Dans une récente sortie médiatique, le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, a fait une déclaration pour le moins surprenante. «Vous parlez de quel lit de réanimation? Ni le lit de réanimation ni le respirateur marocain ne sont encore homologués à ce jour. Il faudrait qu’on éclaircisse la situation», a-t-il alors lancé.
Ces propos ont suscité une vive réaction sur les réseaux sociaux, surtout après la diffusion d’une vidéo montrant Aït Taleb émerveillé par la qualité de ce respirateur à 100% marocain, développé par un collectif de chercheurs et d'ingénieurs composé d’une quinzaine d’entreprises opérant dans les secteurs de l’ingénierie, de l’aéronautique, de l’automobile et de l’électronique.
«Franchement, je suis ému. Aujourd’hui, nous assistons quand même à des prouesses du fait de la solidarité marocaine. En peu de temps, le respirateur marocain a connu une amélioration incroyable, pour qu’il soit utilisé demain sur le terrain. C’est un respirateur qui s’adapte avec le patient. Les réanimateurs sont là pour le certifier, l’homologuer, le valider et le tester. Demain, il sera utilisé. Je demanderais à ces potentialités d’encourager la production marocaine. C’est une opportunité de pouvoir l’utiliser dans le domaine de la réanimation. Je vous dis merci beaucoup. Vous êtes la fierté de la nation», s'était exclamé le ministre lors d’une visite de l’usine SERMP (membre du collectif), en présence du ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy et d’un groupe de médecins et de réanimateurs.
Dans un précédent article, publié samedi 22 août dernier, sur la base de témoignages recueillis auprès des différentes parties prenantes, Le360 avait pointé du doigt les nombreuses complications administratives à l’origine du retard de livraison d’un premier lot de 400 respirateurs, commandés par le ministère de la Santé, fabriqués par le consortium SERMP-Aviarail. Ces deux opérateurs constituent le noyau dur du collectif fédéré autour de ce projet.
La chronologie des faits, révélée par notre article, a montré l'immense labyrinthe bureaucratique des services du ministère de la Santé auquel les promoteurs du projet ont été confrontés. Une situation inextricable dans laquelle ils se sont retrouvés empêtrés, alors même que le Maroc connaît depuis quelques mois une sévère remontée des cas de Covid-19, les professionnels de la santé n’excluant pas une saturation des unités de réanimation et de soins intensifs, accompagnée d’une pénurie d’équipements médicaux, dont des respirateurs.
Suite à cela, dans une note parvenue à la rédaction, le mardi 25 août dernier, le ministère de la Santé a fait part de sa mobilisation pour encourager la fabrication locale de respirateurs artificiels.
«A la lumière de l’évolution de la situation sanitaire au Maroc et croyant à l’importance de ce sujet, le ministère de la Santé accompagne la société qui fabrique le respirateur artificiel afin de pouvoir le mettre en service tout en s’assurant qu’il sera sûr, performant et de qualité, et procéder à son enregistrement comme dispositif médical», précise cette note.
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A cet effet, poursuit le document, la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP) a recommandé, après vérification des documents fournis par le fabricant de:
1- déclarer la société en tant qu’établissement de fabrication de dispositifs médicaux;
2- produire une déclaration de conformité du produit selon les normes exigées;
3- préciser le fabricant légal du dispositif médical et les sous-traitants (contrat de sous-traitance);
4- documenter le procédé de fabrication et les contrôles entretenus en amont et en aval (Tests de validation et contrôles de libération);
5- fournir une documentation technique incluant essentiellement:
• une investigation clinique sur le respirateur démontrant la sécurité et l’efficacité du dispositif;
• les spécifications de la matière première et ses origines;• les rapports de validation des procédures et les équipements des locaux• les procédés de stérilisation et le rapport de validation;
6- s’engager pour une certification ISO 13485 ou une norme garantissant le respect des bonnes pratiques de fabrication;
7- préparer un projet d’étiquetage du dispositif médical.
Cette même note indique que les services du ministère de la Santé, chargés de l’enregistrement des dispositifs médicaux, n’ont alors reçu aucune demande officielle d’obtention de certificat d’enregistrement de ce dispositif.
«Seuls des documents présentant le produit et des essais précliniques sur l’animal (une seule brebis) ont été transmis par e-mail», souligne-t-on du côté du département ministériel dirigé par Khalid Aït Taleb.
Plus de cinq mois après la visite de Khalid Aït Taleb, le respirateur à 100% marocain n’a toujours pas reçu l’homologation du ministère de la Santé.
A ce jour, le consortium SERMP/Aviarail indique avoir dépensé 8,1 millions de dirhams pour la réalisation de ce projet qui, faut-il le rappeler, ne revêt nullement un caractère lucratif. Les dirigeants de SERMP et Aviarail ont en effet à maintes reprises affirmé que les respirateurs seront proposés à prix coûtant.