Lors de son dernier bavardage «périodique» avec la presse algérienne, diffusé le 26 septembre dernier par les médias audiovisuels publics locaux, Abdelmadjid Tebboune avait, de façon inhabituelle et pour la première fois, passé sous silence le Maroc et le Sahara.
Dans une allocution prononcée jeudi dernier au ministère de la Défense nationale, devant un auditoire entièrement constitué de hauts gradés de l’armée, le président algérien a présenté ce qui semble être le bilan de ses six années de pouvoir. Et puisqu’il rendait ainsi des comptes à ceux qui l’ont réellement élu, Tebboune se devait de s’attaquer au Maroc.
Dans ce discours enregistré, retravaillé et diffusé ce week-end, le président algérien a abordé le dossier du Sahara en le citant d’abord à trois reprises alors qu’il glosait sur la «cause palestinienne». Un parallèle que seule la géométrie politico-militaire algérienne a su créer.
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Ensuite, il a affiché une brusque crispation des traits de son visage et un énervement subit au moment où il a commencé à parler plus amplement du Sahara. Il a ainsi repris les mêmes formules usées jusqu’à la trame, affirmant qu’il s’agit d’une «question de décolonisation qui reste encore sur la table de l’ONU». Sur ce registre, il faut rappeler que Tebboune a déjà lui-même, et à plusieurs reprises, reconnu que le Sahara occidental a été décolonisé en 1975. Sinon que signifient les constantes demandes dans lesquelles il implore l’Espagne de «prendre ses responsabilités» en recolonisant à nouveau le Sahara?
Reconnaissant que la communauté internationale est en train de plancher sur une solution à ce conflit, il dit espérer que cela se fera dans le cadre de «l’autodétermination», alors qu’il sait pertinemment, et ses généraux avec lui, que l’ONU a définitivement écarté cette option irréaliste, alors que le consensus quasi général s’oriente vers le règlement de ce conflit sur la base du seul plan d’autonomie du Sahara sous souveraineté marocaine.
Tebboune a même brandi la menace contre le Maroc en ajoutant que «celui qui veut menacer, insulter… n’a qu’à le faire», mais que l’Algérie «ne se départira jamais de son soutien» aux séparatistes sahraouis, dont il a dit que tant qu’il est en vie «personne ne leur imposera la solution» à laquelle ils n’ont pas donné leur accord.
Le président Tebboune a assené: «Nous ne serons pas plus sahraouis que les Sahraouis eux-mêmes. Nous acceptons toute solution qu’ils acceptent, mais nous rejetons catégoriquement l’imposition de solutions venues de l’étranger».
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Concernant la fermeture des frontières entre les deux pays voisins, le président Tebboune a refusé d’en lier le maintien à l’évolution de la situation au Sahara, soulignant que «les frontières n’ont pas été fermées à cause du Sahara occidental. Elles ont été fermées pour d’autres raisons. En 63 ans d’indépendance, nos frontières sont demeurées fermées pendant plus de 45 ans». En filigrane, il laisse entendre qu’il rejette toute médiation sur ce dossier.
Après le Maroc, c’est au tour des Émirats arabes unis de subir la vindicte de Tebboune. «Concernant les pays du Golfe, à part un pays dont je ne citerai pas le nom, on coopère avec tous les frères chaque jour. On a des problèmes avec le pays qui cherche à semer le désordre dans notre maison. Et pour des raisons suspectes! Il s’ingère dans des affaires auxquelles on a interdit même aux grandes puissances de se mêler». Et à l’adresse des Émirats, le président algérien de s’écrier: «comment voulez-vous que je vous laisse intervenir dans des affaires internes!».
Même l’Afrique a été indirectement insultée, lorsque Tebboune a déclaré que son pays est devenu quasiment autosuffisant en produits agricoles alors qu’il y a quelques années «on importait des oignons de l’Afrique», ironisa-t-il. Cependant, malgré la récente passe d’armes qui a opposé le Mali à l’Algérie à la tribune de l’ONU, le président algérien a déclaré que les relations avec les pays du Sahel n’ont pas encore atteint le «point de non-retour».
Dans ce long monologue devant un auditoire tout en vert kaki, Tebboune a montré qu’il est un président sans envergure. Il s’est d’abord fait accueillir, au département qu’il dirige, comme s’il était un président étranger venu en visite officielle: tapis rouge, hymne national, détachements des différents corps de l’armée rendant les honneurs, poignées de mains avec une file de généraux... Pourtant, le président se rendait au siège d’un département, le ministère de la Défense nationale, dont il détient, constitutionnellement parlant, le portefeuille et tous les pouvoirs qui vont avec.
Les Algériens et le monde entier ont eu à voir un président apeuré, qui s’est livré à des fumisteries pour plaire à ceux qui l’ont parachuté à El Mouradia contre le gré de l’écrasante majorité des Algériens.
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Ainsi, il a estimé que c’est l’armée algérienne qui est derrière le développement économique à travers sa contribution à l’industrialisation du pays. Et cela au moment où tout le monde sait que malgré des budgets militaires annuels dépassant parfois les 25 milliards de dollars, l’armée algérienne ne produit même pas un écrou.
Les généraux ont été également gavés de chiffres stratosphériques tout droit sortis de l’imagination d’Abdelmadjid Tebboune. Ainsi le Maroc n’aura qu’à bien se tenir puisque, l’Algérie va produire 10 millions de tonnes de phosphates par an, selon Tebboune.
Il promet également qu’en 2026, l’Algérie va devenir entièrement informatisée. Et ce certainement grâce à la manne imaginaire des 30 milliards de dollars récupérés chez la mafia des oligarques déchus. En somme, un tissu de propos creux dont on retiendra l’engagement de Tebboune à ne jamais lâcher le Sahara occidental… Même au prix d’un conflit armé avec le Maroc, est-on censé ajouter. Ce message a été reçu 5 sur 5 par l’auditoire en vert kaki.








