Armengol, 52 ans, a recueilli dès le premier tour 178 voix, soit deux de plus que la majorité requise, grâce aux voix des sept députés de Junts per Catalunya (JxCat, Ensemble pour la Catalogne), le parti dirigé par le leader indépendantiste Carles Puigdemont, exilé en Belgique et recherché par la justice espagnole depuis l’échec en 2017 d’une tentative de sécession de la Catalogne.
Même s’il ne s’agissait que d’une première manche, cet accord entre le parti socialiste et Puigdemont est important, car il donne une première indication positive sur les chances de Sánchez d’être de nouveau investi Premier ministre dans les prochains jours et d’éviter ainsi de nouvelles élections.
JxCat a révélé sur son site peu après le vote que l’accord, conclu aux premières heures de la matinée, comprenait quatre points, le premier étant «la reconnaissance du catalan comme langue officielle de l’Union européenne».
Sánchez avait lui-même fait cette proposition mercredi, mettant en avant le fait que l’Espagne occupait la présidence tournante du Conseil de l’UE jusqu’à la fin de l’année et promettant d’utiliser cette position pour obtenir que le catalan, mais aussi le basque et le galicien, deviennent des langues officielles de l’UE.
«Aucun lien avec l’investiture»
Dans son premier discours en tant que présidente de l’Assemblée, Armengol a annoncé que le catalan, ainsi que le basque et le galicien, qui ont le statut de langues officielles en Espagne, pourraient désormais être utilisés au Congrès. Il s’agit là du deuxième point de l’accord avec Junts.
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Les deux autres points portent sur la création d’une commission d’enquête sur l’attentat jihadiste du 17 août 2017 en Catalogne (il y a six ans jour pour jour), et d’une autre commission d’enquête sur l’espionnage de leaders indépendantistes catalans au moyen du logiciel de fabrication israélienne Pegasus.
L’accord reste très en deçà des exigences de Junts, qui a deux revendications fondamentales: une amnistie pour toutes les personnes ayant fait l’objet de condamnations pour la tentative de sécession avortée de la Catalogne et un referendum d’autodétermination.
Pour des raisons aussi bien juridiques que politiques, il n’était pas pensable que M. Sánchez accède à ces demandes. Puigdemont a donc renoncé à ces exigences pour l’instant, préférant obtenir des gains concrets.
Junts avertit toutefois sur son site que «cet accord se limite» à l’élection de la présidence et des huit membres du bureau de l’Assemblée «et n’a aucun lien avec l’investiture» du prochain Premier ministre, qui constituera la bataille principale et nécessitera de nouvelles tractations.
Echec cinglant pour la droite
Malgré cet avertissement, l’horizon de Sánchez s’est éclairci jeudi, d’autant que son rival Alberto Núñez Feijóo, leader du Parti populaire (PP, droite), qui revendique lui aussi le poste de Premier ministre, a connu un échec cinglant lors de cette session d’ouverture du parlement.
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Sa candidate à la présidence de l’Assemblée, Cuca Gamarra, qui espérait obtenir 172 voix et pensait donc pouvoir l’emporter en cas d’abstention des députés de Junts, n’a finalement recueilli que 139 voix, à savoir celles des 137 députés du PP et des élus de deux petits partis régionaux.
Les 33 députés de Vox, parti d’extrême-droite dont dépendait le PP, ont voté pour leur propre candidat.
Cette division illustre les relations tumultueuses, parce que très ambigües, entre le PP, parti de centre-droit, et Vox, une formation ultra, idéologiquement proche du Premier ministre hongrois Viktor Orban et de la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni.
Depuis les législatives du 23 juillet, qui avaient vu le PP redevenir le premier parti du pays, mais loin de la majorité absolue, Feijóo réclame d’être désigné pour se présenter devant les députés afin de se soumettre à un vote d’investiture, justifiant son exigence par le fait que son parti est celui ayant eu le plus de sièges.
Sánchez lui avait rétorqué mercredi qu’ «en Espagne, celui qui gouverne est celui qui obtient le plus d’appuis», autrement dit qui peut rassembler une majorité. Il avait aussi accusé le PP de «faire pression» sur le roi Felipe VI, à qui il incombe de choisir le candidat à l’investiture.
De ce point de vue, le vote de jeudi a montré que Feijóo ne disposait pas d’une majorité, puisque même Vox lui a fait défaut.