Les entreprises marocaines, sutout les plus petites d'entre elles, sont plus que jamais confrontées à la problématique de l’allongement des délais de paiement, et la pandémie n’a pas arrangé la situation.
Selon une étude du cabinet Inforisk, spécialiste du renseignement commercial sur les sociétés marocaines, les délais de paiement des clients (délais clients) se sont fortement allongés entre 2019 et 2020, et la TPE est la catégorie d’entreprises qui en pâtit le plus: +66 jours entre 2019 et 2020 pour atteindre un niveau record de 279 jours en 2020. Entre 2018 et 2020, ces mêmes délais se sont très nettement dégradés, avec une hausse de 84 jours sur 2 ans.
Dans le même temps, à cause de leur faible pouvoir de négociation, les TPE ne parviennent pas à répercuter entièrement la hausse des délais clients sur les délais fournisseurs. En effet, la hausse des délais fournisseurs n’a été que de 39 jours en 2020. Résultat: les TPE paient leurs fournisseurs 133 jours (soit 4,3 mois) avant d’être payée elle-même, souligne l’étude réalisée auprès d’un échantillon de 27.381 entreprises représentant divers secteurs d’activité.
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Pour les PME (Petites et moyennes entreprises), la situation est un moins alarmante. Entre 2019 et 2020, les délais de paiement de cette catégorie d’entreprises ont augmenté de 12 jours pour atteindre 129 jours. Depuis 2013, constate Inforisk, les délais clients n’ont augmenté que de 25 jours.
En parallèle, les PME ont réussi à totalement répercuter la hausse de leurs délais clients, en payant plus tardivement leurs fournisseurs. En effet, celles-ci ont payé leurs fournisseurs à 115 jours en 2020, soit 13 jours de plus qu’en 2019.
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En ce qui concerne les grandes entreprises (GE), la situation est tout autre. Les délais clients se sont améliorés en 2020, atteignant 95 jours, en baisse de 2 jours par rapport à 2019. Les auteurs de l’étude évoquent à ce titre le «paradoxe des GE qui voient leurs délais de paiement s’améliorer en pleine crise Covid-19».
Mieux encore, les GE ont réussi à augmenter les délais fournisseurs de 3 jours sur la période, pour atteindre 98 jours. «En clair, souligne-t-on chez Inforisk, et contrairement aux autres catégories d’entreprises, les GE payent plus tardivement leurs fournisseurs qu’elles ne sont payées par leurs clients, tout cela avec un impact positif sur leur trésorerie. Cela s’explique par un rapport de force favorable et d’une puissance de négociation qui leur permettent d’imposer leurs conditions aux partenaires commerciaux».
Au niveau sectoriel, l’étude relève que les secteurs des services aux entreprises, de la construction et du commerce sont les plus touchés par l’allongement des délais de paiement en 2020, avec des hausses respectives de 58 jours, 50 jours et 40 jours.
372 milliards de dirhams de crédit inter-entreprises privéesDans ce contexte, le crédit inter-entreprises privées demeure l’une des principales sources de financement des opérateurs économiques au Maroc avec un montant cumulé de 372 milliards de dirhams en 2020, soit un niveau très proche de celui du crédit bancaire (384,9 milliards de dirhams).
Toutefois, fait remarquer Inforisk, pour la première fois depuis 2012, le montant du crédit inter-entreprises privées est passé légèrement en-dessous du crédit bancaire. Plusieurs causes sont avancées dans l’étude pour expliquer cette tendance, dont la baisse des transactions interentreprises en 2020 du fait de la crise, ou encore les offres Damane Relance et Oxygène mis en place par l’Etat pour appuyer la trésorerie des entreprises durant la crise, et qui ont permis d’injecter des liquidités dans le circuit… Au total, rappelle l’étude, 53 milliards dirhams ont été distribués aux entreprises via Damane Oxygène et Relance en 2020.
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Pour situer la performance des entreprises marocaines en matière de délais de paiement, Inforisk a réalisé un benchmark à l’international, en comparant le Maroc avec une quarantaine de pays dans le monde, notamment des pays comparables au Royaume comme l’Egypte, la Roumanie, la Bulgarie, etc. Et les résultats sont peu reluisants.
En effet, en ce qui concerne le pourcentage de paiements à l’heure, le Maroc est mal classé, avec un taux de 26% seulement. Autrement dit, 74% des entreprises marocaines dépassent les délais légaux fixés par la loi relative aux délais de paiement. Les entreprises marocaines font mieux toutefois que celles des pays comme la Roumanie (13%), Israël (16%), le Portugal (16%) et la Grèce (23%).
Pour ce qui est des paiements qui ont plus de 90 jours de retard, le Maroc est tout simplement en queue de peloton mondial, avec un taux de 32%. Cela signifie que près du quart des entreprises marocaines dépasse de 90 jours les délais légaux de paiement.
Il faut noter pour finir que le gouvernement a élaboré un texte de loi pour résoudre durablement la problématique des délais de paiements. Déposé fin décembre 2021 par le ministère de l’Industrie et du Commerce au Secrétariat général du gouvernement (SGG) pour consultations, ce texte permettra l’introduction d'un dispositif de sanctions pécuniaires à l'encontre des entreprises dépassant les délais de paiement légaux.