Mais que peuvent bien faire des caméras de la télévision publique à l’intérieur même des bureaux de la présidence, alors qu’aucune activité officielle ne se déroule dans ce lieu hautement «secret», où seules certaines personnes sont habilitées à entrer, selon des règles sécuritaires et protocolaires strictes?
C’est qu’après le chaotique break électoral qui s’est terminé en queue de poisson par les ratages qui ont accompagné la «réélection» d’Abdelmadjid Tebboune, l’entourage du président algérien n’a pas lésiné sur les moyens pour faire de son retour à son bureau un moment solennel. En effet, la télévision publique algérienne, une boite qui dépend directement de la présidence de la République, avait dépêché mardi dernier une équipe de cameramen pour «immortaliser» le retour «victorieux» de Tebboune à son bureau pour entamer son second mandat, quelques minutes seulement après sa prestation de serment et son investiture à huis clos.
Or, les caméras de la télévision ont montré en direct une scène inhabituelle. Qu’y avait-il de si urgent au point que Boualem Boualem, le puissant directeur de cabinet de Tebboune, considéré comme un super ministre et le «cerveau» du clan présidentiel, n’attende même pas que le président entre dans son bureau pour lui parler, mais le retienne carrément par le bras gauche et le stoppe net dans sa marche en plein couloir pour lui parler brièvement, en direct à la télévision et sous l’œil du directeur du protocole de la présidence?
Ce dernier, récemment nommé à la place de Mohamed Bouakkaz suite à un scandale de mœurs impliquant l’une des filles de Tebboune, a lui aussi commis ce qui semble être un impair en tentant, toujours en direct à la télévision publique, d’empêcher, vainement, Boualem Boualem de s’engouffrer avec Tebboune dans son bureau.
Alors que certains tentent de minimiser cette scène entre Tebboune et son directeur de cabinet, en arguant que les deux hommes sont si proches et que ce geste relève de la sphère amicale, il n’en reste pas moins qu’il est apparu comme un manque de respect pour un président de la république qui, même s’il est notoirement connu pour son manque de charisme, ne doit pas étaler certaines faiblesses devant les caméras de télévision. Et surtout pas de l’intérieur d’un lieu censé être le siège du pouvoir en Algérie, la Mouradia.
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Ce qui est certain, c’est que Boualem Boualem aurait recueilli une information «sensible» lors de la cérémonie d’investiture que les deux hommes viennent de quitter et qu’il aurait voulu transmettre dare-dare à Tebboune. Même si l’on peut imaginer que cette «urgence» relève de la lutte des clans au sein du pouvoir politico-militaire, qui reprend déjà de plus belle, le clan présidentiel s’est tiré une balle dans le pied à travers cette scène ubuesque qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Ce qui a obligé Tebboune à réagir en assénant un coup d’épée dans l’eau.
Mercredi 18 septembre 2024, Kamel Sidi Saïd, conseiller à la présidence chargé de la direction générale de la communication, a présidé une cérémonie au siège de la télévision publique algérienne et a procédé, séance tenante, au remplacement du directeur général de cette dernière, Adel Salakdji, par le directeur général de la radio publique, Mohamed Baghali. Ce dernier n’est autre que l’un des rares intervieweurs attitrés de Tebboune lors des bavardages télévisuels qui ont entaché son premier mandat. Adel Salakdji, quant à lui, a été nommé directeur général de la radio publique.
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Cette permutation sonne comme une sanction contre ce journaliste, choisi comme bouc émissaire et sacrifié sur l’autel des errements de Tebboune et de son entourage. Mais son parachutage à la tête de la radio, lui qui a roulé sa bosse au sein des hautes fonctions de la télévision algérienne depuis un quart de siècle, laisse croire qu’Adel Salakdji serait le protégé d’un clan des généraux. Il n’aurait finalement passé qu’une quarantaine de jours en tant que directeur général de la télévision publique algérienne, après son installation, le 6 août dernier, par le même Kamel Sidi Saïd, qui vient de le limoger.
Adel Salakdji, qui a réussi, volontairement ou malgré lui, à asséner un coup dur à Tebboune en filmant une scène qui devait relever de l’off, a donc brièvement remplacé Nadir Boukabès, nommé le 11 décembre 2022 suite au limogeage brutal de Chabane Lounakel, coupable d’avoir parlé de Qatar 2022 pour annoncer la qualification historique, et pour la première fois, d’une équipe arabe et africaine, le Maroc, à la demi-finale d’une Coupe du monde.