Deux dirigeants du Polisario s’alarment de la possible disparition du mouvement séparatiste

El Bachir Mustapha Sayed, membre du bureau permanent du secrétariat national du Polisario, et Oubi Bouchraya, représentant de l'organisation séparatiste en Europe. En arrière-plan, Brahim Ghali, chef du Polisario. (Y. Elharrak / Le360)

Les camps sahraouis de Lahmada sont devenus ces derniers mois un véritable champ de bataille où s’affrontent en permanence les clans tribaux, politiques et mafieux, quand ce ne sont pas des manifestants en colère qui incendient les locaux et les véhicules des milices armées du Polisario. Face à ce chaos indescriptible, deux membres de la direction du mouvement séparatiste ont tiré la sonnette d’alarme en annonçant qu’il s’agit là d’un signe annonciateur de la fin imminente du Polisario.

Le 09/07/2024 à 11h46

Oubi Bouchraya, représentant du Polisario en Europe, et El Bachir Mustapha Sayed, membre permanent du secrétariat national du mouvement séparatiste, viennent de faire deux sorties médiatiques simultanées, dans lesquelles ils mettent en garde contre la vague actuelle de violences qui déferle sur les camps sahraouis de Tindouf, et qui menacent sérieusement d’emporter ce qui reste encore du Polisario.

Dans une publication postée le samedi 6 juillet sur son compte X, Oubi Bouchaya écrit que «les frictions enregistrées (dans les camps de Tindouf, NDLR), et qui se sont multipliées de manière inquiétante ces derniers temps (…) font douter le monde entier, y compris nos amis, sur notre capacité à créer un État»!

Démissionnaire en décembre 2022 de la direction du mouvement séparatiste à cause, avait-il expliqué, de désaccords profonds avec le chef du Polisario, Oubi Bouchraya, qui a été rapidement rétabli à son poste par la junte militaire algérienne, exige de Brahim Ghali, entre autres mesures urgentes, d’«abandonner l’approche étroite qui réduit la sécurité à la seule question du maintien de l’ordre public et qui ne produit que des cercles vicieux d’actions et de réactions».

Il demande également, mais de façon indirecte, aux autorités algériennes d’intervenir rapidement, faute de quoi la situation se dégraderait davantage et «se transformerait en de profondes dissensions et, à Dieu ne plaise, ouvrirait une voie vers l’inconnu qu’il serait difficile d’inverser!», conclut-il dans sa publication.

En d’autres termes, Oubi Bouchraya, dont l’une des missions consiste à redorer le blason du Polisario et servir la propagande anti-marocaine du régime d’Alger, tire la sonnette d’alarme sur une possible dislocation du Polisario. Compte tenu du rôle qui lui est assigné, même en étant truffée d’euphémismes, sa sortie est emblématique de la profonde crise qui menace d’anéantir le Polisario, en dépit de l’omerta imposée par les milices de Benbattouch et de la soldatesque du régime d’Alger. Oubi Bouchraya en appelle au demeurant à la junte algérienne pour mater la révolte dans les camps sahraouis, car elle risque de conduire à la disparition totale du Polisario.

Pour sa part, El Bachir Mustapha Sayed, membre du bureau permanent du secrétariat national du Polisario, qui a occupé pendant quatre décennies divers postes importants au sein de sa direction avant de devenir le principal opposant de Brahim Ghali à Rabouni, estime que «la situation est explosive» dans les camps de Lahmada et a même «atteint un degré de dégradation tel qu’elle n’est plus sous contrôle, laissant présager le pire».

Dans un bref article publié dimanche dernier dans les colonnes d’un média séparatiste, le frère cadet d’El Ouali Mustapha Sayed, fondateur du Polisario, préconise l’organisation de ce qu’il appelle une «conférence nationale» en vue d’évaluer la situation de chaos qui prévaut dans les camps de Tindouf, et tenter de sauver ce qui peut encore l’être. Selon lui, le Polisario n’a comme rôle, depuis l’arrivée de Brahim Ghali à sa tête, que de mener des guerres intestines en s’en prenant violemment aux populations.

Le régime algérien est également pointé du doigt par ce dirigeant du Polisario qui fustige indirectement ses échecs diplomatiques dans le dossier du Sahara marocain, échecs ayant grandement contribué à exacerber la colère des Sahraouis des camps qui estiment avoir été bernés, un demi-siècle durant, par la propagande d’Alger et qui veulent aujourd’hui quitter le territoire algérien.

En effet, ces derniers jours, les camps de Tindouf bruissent d’appels incessants, relayés par les réseaux sociaux, incitant les familles sahraouies à saisir la moindre occasion pour fuir le territoire algérien.

Selon un article publié sur le site Forsatin, daté du lundi 8 juillet, «les applications de messagerie, notamment WhatsApp, sont engorgées de messages échangés entre individus et groupes sur Internet (…), appelant les familles et leurs proches à quitter les camps de Tindouf à tout prix, sous n’importe quel prétexte, par tous les moyens et quelles qu’en soient les conséquences».

Le site explique que les fortes chaleurs estivales dans les camps ont été déjà utilisées comme prétexte par de nombreuses familles pour fuir vers la Mauritanie, en attendant la grande évasion du reste des habitants des camps.

Il faut reconnaître que le hirak actuellement en cours à Tindouf est une conséquence directe de la réussite de la stratégie militaire menée par le Maroc depuis novembre 2020. En chassant définitivement le Polisario d’El Guerguerat et de toutes les zones tampons du Sahara marocain, le Maroc a fermé la voie à la propagande algéro-polisarienne qui martelait que l’ouverture sur l’Atlantique est à portée de main. L’accès à l’Océan étant verrouillé, la propagande a été mise à nu. De quoi exacerber les violences entre clans politiques et tribaux rivaux, qui ont compris qu’ils ont été pris au piège dans une véritable prison à ciel ouvert.

Par Mohammed Ould Boah
Le 09/07/2024 à 11h46