Le projet de loi de finances 2026 prévoit une révision sélective des droits d’importation pour protéger l’industrie nationale. Les hausses concernent notamment les étoffes jacquards, les monofilaments, la résine PVC, les machines à laver et les congélateurs, avec des taux pouvant atteindre 30%.
À l’inverse, les droits sur certains intrants industriels, comme les canettes en fer blanc, les profilés en aluminium ou les composants de machines à laver seront réduits pour soutenir la production locale. Les panneaux photovoltaïques verront leur taux porté à 10%, dans une logique d’équilibre entre développement industriel et protection du marché intérieur.
Afin d’analyser la portée de ces dispositions, nous avons recueilli l’éclairage de l’économiste Mohammed Jadri.
Le360: Dans quelle mesure ces ajustements permettront-ils de protéger l’industrie nationale?
Mohammed Jadri: Les ajustements du tarif des droits d’importation prévus dans le projet de loi de finances 2026 s’inscrivent dans une démarche cohérente de soutien à l’industrie nationale. L’objectif est de corriger certains déséquilibres entre la production locale et les importations massives, souvent à bas coût, qui fragilisent plusieurs filières.
En augmentant les droits sur des produits finis comme les machines à laver, les congélateurs ou encore les étoffes de bonneterie, le gouvernement cherche à redonner de la compétitivité aux fabricants marocains et à encourager l’investissement local.
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Parallèlement, la baisse des droits sur certains intrants industriels, comme les profilés en aluminium ou les boîtes métalliques, vise à alléger les coûts de production et à favoriser la création de valeur ajoutée au Maroc plutôt que l’importation de produits finis.
Ces mesures traduisent une logique de protection ciblée: protéger sans fermer le marché, tout en stimulant la production nationale. C’est une approche équilibrée entre ouverture économique et souveraineté industrielle.
Faut-il aller plus loin dans la protection douanière?
La protection douanière est nécessaire, mais elle doit être pensée avec prudence et cohérence. Relever certains droits d’importation peut être une mesure utile à court terme, surtout dans les secteurs où la concurrence étrangère est déloyale ou déséquilibrée. Cependant, pour qu’elle soit efficace, cette mesure doit s’accompagner d’une politique industrielle intégrée.
«La protection douanière est nécessaire, mais elle doit être pensée avec prudence et cohérence»
— Mohammed Jadri.
Cela suppose un accompagnement des entreprises marocaines à travers des programmes d’investissement, de formation et d’innovation, mais aussi une vigilance accrue contre la sous-facturation, la contrefaçon et la contrebande.
La protection tarifaire ne doit pas être perçue comme une fin en soi, mais comme un instrument temporaire au service du développement industriel. L’enjeu n’est pas seulement de protéger, mais surtout de permettre à nos entreprises de devenir compétitives, performantes et capables d’exporter.
L’industrie nationale est-elle aujourd’hui suffisamment protégée?
Il faut reconnaître que plusieurs filières industrielles marocaines ne bénéficient pas encore d’un niveau de protection suffisant face à la concurrence étrangère.
Le textile, le PVC, le bois, les produits sidérurgiques ou encore les cahiers scolaires sont des exemples de secteurs exposés à des importations massives, souvent à des prix inférieurs aux coûts de production locaux.
Cette situation fragilise les petites et moyennes entreprises et limite leur capacité à investir ou à créer de l’emploi.
«Plusieurs filières industrielles marocaines ne bénéficient pas encore d’un niveau de protection suffisant face à la concurrence étrangère»
— Mohammed Jadri.
Pour renforcer la souveraineté industrielle du Maroc, il est essentiel d’agir sur plusieurs leviers à la fois: une politique douanière plus réactive et sélective, un soutien accru à la production locale à travers la commande publique et les incitations à l’investissement, et enfin une diplomatie économique plus active pour défendre les intérêts de nos producteurs sur les marchés internationaux.
Le Maroc a les compétences, les infrastructures et les ressources humaines nécessaires pour relever ce défi, à condition que la politique industrielle reste cohérente, stable et tournée vers la compétitivité.








