En avril dernier, les trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont rappelé leurs ambassadeurs respectifs à Alger. Ce geste collectif et simultané intervient en soutien à Bamako, dont un drone militaire a été abattu par l’armée algérienne alors qu’il s’apprêtait à mener des opérations contre un groupe terroriste à la frontière entre les deux pays voisins.
Alger avait annoncé cet incident en grande pompe, mettant à contribution sa machine de propagande en vue de saluer cet acte comme la preuve que l’armée algérienne, vilipendée pour l’ingérence de ses généraux dans les affaires politico-économiques du pays, veille, avec «professionnalisme», à la sécurisation des frontières.
Ce triomphalisme a vite été douché par la réaction, forte et immédiate, du Mali et ses alliés sahéliens, qualifiant en chœur l’Algérie d’État agresseur et de protecteur des mouvements terroristes.
C’est cette accusation, par ailleurs non dénuée de fondement ni de preuves, que le gouvernement malien vient de remettre à jour pour porter plainte contre l’Algérie devant la Cour internationale de justice (CIJ) dans l’affaire du drone malien abattu par Alger.
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Dans un communiqué diffusé jeudi 4 septembre, les autorités de Bamako, soulignent avoir déposé, le même jour, «une requête auprès de la Cour internationale de justice» contre l’Algérie. Le communiqué explique que «cette démarche fait suite à la destruction préméditée, par le régime algérien, d’un drone de reconnaissance» de l’armée malienne «dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, à Tinzawatène, dans la région de Kidal».
Pour Bamako, il s’agit d’une agression flagrante, en violation de la Charte des Nations unies et des principes fondateurs de l’Union africaine, dès lors que le drone abattu l’a été en plein territoire malien. Les autorités accusent en outre Alger de soutenir le terrorisme, établissant un lien direct entre cet incident et ce qu’elles considèrent comme un acte inamical du régime algérien destiné à protéger les groupes armés des offensives de l’armée malienne.
Le communiqué précise en effet que «cette agression flagrante… visait à entraver la neutralisation des groupes armés terroristes par les Forces armées et de sécurité maliennes. Elle s’inscrit dans une série d’actes hostiles et malveillants, maintes fois dénoncés par les autorités maliennes, et démontre clairement une collusion malsaine entre les terroristes et le régime algérien qui leur accorde sa protection».
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Cette plainte tombe au très mauvais moment pour l’Algérie, qui abrite depuis le 4 septembre, dans un grand concert de tapage politico-médiatique, une rencontre dédiée au commerce et aux investissements intra-africains. Cette rencontre vise en réalité à redorer le blason d’un régime plus que jamais isolé sur les plans régional et international, et très contesté en interne pour son manque de légitimité et sa gestion calamiteuse du pays.
La concomitance de la saisine de la CIJ par le Mali et l’organisation de la foire théâtrale d’Alger a déjà eu le mérite de montrer que non seulement l’Algérie n’a rien à échanger avec les pays africains, puisqu’elle ne produit rien, alors que quasiment toutes ses frontières sont fermées pour cause de tensions permanentes avec ses voisins immédiats (Maroc, Mali, Niger, Libye…).
Un porte-voix médiatique du régime algérien a réagi à cette plainte malienne à l’international contre l’Algérie, en utilisant comme arguments de défense l’insulte du gouvernement malien, qualifié de «putschiste» et d’«illégitime», et estimant de la sorte que la plainte visant le régime algérien sera irrecevable. Ce qui est certain, c’est que la requête malienne est basée sur des faits concrets, puisque l’épave du drone abattu a été récupérée en plein territoire malien.
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Le régime algérien s’est maladroitement défendu dans cette affaire par le biais d’un communiqué du ministère de la Défense, jugé peu crédible, qui n’a jamais apporté la preuve d’une quelconque violation de l’espace aérien algérien par un drone malien. Une communication confuse qui apparaît, selon Bamako, comme une tentative de dissimuler le soutien apporté aux groupes terroristes pour les mettre à l’abri des offensives de l’armée malienne.
Pour rappel, la crise entre le Mali et l’Algérie a éclaté au grand jour quand le nouveau pouvoir malien, issu du coup d’État de septembre 2020, a décidé d’abroger, en janvier 2024, les Accords d’Alger de 2015. Cette décision intervient à la suite d’une série d’ingérences du régime algérien dans les affaires intérieures du Mali.
Non seulement Alger a contesté puis pris du temps à reconnaitre le nouveau pouvoir à Bamako, mais a accueilli à bras ouverts tous les opposants maliens, qu’il s’agisse des séparatistes Touaregs ou des chefs de groupes terroristes. D’ailleurs le gouvernement malien, tout comme la Cour pénale internationale ne cesse d’exiger d’Alger l’extradition d’Iyad Ag Ghali, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM en arabe), qui opère au Sahel depuis le sud algérien.




