Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a enfin annoncé, le jeudi 11 juillet, sa candidature à sa propre succession. Le 7 septembre prochain, il affrontera une brochette de candidats, dont trois femmes (Zoubida Assoul, Louisa Hanoune et Saïda Neghza), un Kabyle (Youcef Aouchiche) et un islamiste (Abdelali Hassani)…
Alors qu’il suffisait d’une simple publication sur la page Facebook de la présidence algérienne pour confirmer la candidature attendue de Tebboune, ce dernier a encore une fois recouru à sa méthode de bavardage stérile à la télévision publique pour annoncer qu’il est parti pour rester cinq autres années à la Mouradia… à la demande des Algériens, laisse-t-il entendre!
«En réponse au souhait des partis, des organisations politiques et apolitiques et de la jeunesse, j’estime que le moment est venu d’annoncer ma candidature à un second mandat, conformément à ce que permet la constitution», a-t-il déclaré.
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Anticipant probablement les critiques qui ne manqueront pas de fuser dans les prochaines heures quant au «récépissé» que lui ont délivré les clans des généraux pour être à nouveau parachuté président, le président algérien a faussement laissé croire que la course à la présidentielle était très ouverte et qu’elle ne lui était pas acquise d’avance. «Si le peuple vote pour moi, c’est tant mieux, s’il choisit quelqu’un d’autre, alors j’aurais fait mon devoir et il appartiendra au nouveau président de poursuivre», a-t-il affirmé.
Sur fond d’étalage d’un bilan quinquennal entièrement fictif, l’actuel locataire de la Mouradia a réitéré ce qu’il appelle ses «victoires», comme pour dire qu’il est le seul candidat qui mérite d’être réélu. Sur le plan économique, il a claironné qu’«il est de notoriété publique que les recettes de l’État ont augmenté, que la saignée du Trésor relève du passé et que l’Algérie a récupéré la majeure partie des fonds dilapidés, estimés en milliards de dollars».
Mais il est aussi de notoriété publique, et sur la foi même des rapports et déclarations de hauts responsables au sein de différentes organisations relevant de l’ONU et des droits de l’homme, que , sous le magistère de Tebboune, l’Algérie est devenue le pays le plus liberticide du monde, autant à travers les textes juridiques adoptés ces quatre dernières années que dans la pratique quotidienne de la répression policière. Cela n’a pas empêché le président d’affirmer dans son allocution télévisée que dans sa «nouvelle Algérie», «il y a plus de droits pour les citoyens. Aujourd’hui, le citoyen est plus rassuré en ce qui concerne la préservation de ses droits et il remplit ses devoirs en toute joie, parce qu’il se considère comme partie intégrante de cette société».
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Alors que plus de 300 prisonniers politiques croupissent en prison et que c’est cette répression implacable qui a mis en veilleuse les manifestations du Hirak «béni», comme il le qualifie, Tebboune trouve (ou reconnaît) que le calme, pourtant très précaire, de la rue est dû au fait que «le peuple algérien sait aujourd’hui distinguer entre la démagogie et la réalité».
Or, la démagogie, c’est celle qui consiste à faire de l’Algérie le seul pays au monde où il est interdit de manifester, même en soutien à la Palestine, pourtant érigée en première cause nationale par le régime algérien. À ce jour, une seule et unique manifestation en faveur de la Palestine a eu lieu, orchestrée par des soldats déguisés en civil, accompagnés des membres de leur famille. Et c’est tout! Pourquoi l’Algérie est le seul pays au monde où le pouvoir interdit aux citoyens de manifester dans la rue? Parce que le régime d’Alger a peur du peuple. L’on ne sait que trop que les régimes qui ne font pas confiance au peuple sont inéluctablement condamnés à disparaître.
Reste à se demander quel est le lien entre le timing de l’annonce par Tebboune de sa candidature à un second mandat présidentiel et sa visite, quelques heures plus tôt, dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Surtout que cette dernière a toujours refusé de reconnaître toute légitimité au président algérien. C’est non seulement dans cette wilaya que le slogan de «Tebboune mzawar jabouh laaskar» a longuement fusé chaque vendredi, de février 2019 à juin 2021, mais c’est là également que toutes les échéances électorales organisées sous Tebboune ont été massivement boycottées.
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Lors de l’entrevue diffusée jeudi sur la chaîne publique AL24, la première question posée à Tebboune a été justement celle relative à sa visite à Tizi-Ouzou, visite qu’il a qualifiée de «plus que réussie» tout en se félicitant de «l’accueil enthousiaste» de la population locale, alors que cette dernière l’a totalement boudée.
Ce qui n’a pas empêché le président-candidat de déclarer bizarrement que cette wilaya faisait «partie intégrante du territoire national, qu’elle a donné Houcine Aït Ahmed, l’un des 5 chefs historiques de la révolution algérienne, mais aussi de grands généraux de l’armée et des ministres de valeur». Ce qui est sûr, c’est que la crédibilité de la prochaine présidentielle reposera sur le taux de participation général, et particulièrement celui qui sera enregistré en Kabylie.