Après les 12 rencontres tenues au niveau des différentes régions du Royaume, Fatima Ezzahra El Mansouri, ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville s’est rendu, jeudi 29 septembre 2022, à la Chambre des représentants pour exposer en détail d’état des lieux du secteur devant les membres de la commission de l’intérieur, des collectivités territoriales, de l’habitat et de la politique de la ville.
Insuffisance et inadéquation de l’offre en logement, injustice territoriale, rigidité du cadre légal, lenteur et complexité des procédures administratives…. Les écueils auxquels fait face le secteur sont trop nombreux pour être tous cités, alors que l’impact est ressenti directement chez la classe moyenne. Une situation qui interpelle l’ensemble des acteurs, et plus particulièrement le ministère de tutelle, d’où l’organisation de ces concertations.
Une offre en logement «insuffisante» et «inadéquate»Selon les estimations de 2021 partagées par la ministre, la demande en logement est estimée à 2 millions d’unités, dont 1,4 million d’unités de logement hors location et lotissements. Or, en 2021, l'offre n'était que de 140.000 nouvelles unités. De plus, cette inadéquation entre l’offre et la demande est amplifiée par la demande disparate entre les régions.
A titre d’exemple, la région Casablanca-Settat, une région qui présente un taux d’urbanisation de 76,5%, concentre 29,16% de la demande nationale actuelle en habitat et 16,5% de la population urbaine du pays.
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Le grand nombre d’intervenants dans tout le processus de préparation en amont, bien avant le lancement de la construction des programmes, et ensuite le manque de qualification de la main-d’œuvre contribuent, à leur tour, à cette situation. De ce fait, le secteur de l’habitat, tel qu’il est aujourd’hui «n’est pas assez développé pour accompagner l’intensification de la transformation urbaine que connaissent les villes marocaines et répondre aux besoins des citoyens», a souligné la ministre.
S’agissant des programmes de logement social et des logements destinés à la classe moyenne, la ministre relève la longueur des délais des programmes contractuels, l’inadéquation entre l’offre et la demande, l’incohérence sociale, et la faiblesse de la qualité du cadre de vie. D’autres problématiques se posent également au niveau des logements pour location, notamment le manque d’encadrement, le déséquilibre dans la relation entre le bailleur et le locataire, ainsi que l’absence de mécanismes d’assurance en cas de non-paiement du loyer.
Limites de la gouvernance et de la planification urbaine A ce niveau encore, des problèmes structurels sont soulevés. Des dispositions «contraignantes» compliquent le cadre régissant la planification urbaine, créant un décalage entre les attentes et une réalité marquée par «l’injustice foncière». En outre, la multitude des acteurs en l’absence d’une gouvernance régionale et la longueur des délais compliquent davantage cette situation.
Selon la ministre, les procédures de préparation, d’étude et d’approbation des projets de construction requièrent actuellement l’intervention de 33 intervenants et 133 signatures en moyenne, étirant ainsi les délais à une moyenne de 6 ans. Une fois toutes ces étapes achevées, il faut attendre entre 33 jours pour les petits projets et 72 jours pour les grands projets pour obtenir le permis de construire, précise la ministre dans sa présentation.
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La réalisation des projets de construction des logements est ainsi ralentie par le manque de clarté au niveau des prérogatives des membres des différentes commissions intervenantes et des circuits de traitement des dossiers. Dans certains cas, des dépassements de délais de l’exécution des travaux d’aménagement des lotissements sont également accusés.
Cadre bâti, quel état des lieux?Souvent abandonné et non maintenu, le tissu architectural des villes marocaines est aujourd’hui fragilisé, ressort-il de la présentation de Fatima Ezzahra El Mansouri. Les politiques de la ville ne prenant pas en compte les spécificités architecturales et culturelles, et en l’absence de dispositions légales spécifiques aux modes de construction traditionnels, une grande partie des bâtiments historiques appartenant au patrimoine de ces villes sont aujourd’hui considérés comme des habitats menaçant ruine. La ministre soulève aussi les problèmes de recensement de ces bâtiments et le manque d’expertise pour les réhabiliter.
Un autre constat relatif à la situation du cadre bâti est le manque de qualité des habitats, souligne la ministre dans sa présentation. La persistance des activités informelles dans le secteur, le manque de qualification de la main d’œuvre, ainsi que l’absence des modes de construction innovante sont tous des facteurs qui expliquent cette réalité.