Quelle est la réalité documentée des installations militaires du Polisario? Dans l’imaginaire des gens, on pense à des casernes grouillant de soldats et des garnisons en dur, des dépôts logistiques sophistiqués pour entretenir l’armement lourd de l’Armée populaire de libération sahraouie (APLS), et des structures de pointe pour les combattants.
Les rares reporters et ONG qui ont pu «voir» de près ces installations ces dix dernières années décrivent des campements de fortune et des structures éphémères. Pas de caserne ni d’installations permanentes. Le journaliste britannique Daniel Hilton (Prix Amnesty International Media 2021 pour ses reportages au Liban), s’est rendu en Algérie en 2022 et parle dans son reportage de «bases militaires occasionnelles du Polisario» qu’il dépeint comme «un mélange de parpaings et de couvertures», à peine des «camps clandestins de soldats» clairsemés dans le désert.
Ces unités utilisent des installations temporaires et mobiles: petits bivouacs, positions de tir éphémères et camouflées, le tout appuyé par des véhicules tout-terrain (Toyota équipés de mitrailleuses ou de lance-roquettes) pouvant être déplacés fréquemment. Et ces sites sont tous situés sur la zone tampon…
Sus à la zone tampon!
Ce que le Polisario appelle les «Territoires libérés» correspond en réalité à la zone tampon (ou zone «restreinte») située à l’est du mur de défense marocain et placée officiellement depuis 1991 sous surveillance militaire de la MINURSO. Toute présence armée ou civile non autorisée dans cette zone est considérée comme une violation du cessez-le-feu par celle-ci.
Profitant que ce bout de terre, représentant 20% de l’ensemble du Sahara occidental, soit sous l’autorité des Nations unies, le Polisario a entrepris d’y poser quelques bagages militaires discrètement, et de claironner dans sa propagande que la glorieuse APLS l’a libéré. Notamment autour de localités désertiques historiques : Tifariti, Bir Lahlou, Mehaires, Mijek ou Agounit, proches de la frontière mauritanienne, servent de points d’appui et d’hébergement au Polisario dans le sud du territoire. Dès 2019, un rapport de la MINURSO signalait que de nouveaux bâtiments illégaux du Polisario étaient en cours de construction dans la «zone réglementée» (mot utilisé par la MINURSO pour désigner la zone tampon).
L’organe documente cette implantation, qu’il qualifie de «violant la zone réglementée»: «Quatre nouveaux bâtiments à Tifariti, utilisés par les forces militaires du Front POLISARIO, ainsi que la relocalisation d’un détachement de sécurité à Tifariti, ont été déclarés en violation. Un nouveau bâtiment de la compagnie de transmissions relocalisée de la 7e région militaire (dont la relocalisation a elle-même été déclarée en violation en novembre 2018) et la relocalisation non autorisée d’une compagnie du génie à Tifariti ont été détectés et déclarés en violation. Cinq nouveaux postes d’observation établis par le Front POLISARIO à Agwanit, Bir Lahlou et Tifariti ont également été déclarés en violation. Le Front POLISARIO n’a jusqu’à présent pas accédé aux demandes de la MINURSO de résoudre ces violations.»
Ces «bases» que dénoncent sans détour la MINURSO sont constituées d’abris rudimentaires, de bunkers enterrés et de dépôts souterrains, en raison du climat désertique et de la surveillance aérienne marocaine effectuée dans la zone tampon. Ce sont elles que la propagande appelle pompeusement les «Régions militaires».
Il s’agit de postes établis à l’intérieur de la zone tampon. Par exemple, Bir Lahlou est le soi-disant quartier général de la 5ème région militaire (frappé en janvier 2023 et janvier 2025 par les drones marocains), Tifariti celui de la 2ème, Mehaires celui de la 4ème. La 1ère région militaire était localisée vers Guerguerate, avant d’être évacuée fin 2020 suite à l’intervention marocaine qui en a chassé les rebelles. Toutes sont à l’intérieur de la zone réglementée et narguent depuis des années l’ONU. De même que Guerguerate a été définitivement nettoyé de toute présence des milices, le drapeau du Royaume sera dressé sur tous les territoires de la zone tampon. Ce n’est qu’une question de temps. Un temps plus court qu’on ne le croit.
Où est située l’installation du Polisario la plus proche du Maroc?
À 90 kilomètres… Selon une note datée de 2024 de l’Egyptian Center for Strategic Studies sur le Polisario, la ville marocaine de Mahbès, située dans la province d’Assa-Zag est «la plus proche des zones de déploiement [du Polisario], à environ 90 km». Selon la même source, le Polisario s’appuie sur le sanctuaire algérien pour la logistique et le repli, puis utilise les sites de la zone tampon comme tremplin vers le mur de défense, et enfin installe des campements intermittents au plus près du mur pour exécuter ses tirs de roquettes comme sur les civils de Es-Semara en 2023 et de Mahbès en 2024.
Des camps humanitaires militarisés à Tindouf: l’autre théâtre d’opérations
En plus de ces implantations, le mouvement séparatiste dispose de structures militaires dans les camps humanitaires de Tindouf, qu’il administre. Bien que situés en Algérie, ces camps (Smara, Aousserd, Laâyoune, Dakhla, Boujdour (21 février)) sont gérés par les groupes paramilitaires et abritent des installations propres au Polisario.
Une enquête de la RTVE (chaîne publique espagnole) rapportait en novembre 2020, au moment de la rupture par le Polisario du cessez-le-feu, l’existence de centres d’instruction et de recrutement dans les camps humanitaires: «Les écoles militaires ont été ouvertes et se remplissent de gens où un entraînement express est offert».
Signe que les camps humanitaires en Algérie font office de base arrière pour la mobilisation et la formation des troupes paramilitaires. Des analyses récentes de la Hudson Foundation décrivent les camps comme des «enclaves militarisées» sous contrôle strict du Polisario, et non de simples havres humanitaires, ce qui implique la présence de structures militaires dissimulées et intégrées aux camps: entrepôts d’armes, centres d’instruction, commandements, carburant, pièces détachées, etc.
Entre les dunes du Sahara et les murs des camps de Tindouf, c’est une guerre discrète qui se joue, portée par une propagande persistante, mais contredite par les faits et les images. La rhétorique militaire du Polisario s’appuie sur des mirages, dans un théâtre où le sable efface les traces… et la légalité.





