Pourquoi le défunt général Gaid Salah a-t-il toujours refusé la main tendue du général Mohamed Médiène, dit Toufiq, l’invitant à plusieurs reprises à pactiser avec lui? Selon Guermit Bounouira, son secrétaire particulier et confident, Gaid Salah a toujours reproché au clan Nezzar-Toufik les méfaits qu’il a commis à l’égard des Algériens et de leur pays, surtout durant la décennie noire des années 90 du siècle dernier.
Guermit Bounouira rapporte ainsi que durant l’année 2016, Louisa Hanoune, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), un parti qu’il dit être créé et financé, comme d’autres petits partis algériens, par Toufik, a été envoyée par ce dernier chez Gaid Salah pour jouer les bons offices entre les deux généraux-ennemis. Guermit Bounouira explique que cette rencontre, qui a eu lieu au bureau même de Gaid Salah, a duré environ trois heures et demie. Louisa Hanoune s’est évertuée à défendre le général Toufik, mais n’a finalement pas réussi à convaincre Gaid Salah de la nécessité de se rapprocher de lui. La presse algérienne de l’époque avait d’ailleurs rapporté la rencontre Hanoune-Gaid Salah, mais n’a jamais su qu’elle a été dépêchée par Toufik pour le défendre auprès du chef d’état-major de l’armée.
Relatant quelques indiscrétions de la discussion entre Gaid Salah et Louisa Hanoune, Guermit Bounouira explique que son patron a clairement expliqué à son interlocutrice qu’il ne pardonnera jamais à Toufik d’avoir tenté de l’impliquer dans la première tentative d’assassinat de Mohamed Boudiaf en 1992 à Oran, où il était le commandant de la 2e région militaire jusqu’en 1994. En ce jour de fin mai ou début juin 1992, explique Gaid Salah à Louisa Hanoune, il a enfermé dans une salle de cinéma d’Oran tout l’escadron de la garde présidentielle venu d’Alger pour, non pas assurer la sécurité de Boudiaf, mais l’assassiner.
En lieu et place de cet escadron de la mort, Gaid Salah a déployé des forces spéciales de la gendarmerie pour assurer la protection de Boudiaf le temps de son bref séjour à Oran.
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Cela n’empêcha pas l’explosion d’une bombe à quelques mètres du passage du cortège de Boudiaf, bombe qui devait normalement être suivie d’une fusillade de la part d’éléments de la garde présidentielle, finalement désarmés et enfermés par Gaid Salah. Mais, quelques semaines plus tard, en juin 1992, Toufik et Nezzar arrivèrent à leur fin en faisant exécuter Mohamed Boudiaf à Annaba. L’assassin, Lambarek Boumaarafi, rapporte Guermit Bounouira, devait, après son forfait, être immédiatement liquidé à son tour par un autre tueur, exactement comme dans le scénario du film JFK relatant l’assassinat, en novembre 1963, de l’ancien président américain, John Kennedy. Lambarek Boumaarafi, qui essuya, mais évita, une rafale de mitrailleuse, ne dut son salut qu’à une fuite vers une garnison de la protection civile qui le remit à la police. Devant les éléments de la protection civile, Lambarek Boumaarafi reconnut être l’exécutant de l’assassinat de Mohamed Boudiaf sur ordre de ses supérieurs hiérarchiques. Il a pu ainsi éviter d’être éliminé par les services de renseignements de l’armée à ses trousses.
Par ailleurs, Guermit Bounouira explique que tous les généraux et officiers supérieurs emprisonnés actuellement à Blida ont un point commun. Non seulement, ils ont travaillé sous les ordres du défunt Gaid Salah, mais en réalité tous ont été témoins de l’implication de Said Chengriha dans le trafic de drogue et d’armes, et ont eu accès aux dossiers de tous les méfaits commis par Nezzar et Toufik.
Il explique aussi que le seul général auquel Said Chengriha fait vraiment confiance n’est autre que le général Mohamed Salah Benbicha, actuel secrétaire général du ministère de la Défense. D’ailleurs, en juillet 2020, Guermit Bounouira avait prédit la nomination de Mohamed Salah Benbicha à la place du général Abdelhamid Ghris. Il sera nommé 8 mois plus tard, le 15 mars 2021, et son prédécesseur envoyé en prison.
Les «affaires» sont en effet le ciment qui lie Chengriha aux autres généraux qu’il a promus. Ainsi, le frère de Chengriha et son fils Chafik, qui gèrent toutes ses affaires, sont liés à Adil Benbicha, qui s’occupe pour sa part de la gestion de la fortune de son père.
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Idem pour le général Sid Ali Ould Zmirli, actuel patron de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA). Il est connu, selon Guermit Bounouira, pour ses intimidations à l’égard des douanes algériennes, avec la complicité de Chengriha. Sid Ali Ould Zmirli tient toujours à ce que tous les produits d’importation de son commerce, de viandes sud-américaines et autres produits alimentaires surtout, passent sans le moindre contrôle, ni dédouanement à travers les ports et aéroports d’Algérie. Son cousin, Bachir Ould Zmirli, est le chargé de ses affaires en Algérie. Le patron de la DCSA a également une villa et des affaires à Dubaï, aux Emirats arabes unis, affaires que gère son frère, Omar ould Zmirli, un ancien officier des renseignements algériens.
Autre figure de l’armée algérienne, citée par Guermit Bounouira: le général Mahmoud Laraba, commandant en chef de l’armée de l’air algérienne. Cet ancien caporal de l’armée, qu’il a intégrée en 1964 avec un niveau scolaire du primaire, a gravi les échelons de façon fulgurante. Alors qu’il était simple mécanicien de l’air, il est envoyé en formation à la fin des années 70, de laquelle il revient avec le grade d’officier. Grace à ses magouilles avec les généraux, et particulièrement son amitié avec Said Chengriha, le fils de sa région orientale, il est aujourd’hui un richissime homme d’affaires, propulsé récemment commandant en chef de l’armée de l’air algérienne.
Contrairement au clan Chengriha, Guermit Bounouira rapporte que Gaid Salah, à sa mort, ne disposait pas de villa personnelle, mais logeait aux frais de l’Etat qui mettait à sa disposition de nombreuses suites et appartements de fonction, même si la richesse de ses enfants est un secret de polichinelle. Guermit Bounouira révèle ainsi que le président Abdelmadjid Tebboune a cédé un terrain de 3.000 m2 à la veuve de Gaid Salah à un prix dix fois moins cher que le prix réel de ce foncier, en vue d’y bâtir un logement. Maigre reconnaissance posthume envers l’homme qui l’a empêché d’être emprisonné avant d’en faire un Président.