Explorer les opportunités d’investissements dans les énergies renouvelables et la production d’hydrogène vert et ses dérivés fait partie des objectifs phares du méga-partenariat paraphé entre le Maroc et les Émirats arabes unis le 4 décembre à Abou Dhabi. Et cette coopération verte devrait s’intensifier sous l’impulsion de grands groupes émiratis déjà actifs dans le Royaume depuis plusieurs années.
Masdar comme tête de file
Masdar, ou Abu Dhabi Future Energy Company, en est le vaisseau amiral. Fondé en 2006 et présent dans plus de 40 pays, le conglomérat faisait partie, en mai 2019, avec le français EDF Renouvelables et le marocain Green of Africa, du consortium choisi par l’Agence marocaine pour l’énergie durable (Masen) pour la conception, la construction et l’exploitation-maintenance de la première phase du projet solaire Noor Midelt I.
Cette première centrale du complexe solaire Noor Midelt aura une puissance solaire installée de 800 mégawatts (MW). Elle disposera aussi d’une capacité de stockage de 5 heures, ce qui lui permettra de fonctionner 5 heures après le coucher du soleil.
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Masdar, qui construit également d’importantes infrastructures vertes en Mauritanie, en Zambie, en Côte d’Ivoire, en Angola, en Ouganda et en Égypte, figure, en consortium avec EDF, parmi les groupes pré-qualifiés pour Noor Midelt II, ainsi que sur la liste des huit groupes et entreprises retenus par Masen pour Noor Midelt III à l’issue de l’appel d’offres. Pour ce dernier projet, le groupe est en consortium avec Taqa Morocco, filiale marocaine de son compatriote Taqa.
Déjà en 2018, Masdar avait fourni 19.438 systèmes solaires domestiques à plus de 116.000 personnes qui n’avaient pas accès à l’électricité dans plus de 1.000 villages du Maroc, dans le cadre du projet «Morocco Solar Home Systems» (SHS), développé en collaboration avec l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE).
Le roi Mohammed VI et le président émirati Mohammed Ben Zayed Al Nahyane, le 4 décembre 2023.
Taqa Morocco, 1er producteur privé d’électricité au Maroc
Un autre géant émirati s’illustre également dans l’écosystème vert au Maroc. Il s’agit de Taqa, à travers sa filiale Taqa Morocco. Premier producteur privé d’électricité dans le Royaume, la société est impliquée dans plusieurs projets d’énergies renouvelables, dont le dernier en date est le mémorandum d’entente signé le 14 décembre avec Nexans pour la fourniture d’énergie renouvelable nécessaire à la consommation électrique de ses sites au Maroc, dans le cadre de la stratégie de décarbonation de l’industrie marocaine.
Ce partenariat a été signé au lendemain des deux protocoles d’accord conclus par l’entreprise française avec le gouvernement marocain pour l’ouverture d’une troisième usine de fabrication de câbles dans le Royaume pour un coût d’investissement de plus de 1 milliard de dirhams.
En mars 2023, Taqa annonçait un investissement de près de 1,6 milliard de dollars au Maroc pour y produire 1.000 MW d’énergies renouvelables d’ici 2030. L’entreprise dubaïote, qui développe aussi un parc éolien de 300 MW à Tarfaya, d’un coût d’investissement de 4,5 milliards de dirhams, fait partie, en consortium avec l’italien Enel Green Power, des pré-qualifiés pour Noor Midelt II.
AMEA Power se positionne
Dans l’ombre des deux mastodontes émiratis, leur compatriote AMEA Power se positionne aussi dans les énergies renouvelables au Maroc. Déjà actif en Égypte, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Malawi et au Kenya, le groupe a remporté, fin avril 2022, un appel d’offres international de Masen pour la construction de deux centrales solaires de 36 MW chacune à Taroudant et à El Hajeb.
Ces deux projets entrent dans le cadre de la première phase du programme Noor PV II, d’une capacité totale de 330 MW. En consortium avec le chinois SPIC Huanghe Hydropower Development Co, AMEA figure également sur la liste des huit groupes et entreprises pré-qualifiés pour Noor Midelt III.
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Interrogé par Le360, Badr Ikken, managing partner de Gi2, cabinet de conseil et d’ingénierie spécialisé dans la transition énergétique, et président exécutif de l’entreprise Gi3, spécialisée dans la fabrication d’équipements solaires, indique que cet engouement des groupes émiratis «démontre l’attractivité de l’offre Maroc, qui dispose de gisements très importants de sources renouvelables, notamment la complémentarité entre le solaire et l’éolien».
Des perspectives prometteuses
Mieux, souligne celui qui est par ailleurs président de la commission Économie verte et décarbonation à la CGEM, le méga-partenariat maroco-émirati permettra au Royaume «de cofinancer son développement énergétique sans impacter les caisses de l’État, d’avoir accès directement à des financements très intéressants pour ses projets d’énergies renouvelables et de les développer plus rapidement».
Au-delà des avantages de ce partenariat public-privé, la collaboration entre les deux pays dans les énergies vertes apportera de la valeur ajoutée en favorisant l’intégration industrielle au Maroc. «Par le passé, nous avions des partenariats avec des pays européens pour le lancement d’appels d’offres, notamment pour les énergies renouvelables. Des appels d’offres auxquels participaient des entreprises asiatiques, sans qu’on puisse capter une grande part de cette valeur ajoutée. Ce partenariat favorisera la mise en place de projets bilatéraux et permettra aussi au Maroc de capter une part de valeur ajoutée grâce aux investissements des groupes émiratis dans le secteur industriel local», explique Badr Ikken.
Les perspectives semblent ainsi prometteuses et augurent d’un développement des investissements émiratis dans le Royaume, précisément dans l’hydrogène vert, souhaitant profiter de sa proximité géographique avec l’Europe et surtout des avantages de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne. «Ces entreprises souhaitent débuter avec les énergies renouvelables et investir par la suite dans le développement de l’hydrogène vert pour approvisionner le marché de l’Union européenne qui connaît une forte demande et qui a élaboré une stratégie verte à l’horizon 2050», prédit l’ancien directeur général de l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN).
De futurs investissements qui entreront dans le cadre de la méga-stratégie de développement des énergies renouvelables des Émirats arabes unis. Septième pays producteur de pétrole dans le monde et treizième sur le gaz, les Émirats misent sur les énergies vertes pour se préparer à l’ère post-hydrocarbures.
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C’est dans ce cadre que s’inscrit d’ailleurs l’énorme investissement de 4,5 milliards de dollars prévu par Abou Dhabi dans différents projets d’énergies renouvelables en Afrique au cours des sept prochaines années, annoncé le 5 septembre dernier par le PDG de Masdar, Sultan Al Jaber, lors du Sommet africain sur le climat au Kenya.
Masdar ambitionne de produire 1 million de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici 2030. Le 6 septembre dernier, AMEA Power avait annoncé la construction, dans le port kényan de Mombassa, d’une usine d’hydrogène vert d’une capacité initiale d’1 GW et lorgne des opportunités similaires dans d’autres pays du continent. Quant à Taqa Morocco, elle prévoit de construire une centrale d’énergie renouvelable pour la production d’hydrogène vert à Dakhla, sur une superficie 70.000 ha et pour un coût d’investissement de 96 milliards de dirhams.
Autant dire que l’avenir du partenariat Maroc-Émirats arabes unis dans le secteur des énergies vertes s’annonce plus que jamais en rose.