Religieuses déjantées, amazones ethniques, androgynes excentriques: quelle figure de mode voulez-vous être?

Défilé Dior dans les Grandes Ecuries de Chantilly

Défilé Dior dans les Grandes Ecuries de Chantilly . DR

Les défilés croisière des grandes maisons de couture viennent de prendre fin. Une fois n’est pas coutume, c’est en France que s’est donné rendez-vous la planète mode pour faire défiler les nouvelles tendances. Show, paillettes et un zest de controverse…

Le 31/05/2018 à 12h16

Pour les non-initiés, les défilés "croisière" correspondent à une collection de prêt-à-porter présentée entre deux saisons, généralement dévoilée par les grandes griffes dans des lieux d'exception, à l'écart des circuits habituels des Fashion Weeks. Tour d’horizon en trois escales mode incontournables.

Les amazones mexicaines de Dior

Silhouettes de cavalières, dentelles et touche latino-américaine: Dior a investi le cadre prestigieux des Grandes Ecuries de Chantilly pour présenter vendredi soir un défilé "croisière" accompagné d'un numéro d'amazones mexicaines, qui ont dû braver une pluie battante.

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"Chantilly a beaucoup de références, c'est un haut-lieu de l'univers du cheval également célèbre pour sa dentelle", souligne la créatrice italienne, interrogée par l'AFP.

Deux éléments qui ont inspiré la collection: les cavalières de Dior sont coiffées de bombes en cuir, chaussées de bottes, vêtues de pantalons et de vestes matelassées. La dentelle connaît diverses déclinaisons, version cuir, en matières techniques ou plus traditionnelles.

Les femmes portent la cravate. La toile de Jouy, sur laquelle s'invitent des animaux sauvages, se taille un franc succès sur des pantalons, des vestes, des jupes à volants. Les broderies apportent une touche folklorique.

Les robes aux jupes volumineuses, serrées à la taille par de larges ceintures en cuir, et les chapeaux évoquent l'allure des "escaramuzas", cavalières mexicaines participant à la tradition équestre de la "charreada".

Vêtues pour l'occasion de robes Dior noires et blanches, coiffées de chapeaux à larges bords des mêmes couleurs, ces amazones sur des chevaux blancs ont fait une démonstration dans le manège qui servait de cadre au show, stoïques malgré la pluie battante, tout comme les mannequins qui ont défilé autour de la piste.

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"J'ai été fascinée en voyant les images de ces femmes, qui tiennent à garder leur féminité tout en faisant du rodéo", explique la créatrice. "Elles se maquillent, mettent du rouge à lèvres vif... C'est le message que je fais passer avec ma collection, cette idée qu'on peut être forte sans renoncer à sa féminité".

L’art excentrique de Louis Vuitton

Entre des sculptures et céramiques de Miro, dans l'écrin magique de la Fondation Maeght en Provence, Louis Vuitton a présenté lundi soir un défilé prônant les mélanges et l'excentricité.

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Située à proximité du village perché de Saint-Paul-de-Vence, fondée par les marchands d'art Aimé et Marguerite Maeght en 1964, elle abrite une importante collection de peintures, sculptures et oeuvres graphiques du XXe siècle (Balthus, Bonnard, Braque, Calder, Chagall, Giacometti, Léger...).

"Je voulais rendre hommage à cet endroit, que j'aime beaucoup, et à l'histoire des Maeght", a déclaré à l'AFP Nicolas Ghesquière, à la tête depuis 2013 de la direction artistique de Louis Vuitton, et qui vient de renouveler son contrat avec ce fleuron de LVMH.

"C'est vraiment l'endroit qui représente pour moi la genèse des fondations d'art, c'est une histoire d'amour entre une famille, des artistes, l'architecture", a expliqué le créateur, faisant un lien avec la fondation Louis Vuitton, inaugurée en 2014 au Bois de Boulogne à Paris.

Autre source d'inspiration pour Nicolas Ghesquière: la Britannique Grace Coddington, figure du monde de la mode à la chevelure rousse légendaire, dont il a voulu célébrer "l'excentricité".

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Cette même crinière flamboyante est arborée par plusieurs mannequins du défilé, dont les vêtements reflètent l'évolution du style, depuis les années 1970, de l'ex-directrice artistique du Vogue américain.

La collection de 59 silhouettes mêle masculin et féminin, avec des vestons et des vestes prince-de-Galles, elle associe les imprimés sans complexe, les pois et les rayures, juxtapose les motifs fleuris.

Les manches sont longues, les épaules souvent marquées, les jupes courtes. Pour marcher sereinement sur le gravier recouvrant le sol du "labyrinthe Miro", pas de talon, mais des cuissardes dotées de semelles épaisses et courbes, qui donnent des airs d'héroïnes de science-fiction.

"L'excentricité, c'est définir sa propre personnalité, c'est mélanger les choses d'une manière unique. Pour moi, Grace représente une forme d'excentricité, avec son style très affirmé", a commenté Nicolas Ghesquière.

Ancien mannequin dans le Londres des "swinging sixties" puis bras droit d'Anna Wintour au Vogue US, Grace Coddington, 77 ans, a créé pour cette collection une ligne d'accessoires sur lesquels ses illustrations de chats et de chiens se mêlent au fameux monogramme.

C'est aussi elle qui inspire la bande-son: des extraits de ses mémoires sont lus par l'actrice Jennifer Connelly, qui faisait partie des célébrités présentes au défilé, aux côtés notamment d'Emma Stone, Isabelle Huppert, Léa Seydoux.

La religiosité païenne de Gucci

Gucci fermait le bal des principaux défilés croisière, ces collections intermédiaires, présentées entre deux saisons de Fashion Weeks.

Cierges allumés dans la nuit, brume, cloches d'église qui résonnent... Une atmosphère empreinte de mystère et de religiosité régnait mercredi soir au défilé croisière de Gucci, qui avait choisi comme décor la promenade des Alyscamps à Arles, nécropole romaine classée.

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Théâtral, le show du directeur artistique Alessandro Michele, mêlant hommes et femmes, alliait dans un foisonnement créatif références catholiques, kitsch, punk, disco. Sur le sentier bordé de sarcophages, un sillon s'est enflammé pour signaler le début du défilé, comme un rituel moderne.

Commençait alors une procession baroque, dans laquelle se succédaient un étrange personnage à l'allure de fillette avec sa doudoune rose et ses collants vert anis, une madone à la coiffure en forme d'auréole égrenant un chapelet, une veuve à l'épaule dénudée portant des crucifix en pendentifs, une prêtresse aux cheveux ras et longue tunique à volants, des dandys aux vestes brodées, une rock star à pantalon zébré et pull à paillettes...

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Dans cette ambiance crépusculaire, le rose dominait la palette d'une collection où se télescopaient les époques.

Le show en plein air de cette griffe italienne phare du groupe Kering, auquel assistaient notamment le créateur arlésien Christian Lacroix et l'actrice Lou Doillon, a été suivi d'un petit concert d'Elton John.

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Par Zineb Ibnouzahir
Le 31/05/2018 à 12h16