L’accès des Marocaines au marché de l’emploi est en baisse continue depuis plusieurs années. Selon les dernières statistiques du Haut-commissariat au plan (HCP), le taux d’activité des femmes dans le Royaume ne dépassait pas les 19,8% à fin 2022. Dans une récente étude, la Banque mondiale a analysé cette situation «étonnante», qui constitue un grand manque à gagner pour l’économie marocaine.
«Quand on regarde le niveau de fertilité au Maroc, le niveau d’éducation des jeunes, le PIB par personne, on s’attend à un taux d’employabilité des femmes beaucoup plus élevé, mais on constate, dans les faits, que ce taux est très faible, ce qui est le cas dans la région en général», a souligné Federica Marzo, économiste en chef au bureau de la Banque mondiale à Rabat, dans une interview pour Le360.
Selon l’experte, si la moitié de la population en âge de travailler est exclue de la production, alors la moitié des talents marocains ne sont pas mis à profit. «L’employabilité des femmes augmente aussi la productivité, la consommation et, donc, la croissance. Quand le revenu des familles augmente, les enfants ont un meilleur accès à l’éducation et à la santé», a-t-elle élaboré.
Le Maroc doit ainsi relever une série de défis pour faire du marché du travail un moteur du développement et de la croissance économique, à commencer par la création d’emplois plus nombreux, meilleurs et inclusifs.
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En effet, explique Federica Marzo, le premier obstacle à l’employabilité des femmes au Maroc réside dans l’incapacité de l’économie à générer des emplois de qualité à la hauteur du nombre de demandeurs, notamment pour les jeunes qui accèdent pour la première fois au marché du travail.
Le deuxième obstacle est le manque d’assistance à l’enfance. L’économiste explique qu’il existe une forte corrélation entre la participation des femmes et des mères au marché du travail et la possibilité de laisser les enfants dans un environnement sûr et de qualité. Il est également question d’améliorer la qualité des transports afin de faciliter la mobilité des femmes et des travailleurs en général.
«Nous avons relevé un réel manque de services pour la garde des enfants, de la naissance à l’âge de trois ans, ce qui empêche plusieurs femmes d’aller travailler. Il faut davantage de crèches adaptées pour accueillir et garder les enfants en très bas âge, ce qui contribuera par ailleurs à leur développement cognitif», souligne Federica Marzo.
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Pour ce qui est du cadre légal, elle estime que le Maroc a fait énormément de progrès au cours des dernières années pour réformer sa réglementation dans une démarche antidiscriminatoire. Cependant, l’application de ces lois tarde encore à se concrétiser.
Les normes sociales sont également un facteur déterminant pour l’employabilité des femmes au Maroc, car elles «limitent», selon Federica Marzo, les choix des femmes de participer, ou pas, au marché du travail. «Il faut améliorer l’accès des femmes à la justice, renforcer l’inclusion financière et encourager l’entrepreneuriat. Les conclusions de l’enquête d’entreprises de la Banque mondiale montrent que seuls 16% des chefs d’entreprises au Maroc sont des femmes», conclut-elle.