Sa présence dans l’hémicycle aura au moins rassuré sur son sort personnel: la Commissaire à la Méditerranée, invisible sur les rivages de Mare Nostrum, et muette sur les drames humains que connaît notre mer commune, devait au premier jour de session plénière, en nocturne, ouvrir et clore un débat de quinze minutes sur «la condamnation arbitraire de Boualem Sansal et Christophe Gleizes», le premier ayant été exclu de la grâce présidentielle du 5 juillet, le second venant d’être condamné à sept ans de prison par le tribunal de Tizi Ouzou après une année de contrôle judiciaire à Alger.
Ce genre d’exercice qu’on redoute a priori tant le format est indigne du sujet, mais dans lequel la Commissaire a performé. Non seulement, elle a réussi à parler moins que les quelque dix minutes qui lui étaient réservées pour condamner le sort des deux citoyens européens, mais quasi chaque mot prononcé était de trop!
Verbatim: une Commissaire voyant en ce débat tronqué la «solidarité de l’Europe» quand seuls des eurodéputés français se partageaient le maigre temps de parole alloué pour défendre un journaliste sportif et un écrivain emprisonnés pour leur liberté de plume; arguant que «l’UE n’opère pas de transferts directs de fonds aux autorités algériennes» pour se dérober face à la demande de sanctions contre Alger, et l’arrêt des financements européens. Et toute honte bue, esquivant les demandes de suspension de l’accord d’association UE-Algérie, se félicitant d’un «débat qui montre que l’Europe n’oublie pas (les deux otages)» en «espérant que ce pourra être un soulagement pour eux»!
«Cachez ces otages que je ne saurais voir… C’est aussi le message implicite adressé par Bruxelles au Comité de soutien de Boualem Sansal»
— Florence Kuntz
Cachez ces otages que je ne saurais voir! C’est en substance le mantra de la Commission européenne depuis l’arrestation de Boualem Sansal en novembre 2024, en réponse aux parlementaires européens, que ceux-ci l’interpellent collectivement, lors d’une résolution votée en janvier dernier, par des questions écrites (des élus PPE, ECR, PFE) ou lors de démarches individuelles puisqu’on apprend la même semaine qu’un vice-président du PPE a évoqué le cas Sansal en tête à tête avec Kallas, Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, tellement investie dans la défense de l’écrivain qu’elle a demandé à l’eurodéputé d’épeler son nom!
Cachez ces otages que je ne saurais voir… C’est aussi le message implicite adressé par Bruxelles au Comité de soutien de Boualem Sansal au point que celui-ci, à force d’indifférence au cas du romancier, a fini par porter plainte auprès du médiateur européen «pour manquement des autorités européennes à leur devoir d’agir face à une situation mettant en péril la vie d’un citoyen européen».





