Dans un communiqué publié samedi 6 avril, le ministère algérien des Affaires étrangères annonce avoir convoqué l’ambassadeur du Niger à Alger, Aminou Malam Manzo. Ce dernier, a été reçu par la directrice du département «Afrique», Selma Malika Haddadi, précise le communiqué algérien, immédiatement relayé par les médias de la junte locale, qui perdaient patience face au manque de réactivité des autorités algériennes en vue de répondre à la convocation de leur ambassadeur à Niamey mercredi dernier. Ils auront finalement droit à une réaction sans relief et truffée de contradictions.
Premier hic: bien que ce communiqué du MAE algérien soit daté du 6 avril, il y est cependant précisé que la convocation de l’ambassadeur nigérien à Alger a eu lieu le jeudi 4 avril. Or, les médias nigériens, à l’instar de Niger Tribune, ont écrit que la convocation d’Aminou Malam Manzo au MAE algérien a bien eu lieu samedi 6 avril. Ce qui est tout à fait logique, sinon comment comprendre que cette convocation ait été gardée secrète pendant plus de 48 heures (de jeudi à samedi) aussi bien par les autorités nigériennes, que celles algériennes? Élémentaire, mon cher Watson: par le biais de cette entourloupe, le MAE algérien tente de signifier que la convocation de l’ambassadeur du Niger à Alger est intervenue immédiatement après celle de l’ambassadeur algérien à Niamey et que la «force de frappe», cette autre tebbounnerie qui qualifie l’Algérie des généraux, a réagi avec la célérité requise pour répondre du tac au tac au petit poucet nigérien.
Il est donc clair que le régime algérien, à court d’arguments valables, mais aussi pour éviter à sa diplomatie d’être accusée de retard à l’allumage, a choisi le samedi, un jour non ouvrable en Algérie, pour réagir à la convocation, quatre jours plus tôt, de son ambassadeur à Niamey et au communiqué virulent des autorités nigériennes qui s’ensuivit le même jour.
Lire aussi : Le racisme d’État du régime algérien exacerbe la crise avec le Niger
Deuxième hic: le communiqué du MAE algérien s’emmêle les pinceaux en accusant le Niger d’être sorti du cadre d’un prétendu accord de coopération bilatérale algéro-nigérien «en matière de rapatriement de ressortissants nigériens séjournant de manière irrégulière sur le territoire algérien».
Si un tel cadre existe réellement, pourquoi le Niger, dans ses protestations notifiées à l’ambassadeur algérien, n’a-t-il pas fait valoir de son côté, les droits que lui confèrerait un tel accord de rapatriement, en dénonçant son non-respect par la partie algérienne? Dans leur communiqué de protestations de mercredi dernier, les autorités nigériennes ont rappelé que «l’Algérie et le Niger partagent une longue frontière commune et entretiennent des relations de coopération dans plusieurs domaines tels que l’éducation et le commerce». Aucune trace d’un accord de coopération entre les deux pays en matière de rapatriement de migrants illégaux. Et même si un tel accord existait, est-ce qu’il autorise les autorités algériennes à dépouiller de leurs biens les migrants, à les traiter avec inhumanité et à les jeter dans un désert hostile aux frontières algéro-nigériennes?
De même, si un tel accord de rapatriement existe, pourquoi le Niger a demandé officiellement, jeudi dernier, à l’Organisation internationale des migrations, relevant de l’ONU, de faire en sorte que l’Algérie n’expulse vers le Niger que les seuls migrants illégaux justifiant de la nationalité nigérienne?
Lire aussi : Le régime algérien promet le chaos au Niger suite à la visite de son Premier ministre au Maroc
Mieux, le Niger a aussi exigé de l’ambassadeur algérien convoqué mercredi dernier, non pas le respect par son pays d’un quelconque accord bilatéral, mais «que les opérations de rapatriement et de refoulement des migrants subsahariens décidées par le gouvernement algérien puissent s’effectuer dans le respect de la dignité, de l’intégrité physique et morale des ressortissants nigériens ainsi que la protection de leurs biens par les autorités algériennes compétentes».
Tout indique donc que cet accord, dont le MAE algérien se gargarise sans en mentionner un seul article, ni une date ou lieu de signature, n’est rien d’autre qu’une échappatoire visant à esquiver des réponses claires aux nouvelles accusations avérées de violations flagrantes des droits humains à l’encontre de ressortissants subsahariens.
Isolé et mis au ban de la communauté internationale, outré par ses pratiques racistes et inhumaines à l’égard des migrants subsahariens, en plus de sa manie constante à créer des crises avec la majorité des pays du voisinage, le régime algérien semble quémander un modus vivendi avec les autorités nigériennes, en les invitant à cesser leurs critiques acerbes à l’égard de l’Algérie et de «privilégier» ce que le communiqué du MAE appelle la «discussion» en vue de traiter toutes les questions liées à la problématique migratoire.
Lire aussi : Zones de libre-échange au Maghreb et au Sahel: le pipeau de trop du président Tebboune
Dernier hic dans ce communiqué de quatre petits paragraphes, le MAE algérien reconnait indirectement que ses expulsions répétitives de subsahariens ont toujours constitué une pierre d’achoppement dans la coopération entre l’Algérie et le Niger, une coopération qui «a fait l’objet de la part des autorités nigériennes de certains jugements, que le côté algérien estime sans fondements», écrit son communiqué.
La crise avec le Niger est manifestement celle de trop pour le régime algérien. Si l’on ajoute à cette crise, le démenti infligé par une source diplomatique libyenne à Tebboune sur une prétendue disposition de la Libye à chercher une alternative à l’UMA, on prend la mesure du gouffre dans lequel s’est mis tout seul un régime qui a le don de provoquer des crises sans savoir les gérer et encore moins les éteindre. Depuis l’indépendance de l’Algérie, jamais ce pays ne s’est retrouvé dans une telle situation d’isolement et en état de crises ouvertes avec la majorité des pays de son voisinage.