Algérie: le président Tebboune et le mythe du 1,5 million de morts de la guerre d’indépendance

Bernard Lugan.

ChroniqueCe chiffre officiel de 1,5 million morts avancé par l’ONM (Office National des Moudjahidine) et par le président Tebboune ne résiste pas à la critique historique. Le nombre des moudjahidines au moment du cessez-le-feu du mois de mars 1962 permet de mesurer l’énormité du mensonge algérien.

Le 02/09/2025 à 11h01

La «légitimité» du «Système» algérien repose sur sa propre version de la guerre d’indépendance. Or, cette dernière est adossée au mythe d’un peuple unanimement dressé contre le colonisateur. Dans ces conditions, comme il fallait faire coïncider ce postulat idéologique et la démographie, le régime algérien a inventé le nombre de 1,5 million de morts, ce qui vient d’être une nouvelle fois repris par le président Tebboune. Or, ce chiffre officiel de 1,5 million morts avancé par l’ONM (Office National des Moudjahidine) et par le président Tebboune ne résiste pas à la critique historique.

En effet, en 1961, les Algériens de souche étaient 11.969 451, dont 50% de femmes, soit environ 5.9847259 mâles, dont au minimum 50% de mineurs, ce qui donnerait une population mâle adulte en état de combattre d’environ 3 millions d’âmes. Pour que le chiffre de 1,5 million de morts ait un début de vérification, il faudrait donc que 50% de ces 3 millions aient trouvé la mort au feu. Des chiffres de pertes qui feraient passer les combats de Verdun ou de Stalingrad pour de délicieuses promenades de santé…

Le nombre des moudjahidines au moment du cessez-le-feu du mois de mars 1962 permet de mesurer l’énormité du mensonge algérien. La source algérienne la plus fiable à ce sujet est celle de Ben Youcef Benkhedda qui fut le dernier président du GPRA (Gouvernement provisoire de la république algérienne). Dans son livre paru en 1997 (L’Algérie à l’indépendance, la crise de 1962), il donne le chiffre de 65.000 combattants à la date du cessez-le-feu de mars 1962, à savoir:

-Les maquis de l’intérieur: 35.000 combattants, dont 7.000 pour la wilaya I, 5.000 pour la II, 6.000 pour la III, 12.000 pour la IV, 4.000 pour la V et 1.000 pour la VI.

-L’ALN, l’armée des frontières, réfugiée en Tunisie et au Maroc, un peu plus de 30 000 hommes.

Les sources françaises sont très proches de celles du GPRA puisqu’elles donnent le chiffre d’environ 50.000 combattants. Selon le 2ème Bureau français, le nombre de maquisards de l’intérieur était en effet de 20.000 en 1958 et au mois de mars 1962, à la signature des accords d’Évian, les combattants nationalistes de l’intérieur étaient estimés à 15.200. Quant à ceux de l’extérieur, à savoir l’ALN, ils étaient de 32.000 dont 22.000 en Tunisie et 10.000 au Maroc.

«Le mythe sur lequel est ancré le «Système» algérien et qui est celui d’un peuple unanimement dressé contre le colonisateur connaît donc de sérieuses lézardes… d’autant plus que, «horreur», les Algériens servant dans l’armée française, furent plus nombreux que les moudjahidines…»

—  Bernard Lugan

Le mythe sur lequel est ancré le «Système» algérien et qui est celui d’un peuple unanimement dressé contre le colonisateur connaît donc de sérieuses lézardes… d’autant plus que, «horreur», les Algériens servant dans l’armée française, furent plus nombreux que les moudjahidines…

En effet, au mois de janvier 1961, alors que le processus menant à l’indépendance était clairement engagé, 307.146 Algériens servaient dans l’armée française, soit 10% de tous les Algériens mâles adultes, contre environ 65.000 moudjahidines et membres de l’ALN, autrement dit moins de 3% de toute la population mâle algérienne…

Or, le chiffre de 307.146 est incontestable, car les Archives de la Guerre à Vincennes, en France, contiennent des registres précis concernant la situation exacte de chacun de ces hommes (matricule, pensions, blessures, temps de service, affectations, armes perçues, primes, permissions, etc.). Nous connaissons donc bien le profil de ces Algériens qui combattaient dans ou aux côtés de l’armée française, à savoir:

- 60.432 appelés pour le service militaire.

- 27.714 engagés volontaires dans la «Régulière» (tirailleurs, spahis, parachutistes etc.)

- 213.700 harkis dont 63.000 directement intégrés au sein des unités combattantes.

- 700 officiers dont 250 appelés.

- 4.600 sous-officiers.

Même et à supposer que les 60.432 appelés étaient des «malgré-nous», – ce qui ne fut, semble-t-il, pas le cas puisque les désertions n’affectèrent qu’un faible pourcentage de ces hommes–, il resterait encore 240.000 volontaires, soit, dans tous les cas, au moins trois fois plus que les 65.000 moudjahidines.

Les chiffres détaillés des pertes permettent également de montrer que l’ONM et le président Tebboune racontent n’importe quoi. Pour mémoire, il est nécessaire de bien préciser que les combattants indépendantistes tués par l’armée française faisaient l’objet d’un décompte précis et d’une recherche en identification effectuée par la gendarmerie afin de renseignement, pour connaître leur origine villageoise et familiale. Cela permet d’avoir des chiffres précis, soit 143.500 morts pour les combattants indépendantistes (24.614 pour les pertes françaises– dont 7.917 par accident et 1.114 par maladie–, soit 15.583 au combat).

Si nous additionnons les 65.000 maquisards de 1961 et les 143.500 combattants indépendantistes morts au combat, nous aboutissons à 208.500 moudjahidine pour un «réservoir» potentiel de 3 millions d’hommes, loin d’un peuple unanimement levé contre la France.

D’ailleurs, en 2008, Noureddine Aït Hamouda, fils du célèbre colonel Amirouche Aït Hamouda, chef emblématique du maquis kabyle de la willaya III tué au combat le 29 mars 1959 après avoir été donné par l’équipe qui fera le coup d’État de 1962, a réduit à néant le mythe du 1,5 million de morts. Un chiffre totalement fantaisiste selon lui, mais qui permet de justifier le nombre exponentiel des ayants droit, notamment celui des veuves et des orphelins. Selon Noureddine Aït Hamouda, les 3/4 des porteurs de la carte de moudjahidine et d’ayants droit, sont en effet des faux et des imposteurs. Quant à l’ancien ministre algérien Abdeslam Ali Rachidi, il ne craignit pas de déclarer dans le numéro du 12 décembre 2015 du journal El Watan que «tout le monde sait que 90% des anciens combattants, les moudjahidines, sont des faux».

Par Bernard Lugan
Le 02/09/2025 à 11h01