Gaza: situation humanitaire critique, les espoirs d’une trêve rapide s’amenuisent

De la fumée s'élevant au-dessus de Khan Younès dans le sud de la bande de Gaza lors d'un bombardement israélien le 7 mars 2024. AFP or licensors

Dans la bande de Gaza, où l’ONU et les ONG mettent en garde contre une «famine généralisée presque inévitable», les espoirs d’une trêve rapide entre Israël et le Hamas s’amenuisent cinq mois après le début d’une guerre dévastatrice.

Le 08/03/2024 à 08h02

À l’œuvre depuis des semaines, les trois médiateurs que sont les États-Unis, le Qatar et l’Égypte espéraient arracher un accord sur une trêve dans la guerre à Gaza (associée à une libération d’otages en échange de celle de prisonniers palestiniens et d’une aide humanitaire renforcée) avant le ramadan, qui commence en début de semaine prochaine. Il n’en sera finalement rien.

Les discussions au Caire avec des représentants du Hamas ont été suspendues après quatre jours et «doivent reprendre la semaine prochaine», selon le média égyptien Al-Qahera News. Elles ne sont pas «rompues» et les «divergences s’estompent», a assuré l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Jack Lew.

La délégation du Hamas a quitté Le Caire pour Doha où est basé le chef du mouvement, Ismaïl Haniyeh, faute d’avoir vu ses «exigences minimales» satisfaites par Israël, selon un responsable palestinien. Le Hamas réclame avant tout accord un cessez-le-feu définitif et un retrait des troupes israéliennes de Gaza, ce qu’Israël refuse.

Un port à Gaza pour l’aide humanitaire

En attendant une éventuelle trêve, plusieurs pays, dont les États-Unis, ont de nouveau largué jeudi des colis de nourriture à la population palestinienne à Gaza. «Je travaille d’arrache-pied pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat d’au moins six semaines», a déclaré président américain Joe Biden dans la soirée de jeudi devant le Congrès, lors de son discours sur l’état de l’Union.

L’aide «ne peut être une considération secondaire ni une monnaie d’échange», a-t-il souligné, disant aussi avoir ordonné à l’armée américaine d’établir un port à Gaza permettant «une augmentation massive» de la quantité d’aide livrée chaque jour. Principal allié d’Israël, les États-Unis mettent une pression grandissante sur les Israéliens qui ne laissent aujourd’hui entrer l’aide qu’au compte-gouttes à Gaza depuis l’Égypte.

La construction d’une «jetée temporaire» prendra toutefois plusieurs semaines, ont indiqué des responsables américains, précisant que les Israéliens avaient été informés. L’aide maritime partira, selon eux, du port de Larnaca à Chypre, le pays de l’Union européenne géographiquement le plus proche de Gaza.

Alors que, selon l’ONU, 2,2 millions de personnes -soit l’immense majorité de la population- sont menacées de famine dans le territoire exigu et assiégé, plusieurs pays, dont les États-Unis et la France, y ont effectué jeudi de nouveaux largages aériens de nourriture.

«L’air et la mer ne peuvent pas se substituer à ce qui doit arriver par la terre», a néanmoins insisté la coordinatrice de l’ONU chargée de l’aide pour Gaza, Sigrid Kaag. «La diversification des routes d’approvisionnement terrestres (...) reste la solution optimale: plus facile, plus rapide, moins coûteuse», a-t-elle déclaré jeudi après une réunion à huis-clos du Conseil de sécurité.

Évoquant les récents largages aériens effectués par les États-Unis et d’autres pays, elle a salué un «symbole de soutien aux civils de Gaza», qui n’est cependant qu’une «goutte d’eau dans l’océan» des besoins.

À Madrid, Philippe Lazzarini, le chef de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a également plaidé pour l’ouverture de points de passage routiers permettant «d’avoir des convois quotidiens à grande échelle», seul moyen de contrer une «famine généralisée presque inévitable» à Gaza.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, au moins 20 civils, la plupart des enfants, sont morts de malnutrition et de déshydratation. La situation est surtout critique dans le nord où l’acheminement de l’aide par voie terrestre est quasi impossible à cause des opérations militaires israéliennes et des destructions.

L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 sur le sol israélien a entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes.

En représailles, Israël pilonne depuis plus de 4 mois la bande de Gaza, qu’il maintient sous blocus depuis 17 ans et sous un siège total depuis le début de la guerre. Les bombardements et les opération terrestres de l’armée israélienne ont tué plus de 30.800 Palestiniens, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, et fait près de 72.000 blessés, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.

En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967 et où le Hamas n’est pas représenté, plus de 450 Palestiniens ont été tués par les soldats et les colons israéliens depuis le 7 octobre, et des centaines de personnes ont été «arrêtées» par les forces israéliennes.

«Comme un séisme»

Israël dit préparer une offensive terrestre sur Rafah, dans l’extrême sud de la bande de Gaza contre la frontière fermée avec l’Égypte, où sont massés près de 1,5 million de Palestiniens selon l’ONU.

À 3 km plus au nord, les chars de l’armée israélienne ont quitté cette semaine le centre de Khan Younès, qui a été pendant plusieurs semaines l’épicentre des opérations militaires israéliennes, laissant derrière eux d’immenses destructions et permettant aux habitants de revenir dans ce qui reste de la ville. Selon des témoins, les combats se poursuivaient en revanche jeudi dans la partie ouest de la ville.

«Vous ne pouvez plus retrouver votre maison. C’est comme s’il y avait eu un séisme», dit Samir, de retour dans la ville d’où il avait été déplacé. Dans les rues de la plus grande ville du sud de la bande de Gaza, des hommes et des femmes empilent tout ce qu’ils peuvent sur les toits des voitures, sur des charrettes tirées par des ânes ou sur leur tête ou leur dos: bouteille de gaz, vêtements, meubles, qu’ils ramèneront pour la plupart là où ils se sont réfugiés.

Jamil Agha, 49 ans, a décidé de rester avec sa famille dans les ruines de sa maison. «Que pouvons-nous faire ? Pleurer est inutile. La tristesse a envahi nos vies», dit-il à l’AFP. «Les avions militaires israéliens (...) ont détruit des milliers de maisons, les ont réduites en ruines mais ils n’ont pas été capables et ne seront pas capables de détruire notre mémoire», dit pour sa part Wajih Abou Zarifa, 55 ans, dont le logement a été rasé.

Selon un fonctionnaire municipal, s’exprimant sous couvert d’anonymat, l’armée israélienne «a détruit des marchés, des boutiques, des cliniques, des centres médicaux, des dizaines de restaurants. Elle a détruit des hôpitaux, toutes les routes, les réseaux d’eau, d’électricité, de communications, internet. Elle a creusé toutes les routes et a changé le paysage dans la ville», a-t-il ajouté.

Le ministère de la Santé du Hamas à Gaza a indiqué dans un communiqué que six corps avaient été retrouvés dans le centre de Khan Younès jeudi après-midi et que «des dizaines de personnes disparues sont toujours sous les décombres».

Par Le360 (avec AFP)
Le 08/03/2024 à 08h02