu en Mauritanie, au Mali, à Tindouf ou à la MINURSO, une seule personne est chargée de la coordination de ces différents modes de détournement et de l’encaissement des colossales sommes d’argent tirées de ce trafic. Ladite personne, qui occupe officiellement un poste de conseiller au prétendu ministère de l’Eau, est en fait un cousin de Brahim Ghali. Le régime algérien est bien évidemment au fait de toutes ces malversations, mais ferme les yeux, voire encourage ces détournements, car c’est la rançon à payer pour continuer à mettre les dirigeants du Polisario sous sa botte et faire durer un conflit factice qui enrichit les cadors des séparatistes.

Appels à la révolte et désertions

En avril dernier, des dizaines de miliciens se sont révoltés contre la corruption de leur hiérarchie au niveau de la 1ère région militaire, et ce à la suite du détournement de 25 tonnes de carburant, vendues à des trafiquants. Les miliciens rebelles ont organisé un sit-in au sein de leur caserne pour exiger des sanctions contre leur chef. Finalement, Benbattouch a opéré des mutations, tout en maintenant en place le chef de la 1ère région militaire, ce que des dizaines de miliciens ont considéré comme un affront, avant d’annoncer leur désertion pure et simple.

À la mi-juillet dernier, plus de 90 autres miliciens ont à leur tour annoncé, via les réseaux sociaux, leur désertion. Ils accusent Brahim Ghali d’avoir instauré un système de corruption avec l’aide du régime algérien, appelant même appelé à son éviction de la tête du Polisario, fût-ce par un coup de force militaire. Les nombreux opposants politiques à Brahim Ghali, dont son ex-conseiller Bachir Mustapha Sayed, récemment démissionnaire, exigent quant à eux la tenue d’un congrès extraordinaire en vue de désigner une nouvelle direction pour le Polisario, dont serait exclu l’actuel dirigeant des séparatistes.

Par Mohammed Ould Boah
Le 05/09/2024 à 11h31