Près de 20 ans après avoir été érigés en choix stratégique, le développement et la diversification du tissu industriel du Maroc ont encore un long chemin à parcourir.
Cette orientation a certes réalisé une partie des résultats attendus, notamment sur le plan commercial, mais certains objectifs n’ont pas encore été atteints, comme en témoigne le bilan des réalisations des métiers mondiaux du Maroc (MMM), désignés comme tels dans le cadre de la stratégie industrielle du pays.
Le décalage entre les performances globales de ces MMM (automobile, aéronautique, électronique, textile et cuir, agroalimentaire et offshoring) et les objectifs qui leur sont assignés concerne principalement la création de richesse et d’emploi.
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Ainsi, selon les données du Haut-Commissariat au plan (HCP), la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière n’a progressé que de 1,8% en moyenne annuelle entre 2014 et 2023 et sa part dans le PIB a reculé, au cours de la même période, passant de 15,3% à 14,5% contre un objectif de 23% en 2020 initialement visé dans le cadre du Plan d’accélération industrielle (PAI).
En ce qui concerne l’emploi, les créations nettes au niveau du secteur industriel sont d’environ 8.000 nouveaux postes annuellement, soit au total de 71.000 sur toute la période. Ce qui est loin des objectifs fixés dans le PAI 2014-2020 (500.000 emplois) et du plan de relance industrielle 2021-2023 (de 50.000 à 100.000 emplois).
Pourquoi un tel écart entre les objectifs et les réalisations pour les métiers mondiaux du Maroc? Pour l’économiste Mehdi Lahlou, la cause réside en grande partie dans le capital humain et la recherche & développement (R&D).
Une valeur ajoutée marginale
Avec un système éducatif aussi faible qui ne génère pas assez de compétences et un niveau d’investissement dans la R&D très limité, de l’ordre de 0,70% du PIB, il ne peut pas en être autrement, martèle-t-il, pointant également du doigt la fuite des cerveaux. Et même quand on fait de la R&D, ce n’est pas, dans une partie des cas, en lien avec ce qui se fait à l’international, ajoute-t-il.
L’économiste attribue également le gap entre les objectifs et les réalisations des MMM à leur positionnement sur des créneaux à faible valeur ajoutée. Ce qui nécessite une montée en gamme pour passer de la logique de la réception des commandes de la part des donneurs d’ordres (sous-traitance) à la fabrication de produits plus élaborés avec plus de valeur ajoutée, insiste-t-il.
«Si on ne maitrise pas la fabrication des équipements lourds qui entrent dans le cœur du produit (tels les moteurs, les boites à vitesse, les batteries pour l’industrie automobile, par exemple), on va continuer à produire une valeur ajoutée marginale», souligne-t-il.
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S’agissant du secteur du textile, Mehdi Lahlou estime que les professionnels ont raté l’aubaine offerte par la mondialisation. En fait, explique-t-il, ils n’ont pas saisi l’occasion d’accompagner les marchés européens, contrairement à leurs concurrents, notamment de la Turquie, de l’île Maurice et de l’Égypte. Ils n’ont pas créé des écosystèmes qui leur permettront de profiter du potentiel qu’offrent ces marchés, précise-t-il.
En ce qui concerne l’industrie agroalimentaire, l’économiste relève qu’une bonne partie des produits agricoles est exportée en l’état, sans transformation. Une donne qu’il attribue à plusieurs facteurs. Il s’agit notamment, explique-t-il, de la politique agricole qui ne favorise pas le développement de cette industrie.
Cette industrie fait également face, poursuit-il, à une faiblesse de l’engagement des professionnels, des difficultés qui marquent les chaines de transport, le manque d’incitation de la part des pouvoirs publics, l’insuffisance de la R&D.