L’agonie des oliveraies. Avec des coûts de production en flèche et une sécheresse persistante, la filière vacille

Les effets de la sécheresse sont visibles sur les arbres dénudés dans les oliveraies de la commune de Loudaya. (M.Marfouk/Le360)

Le 26/08/2024 à 18h47

VidéoAu Maroc, la filière oléicole va mal. En cause: six années de sécheresse, un climat de plus en plus inexorable et des coûts de production qui explosent. Décryptage.

«Ça va être une année très difficile», annonce d’emblée Rachid Benali, président de la Fédération interprofessionnelle marocaine de l’olive (Interolive). Que ce soit à Marrakech, Azilal ou Meknès, là où s’étendaient à perte de vue des oliveraies luxuriantes, c’est désormais un paysage de désolation qui domine. Les arbres, qui croulaient sous les olives, se tiennent maintenant, dépouillés et squelettiques, sur une terre fissurée. Des feuilles mortes jonchent le sol, emportées par un vent chaud et sec qui ne fait qu’aggraver la scène de dévastation.

Et les rares fruits qui pendent encore aux branches sont flétris, brûlés par un soleil devenu l’ennemi des cultures. Il n’y a presque plus de vie ici, seulement le silence brisé par le craquement sinistre des branches sous la brise. Selon Rachid Benali, la production d’huile d’olive au Maroc est confrontée à une crise d’une ampleur inédite, marquée par une baisse significative de la production et une hausse significative des prix pour les consommateurs. Mais ce sont surtout les agriculteurs qui en paient le prix fort. Leurs espoirs, autrefois aussi solides que ces oliviers, s’étiolent à mesure que les jours passent, sans pluie, sans répit.

«Après six années consécutives de sécheresse, cette année s’annonce comme l’une des pires pour la production d’huile d’olive au Maroc. Les surfaces plantées souffrent énormément. Les provinces de Marrakech, Azilal, Meknès et bien d’autres voient leurs oliviers dépérir sous l’effet conjugué du manque d’eau et de la chaleur excessive», fait-il savoir.

La situation est plus qu’alarmante. «L’olivier a toujours supporté les aléas climatiques, mais pas à ce point», déplore Rachid Benali. Cette année, la conjonction de trois facteurs a provoqué une chute catastrophique de la production. D’abord, le manque d’eau, tant pour l’irrigation que pour la pluie, a sévèrement affecté les oliveraies. Ensuite, un déficit d’heures de froid en début d’année a empêché une floraison optimale des arbres. Enfin, des pics de chaleur à partir du mois de mai ont causé des dommages irréparables aux fleurs et aux jeunes fruits. «Ces trois facteurs ont conduit à une chute drastique de la production», résume-t-il.

L’effet domino de cette crise est dévastateur. Les coûts de production ont explosé, étranglant un peu plus les agriculteurs déjà à bout de souffle. «Que ce soit pour les petits, moyens ou grands opérateurs, tous font face à un problème commun: le coût de production. Chaque année, ces tarifs augmentent, et cette année, la situation est encore plus critique, notamment en raison de la hausse des prix des intrants. Certes, l’initiative royale a permis d’alléger le coût des engrais azotés, mais pour le reste, les coûts demeurent extrêmement élevés. Les charges fixes, comme les frais de location à l’hectare, restent les mêmes», explique-t-il.

Pire: les conditions d’irrigation se sont considérablement détériorées. «Au lieu d’irriguer pendant quatre ou cinq mois comme à l’accoutumée, les agriculteurs ont dû irriguer pendant huit mois en raison du manque de pluie. Ce qui a considérablement augmenté les coûts. Par exemple, ceux qui pompaient de l’eau à 100 mètres de profondeur doivent maintenant la puiser à 200 mètres, ce qui a triplé les coûts énergétiques», note ce professionnel.

Le rendement et la viabilité de certaines parcelles en péril

Le coût de la récolte a également explosé. «Habituellement, un ouvrier est payé à la tâche, mais la baisse drastique des rendements par arbre fait que la récolte coûte beaucoup plus cher. Alors qu’on payait entre 1,2 et 1,5 dirham le kilo récolté, ce coût est désormais monté à plus de 3 dirhams le kilo, car les ouvriers, confrontés à une récolte beaucoup plus difficile, doivent être rémunérés davantage pour compenser la baisse de productivité. Cette augmentation des coûts, combinée à la chute de la production, met en péril la viabilité économique de nombreuses exploitations», déplore notre interlocuteur.

Face à cette situation critique, l’importation d’huile d’olive semble inévitable pour atténuer la hausse des prix sur le marché. «On est obligé d’importer de l’huile d’olive», admet Rachid Benali. Mais même cela ne suffira pas à sauver un secteur au bord de l’effondrement. Les oliveraies ne sont plus désormais qu’un champ de bataille où se joue la survie des agriculteurs.

(M.Marfouk/Le360)

Par Hajar Kharroubi
Le 26/08/2024 à 18h47