Algérie: le régime va-t-il céder la wilaya de Tindouf au Polisario?

Abdelkader Bengrina, chef du parti algérien «El Binaa El Watani».

Abdelkader Bengrina, leader du parti algérien islamo-populiste El Binaa El Watani, a récemment partagé son opinion sur l’avenir du front séparatiste du Polisario. Selon lui, le territoire de Tindouf n’est plus une wilaya algérienne. Il est devenu un Etat à part entière, voisin de l’Algérie et dirigé par les séparatistes du Polisario.

Le 05/09/2025 à 16h30

Lors d’une conférence de presse organisée dimanche dernier à l’issue de la clôture de l’université d’été de son parti, le chef de file du parti El Binaa El Watani, Abdelkader Bengrina, a laissé entendre que la wilaya de Tindouf était sortie du giron de l’Etat algérien. Cet ancien ministre, qui fut le «lièvre» du candidat de l’armée Abdelmadjid Tebboune lors de la présidentielle de 2019 avant de se retirer de la course, a déclaré que Tindouf s’était de facto transformée en un nouvel État, frontalier de l’Algérie et dirigé par le Polisario.

Bengrina, connu pour son soutien aveugle au pouvoir en place à Alger et à sa propagande, a voulu aller plus loin que les thuriféraires du régime algérien et cautionner à sa façon la prétendue mobilisation générale décrétée récemment, sans raison apparente, par le président Abdelmadjid Tebboune, en déclarant que pas un seul mètre carré ne devait y échapper.

Pour ce faire, il a délimité, de manière exhaustive selon lui, les contours de son pays en citant tous les Etats frontaliers. «Nos frontières avec la Tunisie, nos frontières avec la Libye, nos frontières avec le Mali, nos frontières avec le Niger, nos frontières avec Tindouf, nos frontières avec le Maroc», a-t-il énuméré en substance.

Tindouf, un territoire autonome? Bengrina l’a ouvertement mentionné comme entité frontalière de l’Algérie. Il semble aussi assumer cette déclaration, puisqu’il ne l’a ni rectifiée, ni précisée jusqu’ici malgré les questionnements qu’elle a soulevés ces derniers jours en Algérie et ailleurs.

Très introduit dans les arcanes du régime algérien, celui qui a renoncé à se présenter à la présidentielle de septembre 2024 en faisant campagne pour «son candidat», Tebboune, aurait ainsi, en mentionnant l’Etat de Tindouf, levé un voile sur ce qui se cuisine au sein d’un régime algérien aux abois, cherchant à s’extirper du bourbier dans lequel l’a englué son vain soutien aux séparatistes du Polisario.

Un Etat à Tindouf serait-il la solution d’Alger pour se débarrasser définitivement du fardeau du Polisario, dont le soutien pèse lourdement sur ses finances et plombe sa diplomatie et ses relations?

C’est donc bien en homme lucide que le chef de file du parti El Binaa s’est exprimé sur les nouveaux contours de son pays.

A-t-il lâché une bombe comme l’ont analysé certains observateurs, ou a-t-il tout simplement lancé un ballon d’essai concernant une nouvelle solution de rechange à la fantomatique «RASD»?

En tout cas, au cours de la même sortie, Bengrina a fait la leçon à tous les acteurs politiques et sociaux de son pays en leur demandant de faire preuve de plus de lucidité. Selon lui, «il est important que les membres du gouvernement autant que les leaders politiques et de la société civile portent un regard lucide sur les évènements, sans exagération, ni accusations infondées».

Ce n’est donc pas pour rien que Bengrina a également omis de citer la Mauritanie parmi les Etats frontaliers de son pays. Au regard du tracé actuel de la wilaya de Tindouf, les frontières de celle-ci sont presque totalement adjacentes aux 500 kilomètres de frontières qui séparent la Mauritanie de l’Algérie. Le nouvel Etat de Tindouf, mentionné par Bengrina, mettra donc fin au voisinage Algérie-Mauritanie, au profit de la frontière Mauritanie-Etat de Tindouf.

Les propos de Bengrina n’ont suscité aucune réaction officielle, ni des autorités, ni des médias présents à la conférence.

Les déclarations de Bengrina ont suscité une forte indignation, principalement chez les internautes algériens. Beaucoup d’entre eux ont demandé qu’il soit jugé pour ce qu’ils considèrent comme une grave atteinte à l’intégrité du territoire algérien. Seule une minorité a estimé qu’il s’agissait d’un simple lapsus, courant chez les politiciens jugés trop bavards.

Les propos de Bengrina semblent révéler des vérités gênantes. Il a notamment affirmé que le président algérien Abdelmadjid Tebboune a été dupé depuis 2020 par ses ministres, qui lui ont fourni de faux chiffres astronomiques sans qu’il ne les vérifie. Cette situation a conduit le président, déjà affaibli par son manque de légitimité, à être la cible de moqueries internationales. Un exemple frappant est sa déclaration à l’ONU en septembre 2023, où il a prétendu que l’Algérie produisait 1,3 milliard de mètres cubes d’eau de mer dessalée par jour.

Bengrina a également accablé le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. Selon Bengrina, le chef de la diplomatie algérienne est accusé d’avoir fait cavalier seul en ignorant le rôle diplomatique des partis politiques algériens.

Ce constat amer et véridique n’a pas fait réagir l’intéressé lui-même, ni les services de son département, désormais érigé en ministère de convocations colériques de diplomates accrédités à Alger.

Toutes ces vérités assénées ont été subordonnées à la bombe de Tindouf. Les prochaines semaines, on y verra plus clair sur les nouvelles frontières de l’Algérie.

Par Mohammed Ould Boah
Le 05/09/2025 à 16h30