Bien sûr que la cause palestinienne mérite mieux que ça. Mieux que ces images de civils israéliens massacrés et de ces enfants et ces jeunes en liesse. Bien sûr que c’est barbare, inhumain, intolérable.
Et bien sûr que la population de Gaza ne mérite pas de vivre sous les bombes, d’être perpétuellement condamnée à fuir, à compter les morts, à devoir tout reconstruire avant de tout voir détruire, encore et encore.
Où est-ce qu’on peut se situer en face de ces horreurs? Est-il possible de s’arrêter sur le présent en mettant le passé de côté? Peut-on, a-t-on le droit de laisser parler l’émotion et l’humain, en oubliant le politique, le religieux? Peut-on nous détacher de notre prérequis, peut-on nous dématérialiser pour nous donner une chance de juger le présent sans a priori, en étant juste?
Il y a quelques années, je m’étais rendu pour près d’un mois en Israël et dans une partie des Territoires occupés. Cela aide pour mieux saisir les nuances de la situation là-bas. J’ai vu des radicaux et des progressistes des deux côtés, j’ai rencontré des militants pacifiques et des va-t-en-guerre. Il y a des discussions qui me reviennent en écho, à la lumière de ce qui se passe en ce moment.
La vérité n’est pas chez Al Jazeera ni CNews. Il faut compléter, recouper, croiser, filtrer, aller voir ailleurs. Sans citer Sun Tzou et son «Art de la guerre», ni Machiavel et sa science des hommes, on sait que celui qui gagne une guerre veut la paix, c’est-à-dire le statu quo, et que celui qui perd la guerre veut une revanche, c’est-à-dire changer ce même statu quo. C’est exactement cela que j’avais ressenti, dans le temps, auprès de mes interlocuteurs israéliens et palestiniens.
Parce qu’il y a la paix, et il y a la justice et l’équité. Un gouffre sépare ces objectifs.
Au-delà des théories sur le choc des civilisations et sur les antagonismes des héritages et des accumulations d’un côté et de l’autre, il y a la réalité de l’occupation qui rend tout effort de rapprochement vain ou presque.
Nous ne sommes pas devant un match de football où l’on compte les buts marqués ou encaissés d’un côté ou de l’autre. Mais il y a un dialogue terrible qui s’établit entre les douleurs, avec une surenchère dans l’horreur.
D’un côté, vous avez les insoutenables images des civils israéliens massacrés «séance tenante». De l’autre côté, vous avez les images de ces tracts distribués par l’aviation israélienne et demandant aux Gazaouis, quelques minutes avant une nouvelle pluie de bombes: «Quittez vos maisons, allez vers le sud!». Mais aller où? Toutes les frontières sont fermées, tous les passages bloqués. Il ne reste que la mer… Ou la mort.
Méditez ces mots magnifiques écrits par une Palestinienne de Gaza: «Les gens m’envoient des messages en me demandant “Êtes-vous pro-Israël ou pro-Palestine?”, comme si nous regardions tous un match de football. Portez-vous un maillot bleu ou rouge? Je ne porte ni l’un ni l’autre. Je suis en noir. Je suis en deuil des vies israéliennes et palestiniennes perdues».