Dans sa lettre de cadrage du projet de loi de finances 2021 adressée aux départements ministériels, le chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani les a appelé à rationaliser au maximum leurs dépenses de fonctionnement.
Recours aux énergies renouvelables et aux technologies d'efficacité énergétique, réduction des dépenses liées à l'organisation de cérémonies, conférences et séminaires, ainsi que les dépenses liées à l'acquisition de voitures, et à l'équipement des sièges administratifs, réduction des dépenses dédiées aux études, etc.: l’administration est invitée à se serrer la ceinture, et à réduire son train de vie.
Il faut dire que la crise économique induite par la pandémie de coronavirus a considérablement détérioré les équilibres macroéconomiques du Maroc. Les dépenses budgétaires ont explosé, afin d’atténuer le choc économique et social, alors que dans le même temps, les recettes, notamment fiscales, sont en en baisse substantielle.
A fin juillet 2020, le déficit budgétaire s’est déjà envolé à 41,5 milliards de dirhams, se creusant de 12,8 milliards de dirhams par rapport au mois précédent. Sans le Fonds spécial covid-19, le déficit aurait été encore plus prononcé.
Pour financer la relance, l’Etat compte s’endetter davantage, à travers notamment une émission obligataire en devise, programmée en septembre. Selon Bloomberg, le Maroc pourrait lever jusqu’à 2 milliards de dollars sur les marchés internationaux, pour faire face aux effets de la crise du coronavirus.
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Au final, le déficit budgétaire devrait doubler d’ici la fin de l’année, pour atteindre 7,5% du PIB, tandis que la dette du Trésor culminerait à plus de 75% du PIB (contre 65% en 2019), plus de 90% pour la dette publique, des niveaux d’endettement à la limite du soutenable pour un pays comme le Maroc.
Une marge de manœuvre très réduiteDans ce contexte, la réduction des dépenses superflues apparaît comme une impérieuse nécessité pour l’Etat. Mais en est-il seulement capable? L’histoire récente nous permet d’en douter: toutes les lettres de cadrage de ces dernières années, sans exception, ont insisté sur la nécessité de réduire les dépenses de l’administration, sans résultats probants.
En réalité, la structure même des dépenses budgétaires au Maroc ne laisse que peu de marge de manœuvres pour réaliser des économies substantielles. La structure des dépenses publiques marocaines fait en effet ressortir l’importance des dépenses de fonctionnement, elles-mêmes dominées par les dépenses liées à la rémunération du personnel.
Ainsi, sur les 244 milliards de dirhams de dépenses ordinaires prévues par la loi de finances rectificative 2020, plus de 215 milliards de dirhams iront aux dépenses de fonctionnement, dont 135 milliards seront dédiés aux dépenses du personnel. En d’autres termes, près de 55% des dépenses ordinaires de l’Etat sont absorbés par les dépenses du personnel, qui sont, par définition, incompressibles. Rappelons que le ratio «masse salariale des fonctionnaires/PIB» atteint près de 12% au Maroc, ce qui en fait l’un des taux les plus élevés parmi les pays ayant un niveau de développement comparable.
Le reste des dépenses ordinaires est reparti principalement entre les dépenses de matériels (46 milliards de dirhams), les charges communes de fonctionnement dont essentiellement les charges de compensation (24 milliards de dirhams), et la charge des intérêts de la dette (29 milliards de dirhams).
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Au final, l’Etat ne peut véritablement agir que sur les dépenses de matériels. Celles-ci sont d’ailleurs attendues en baisse de 4,39% en 2020, par rapport à ce qui était prévu initialement dans la loi de finances 2020, ce qui représente une économie d’un peu plus de 2 milliards de dirhams. Une baisse louable mais très largement insuffisante, si l’on garde à l’esprit que, dans le même temps, les recettes ordinaires devraient baisser de 17,4% (-44 milliards de dirhams) par rapport à ce qui était prévu dans la loi de finances 2020.
Pour les économistes, cette rigidité à la baisse de certaines dépenses constitue une véritable problématique structurelle du budget de l’Etat qui est difficilement surmontable à court terme. Pour ces raisons, malgré toute la bonne volonté du monde, l’Etat ne pourra réduire substantiellement ses dépenses.
Pour que la dépense publique (hors investissement) s’inscrive durablement dans une trajectoire baissière, il est nécessaire que l’administration, pléthorique et peu efficace, soit réformée en profondeur, en agissant en priorité sur la modernisation du système de gestion des ressources humaines. Une réforme que le roi Mohammed VI avait appelé de ses vœux lors de son discours à l’ouverture du Parlement en octobre 2016, mais qui tarde à voir le jour.
Le département que dirige Mohamed Benchaâboun, qui outre l’Economie et les Finances, s’est vu confier celui de la Réforme de l’administration, semble déterminé à agir dès 2021 dans ce sens. Mais les effets positifs d’une telle réforme ne se feront sentir qu’à moyen et long terme. Il faudra donc encore se montrer patient avant de voir une administration frugale et efficace, qui dépense moins et mieux.