Crise Kinshasa-Alger: le silence embarrassé du régime algérien

Le général Said Chengriha avec son homologue rwandais à Kigali.

Kinshasa a clairement exprimé son exaspération en convoquant l’ambassadeur algérien en RDC en vue d’une clarification, suite à la visite du chef d’état-major de l’armée algérienne, Said Chengriha, au Rwanda. Embarrassé par cette énième crise gratuite, le régime algérien n’a pas réagi à cette convocation et a ordonné à sa meute médiatique de regarder ailleurs.

Le 01/03/2024 à 13h31

Alors que sa crise avec les pays du Sahel, et particulièrement le Mali voisin, ne cesse de prendre dangereusement de l’ampleur, l’Algérie s’est offert une nouvelle bérézina en allant fourrer son nez dans une tension qui couve depuis plusieurs années dans la région des Grands Lacs entre le Rwanda (pays d’Afrique de l’Est) et son voisin, la République démocratique du Congo (pays d’Afrique centrale). Ce dernier accuse le gouvernement de Kigali de soutenir militairement les milices rebelles congolaises (rwandophones) du M23 (acronyme du Mouvement du 23 Mars), qui tentent de contrôler le Nord-Kivu, une riche région minière située à l’est de la RD Congo, à la frontière avec l’Ouganda et le Rwanda.

C’est dans cet imbroglio régional, situé à des milliers de kilomètres de son territoire, que l’Algérie s’est inexplicablement invitée en déclarant soutenir militairement le Rwanda, ce que la RDC n’a pas laissé passer.

Dans un communiqué publié mardi dernier, le ministère congolais des Affaires étrangères a indiqué sur sa page Facebook que «l’ambassadeur de la République algérienne à Kinshasa, M. Mohamed Yazid Bouzid, a été reçu cette après-midi par le vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères et de la Francophonie. Au-delà de la reconnaissance de la souveraineté de chaque État, il était question pour Christophe Lutundula Apala Pen’Apala d’obtenir de son hôte une clarification concernant la visite effectuée par le chef d’état-major de l’armée algérienne à Kigali, le 20 février dernier».

En décodé, le chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula, a convoqué l’ambassadeur algérien à Kinshasa pour lui exprimer l’agacement de la RD Congo face aux agissements malsains de l’Algérie, venue jeter de l’huile sur le feu dans une région où les Casque bleus de l’ONU s’activent à y ramener la paix.

Pour la RD Congo, la visite effectuée par le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Said Chengriha, les 20 et 21 février derniers, est interprétée comme un soutien militaire de l’Algérie au Rwanda, qui appuie à son tour militairement le mouvement séparatiste armé du M23 opposé à Kinshasa.

La RD Congo a également lié la convocation de l’ambassadeur algérien à la violation de sa souveraineté, en accusant l’Algérie de soutenir indirectement la milice des séparatistes du M23, d’autant plus que la visite de Chengriha à Kigali, qui s’est conclue par un accord de défense mutuelle signé entre l’Algérie et le Rwanda, a coïncidé avec une nouvelle escalade meurtrière dans les combats qui opposent sporadiquement l’armée congolaise aux rebelles tutsis (du nom de cette ethnie qui se retrouve au Congo, Rwanda et Burundi).

Lors de la signature de l’accord militaire algéro-rwandais, Said Chengriha a affirmé, selon un communiqué du ministère algérien de la Défense, que sa visite au Rwanda «témoigne clairement des ambitions des hautes autorités des deux pays à insuffler une nouvelle dynamique au mécanisme de coopération militaire entre les armées des deux pays, dans la perspective de relever les défis sécuritaires qui prévalent dans le continent africain».

Si les médias publics algériens ont largement couvert la visite de Chengriha à Kigali, ils ont totalement ignoré la convocation de l’ambassadeur algérien à Kinshasa par les autorités congolaises, à moins que ce soit une façon d’exprimer leur honte de voir leur pays devenir un serial faiseur de crises à cause de sa diplomatie menée par un Tebboune champion des réactions épidermiques.

Le ministère algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, d’habitude prompt à la réciprocité, préfère avaler en silence des couleuvres et ne pas réagir à la convocation de son ambassadeur par les autorités congolaises. Il est vrai qu’Alger ne sait plus où donner de la tête avec toutes les crises enclenchées et pitoyablement gérées. En atteste la crise avec Madrid et le retour de l’ambassadeur algérien après 18 mois d’absence sans rien obtenir.

Selon «Alarab», un site arabophone londonien, la nouvelle maladresse de l’Algérie qui est allée s’ingérer bêtement dans les affaires entre les pays de la région lointaine des Grands Lacs, intervient au moment où Alger se trouve totalement isolée dans son environnement régional suite à ses crises diplomatiques avec ses voisins marocain, libyen, malien et nigérien. Le même média estime que derrière cette folie algérienne se trouve bien évidemment une raison marocaine. En effet, écrit-il, «l’Initiative atlantique, proposée il y a quelque temps par le roi du Maroc Mohammed VI, a alimenté les craintes de l’Algérie d’un déclin de son influence en Afrique et d’une aggravation de son isolement dans son voisinage, avec les avantages que cette initiative apporte aux pays africains qui envisagent de s’y engager dans le but d’accéder à l’Atlantique et de renforcer l’intégration entre les pays d’Afrique de l’Ouest et l’Union européenne».

L’Algérie, en soutenant indirectement les séparatistes congolais du M23, cible la République démocratique du Congo qu’elle tente ainsi de sanctionner pour son soutien sans équivoque au plan marocain d’autonomie au Sahara, qualifié récemment de «solide, sérieux et conforme à la Charte des Nations unies» par le représentant permanent de la RDC à l’ONU, Zénon Mukongo Ngay, devant la 4ème Commission de l’Assemblée générale de l’ONU.

Mais l’élément le plus éclairant dans cette crise avec la RDC, c’est que le régime en a honte. Son addiction aux crises commence à l’embarrasser au plus haut point. Alors, il préfère la politique de l’autruche, ordonnant à tous les médias de ne pas écrire une seule ligne sur la convocation de l’ambassadeur algérien à Kinshasa. Pitoyable.

Par Mohammed Ould Boah
Le 01/03/2024 à 13h31