Portrait. Badr Berrada, le "genius boy" casablancais qui fait des étincelles (virtuelles) à Londres

Badr Berrada, 24 ans, fondateur de BBN Times. 

Badr Berrada, 24 ans, fondateur de BBN Times.  . DR

Basée à Londres, BBN Times, une plateforme en ligne de partage du savoir, est LA start-up de l’année selon la London School of Economics. Le360 a rencontré Badr Berrada, 24 ans, son fondateur. Ce Marocain partage la connaissance des plus grands savants du monde entier. Un parcours exceptionnel.

Le 27/04/2019 à 10h17

C’est dans un café populaire, face à la mosquée Hassan II, que Le360 a rendez-vous avec Badr Berrada, jeune entrepreneur qui a aujourd’hui le vent en poupe, et à Londres, s’il vous plaît. Sirotant tranquillement son thé, il répond aux questions posées, un livre sur les techniques entrepreneuriales à la main.

Jeune, dynamique et passionné, Badr Berrada n’a que 24 ans, et a grandi à Casablanca. Il commence par révéler qu’il a «apprécié faire le tour des villages de l’arrière-pays» du royaume, découvrant les nuances des multiples coutumes marocaines, de Tanger à Dakhla, tout particulièrement dans le domaine culinaire.

Enfant, il se rappelle avoir «passé beaucoup de temps avec un oncle, ingénieur en électricité, à apprendre des langages informatiques et à programmer des petits robots en Lego».

«C’est une activité dont jamais je n’aurais soupçonné l’impact qu’elle a eu sur la personne que je suis aujourd’hui», se rémémore-t-il.

HTML, C++, Java: ces langages informatiques, traduisant un programme humain pour une machine, Badr Berrada les a appris, tout enfant, pour donner vie à ses jouets.

Et quelques années plus tard, «ces mêmes langages m’ont permis de créer BBN Times, sans aucun financement, et de doter la plateforme d’une intelligence artificielle (IA) pour gérer le site».

Son baccalauréat en poche, obtenu au lycée Léon l’Africain de Casablanca, ce mordu de nouvelles technologies s’envole pour Londres pour y poursuivre des études à la prestigieuse London School of Economics (LES), dans l’objectif d’obtenir un master en finances.

Une voie certes royale, mais aussi raisonnable, pour laquelle il ne porte, a priori, aucun intérêt.

A Londres, Badr Berrada, «grand fan» du Wydad, l’équipe des Rouges de Casablanca, et habitué des derbies du stade Mohammed V, continue de vivre sa passion du football, mais à l’Emirate Stadium, cette fois-ci, antre des Gunners.

Mais plus intéressant pour la suite des évènements, il s’immerge entièrement dans son autre passion, et assiste à des conférences sur la FinTech , soit les technologies appliquées à la finance, la blockchain et l’intelligence artificielle. Badr Berrada explique qu’il a «retrouvé [sa] créativité d’enfance en écoutant le savoir de ces conférenciers».

«Je suis rentré au Maroc, dès que j’ai eu mon diplôme», annonce-t-il. Il devient alors d’abord trader, auprès d'une banque sur le boulevard Abdelmoumen, mais abandonne son poste au bout de quatre mois seulement. Pour quelle raison? «Après avoir commencé, je me suis aperçu que ce métier ne ferait pas long feu. Le trading est voué à être robotisé», explique-t-il. Et il a raison: l’automatisation de certains gestes humains, et les techniques appliquées de l’intelligence artificielle seront à même de réaliser certains métiers dans un très proche avenir. Des millions d’emplois sont même actuellement en jeu.

Badr Berrada n’est donc plus trader, mais que va-t-il faire de sa vie? Il confie qu’il était alors face à deux choix: «soit continuer à travailler en tant que trader», jusqu’au jour où il serait «remplacé par un logiciel plus performant», soit «redéfinir [ses] objectifs de carrière».

Baignant comme tout jeune homme de sa génération, et peut-être un peu plus que la moyenne, dans un monde où les technologies font partie de son quotidien, Badr Berrada se décide courageusement pour la seconde option. Et surtout, il comprend sa voie: «aider les gens à comprendre l’utilité des nouvelles technologies et leur inspirer de nouvelles idées».

Avide d’en apprendre davantage et de partager ce qu’il a appris dès l’enfance, le jeune Badr décide de lancer une start-up «éducative» et «informationnelle» en ligne, dont l’accès sera totalement gratuit.

«Je me suis chargé de coder le site, lancé en mai 2017, avant de développer, dès janvier 2018, l’application mobile. Mais c’est en septembre 2018 que j’ai donné à BBN sa signature: le code automatisant la totalité de la plateforme».

Réalisée grâce au Machine Learning, notre brillant entrepreneur nous explique qu’elle consiste à «rédiger un code permettant à l’algorithme d’assimiler les informations qui y sont injectées afin de les utiliser pour effectuer diverses taches».

Exit tout éditeur ou correcteur, les billets qui y sont déposés par ses contributeurs sont traités par l’intelligence artificielle, laquelle s’assure de l’exactitude de toutes les informations, et effectue même des corrections.

Le tournant est bel et bien là. Et aujourd’hui, à peine quelques mois après sa création, BBN Times est, selon les dires de son fondateur, une plateforme virtuelle éducative gratuite, exclusivement anglophone pour le moment, réunissant 150 spécialistes. Des Américains, des Britanniques mais aussi des Français, des Indiens et des Canadiens y partagent, en toute gratuité, leur savoir et leurs travaux de recherches.

Parmi ces gourous de la connaissance, Erich Reimer, un consultant financier à Washington DC, John Nosta, un expert international en technologies appliquées à la santé, Daniel Lacalle, classé investisseur particulier n°1 en gaz et pétrole par Thomson Reuters en 2011, Huiwen Wu (fondatrice de WeClustr) ou encore Brett King (vice-conseiller de l’administration Obama en FinTech).

BBN Times, c’est désormais 4 millions de visite par mois, 500.000 abonnés sur Facebook et 140.000 sur LinkedIn.

Mieux encore, ses publications sont partagés par le Massachusetts Institute of Technology de Boston, l’Université de Pennsylvanie de New York ou encore l’ESSEC Business School de Paris.

«Je retourne souvent au campus de la London School of Economics, où je côtoie d’autres jeunes entrepreneurs», confie fièrement Badr Berrada.

Et à Londres, lors de workshops et de masterclass, «j’ai des retours critiques qui me permettent d’améliorer sans cesse BBN Times».

Si la fierté et l’humilité sont perceptibles dans son regard, Badr Berrada reste sceptique en ce qui concerne les développements que connaîtront les applications de l’intelligence artificielle, et il est persuadé que celle-ci «a un si grand potentiel que sans encadrement, l’humanité ne serait rien d’autre qu’un obstacle sur son chemin».

Loin d’être défaitiste, ce genius boy marocain entend développer sa plateforme en plusieurs langues, pour que ses articles soient accessibles à plus de personnes et dépassent ainsi la barrière anglophone. Pour l’heure, l’intelligence artificielle qui lui a permis de développer BBN Times est à son service.

Mais comment la machine pourra-t-elle, un jour, prendre le pas sur l’homme? La science-fiction est décidément déjà à nos portes, et les récits glaçants d'Isaac Azimov ne sont vraiment plus très loin… Dans tous les cas, Badr Berrada, jeune Casablancais, a déjà tracé son chemin. Une source de fierté pour le royaume.

Par Oussama El Bakkali
Le 27/04/2019 à 10h17