Remplacer Elon Musk, la gageure du futur nouveau patron de Twitter

Première apparition d'Elon Musk, qui porte un lavabo, au siège de Twitter, à San Francisco, quelques jours avant que sa prise de contrôle controversée de l'entreprise ne soit finalisée, le 26 octobre 2022.

Première apparition d'Elon Musk, qui porte un lavabo, au siège de Twitter, à San Francisco, quelques jours avant que sa prise de contrôle controversée de l'entreprise ne soit finalisée, le 26 octobre 2022. . @elonmusk / Twitter / AFP (Capture image vidéo)

Elon Musk a accepté de nommer, à la tête de Twitter, un successeur, dont la tâche s'annonce déjà très délicate, coincé entre les demandes du bouillant propriétaire et les attentes des annonceurs, régulateurs, créanciers et salariés.

Le 22/12/2022 à 07h30

Après près de deux jours de tergiversations, l'entrepreneur a accepté le verdict du sondage qu'il avait lancé dimanche sur son réseau social. Quelque 57% des 17 millions d'utilisateurs participants ont ainsi réclamé son départ.

«Je démissionnerai de la direction générale dès que j'aurai trouvé quelqu'un d'assez fou pour faire ce boulot!», a tweeté le quinquagénaire iconoclaste.

Elon Musk n'a encore jamais cédé, de son plein gré, les rênes d'une des nombreuses sociétés majeures qu'il a créées ou dont il a pris la direction ces trois dernières décennies.

Débarqué de sa propre entreprise X.com par le conseil d'administration en 2000, il est encore aujourd'hui à la tête, outre Twitter, de Tesla, SpaceX, Neuralink et The Boring Company.

Jeffrey Sonnenfeld, professeur à l'université Yale et spécialiste de gouvernance, le compare à Travis Kalanick (Uber), Adam Neumann (WeWork), voire à Steve Jobs «avant qu'il ne prenne un coup de pied au derrière» et soit renvoyé d'Apple, en 1985.

Des dirigeants, selon lui, devenus «renfermés sur eux-mêmes», incapables d'«écouter», «repoussant ce qui pourrait les aider».

Pour Ann Lipton, professeure de droit des affaires et d'entrepreneuriat à l'université Tulane, même si Elon Musk désigne un successeur, «il a des opinions très tranchées sur la façon de diriger Twitter», dont il restera l'actionnaire majoritaire.

«Donc tout nouveau patron pourrait avoir du mal à mettre en oeuvre sa propre vision», dit-elle. «Il travaillera probablement dans l'ombre de Musk, a fortiori dans la mesure où Musk veut rester dans l'entreprise.»

Le natif de Pretoria a ainsi indiqué que même une fois dénichée la perle rare, il s'occuperait encore «des équipes dédiées aux logiciels et aux serveurs».

Le milliardaire étant un utilisateur compulsif de la plateforme, Ann Lipton imagine la possibilité qu'il réponde à des sollicitations directes d'utilisateurs lui demandant de trancher certaines questions et fragilise ainsi son successeur.

«Un clone»Quant au profil du futur directeur général, «il lui faut quelqu'un qui réagisse de façon plus avisée et diplomatique aux regards extérieurs», estime Jeffrey Sonnenfeld. Or, pour l'universitaire, le problème est qu'Elon Musk «cherche un clone de lui-même et c'est exactement ce qu'il faut éviter».

Plusieurs médias américains ont évoqué les noms de l'investisseur Jason Calacanis et de l'ancien dirigeant de PayPal David Sacks, proches d'Elon Musk et, eux aussi, twittos patentés.

Ils faisaient partie de l'équipe resserrée qui a entouré le milliardaire durant la prise de contrôle de la plateforme et sont intervenus dans des décisions clefs, selon le Los Angeles Times.

Pour Jeffrey Sonnenfeld, plutôt que de piocher dans sa garde rapprochée, le deuxième homme le plus riche du monde doit aller chercher un dirigeant d'expérience, à l'aise dans la peau d'un personnage public et aux intuitions reconnues.

Il cite l'ancien patron de CNN, Jeff Zucker, ainsi que l'ex-directeur général de l'opérateur de téléphonie T-Mobile, John Legere. Ce dernier a fait acte de candidature, mi-novembre, mais Elon Musk a immédiatement écarté cette proposition.

Le successeur devra rassurer les régulateurs, qui s'inquiètent d'une moindre modération des contenus, les annonceurs, dont beaucoup ont pris leurs distances, mais aussi les créanciers du groupe, très endetté, ainsi que ses salariés.

Elon Musk a lui-même admis mercredi s'attendre à un chiffre d'affaires 2023 en baisse de plus de 40% par rapport à 2021.

Il assure que grâce aux mesures d'économie drastiques prises depuis fin octobre, notamment le licenciement d'environ la moitié des effectifs, «Twitter va s'en sortir, l'an prochain».

«La valeur de Twitter est en train de décroître rapidement», prévient néanmoins Jeffrey Sonnenfeld. «C'est un actif hautement périssable.»

Le 22/12/2022 à 07h30