Dette extérieure: pourquoi la parité entre l'euro et le dirham inquiète-t-elle autant?

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Le dirham perd du terrain face à l’euro: entre janvier 2020 et le 24 juillet dernier, la monnaie européenne s’est appréciée de près de 1,84% face au dirham, passant de 10,73 à 10,93 dirhams. Mise en perspective par rapport à la dette extérieure du Maroc, cette hausse renchérit davantage son coût.

Le 27/07/2020 à 11h13

A coups d'annonces de centaines de milliards débloqués, l’Europe multiplie ses plans de relance. La confiance des investisseurs envers les marchés financiers se renforce. Et la monnaie de l'UE se renforce, elle aussi. «L’euro atteint un plus haut historique et salue le plan de relance de l’Union Européenne», répètent à l’envi les médias européens depuis quelques jours.

Mécaniquement, l’euro s’appréciera aussi face au dirham, comme ce fut le cas à la fin du mois de mars dernier, après l’annonce d’un plan de relance des 27 de près de mille milliards d’euros, en cumulé. En quelques jours, la parité euro/dirham avait culminé aux alentours de 11,17 dirhams, c'était au cours de la première semaine du mois d’avril.

L’appréciation de l’euro face au dirham alourdit davantage le coût de la dette extérieure du Maroc, libellée à hauteur de 61,8% en euros contre 27,1% en dollars US.

Pour la seule année en cours, et avant l’arrivée de la crise et le recours massif du Maroc aux emprunts internationaux, le pays devait rembourser quelque 41,1 milliards de dirhams au titre du service de la dette extérieure, selon les projections, à fin décembre 2019, du ministère de l’Economie et des finances. L’exécution de ce service de la dette (principal et intérêts) a été de 56,9% à fin juin.

La tendance haussière de l’euro face au dirham, si elle se poursuit à ce rythme, risque d’impacter un peu plus le coût de la dette extérieure. C’est pourquoi l’exercice de maintenir un dirham fort face à l’euro, sans impacter l’avantage concurrentiel des exportateurs, est l’une des priorités stratégiques de Bank Al-Maghrib (BAM).

Cet exercice passe d’abord par le maintien des grands équilibres macro-économiques du Royaume. La banque centrale en est la garante. C’est pourquoi Abdellatif Jouahri, wali de BAM, avait opposé son refus catégorique de recourir à la planche à billets pour soutenir la relance de l’économie et a privilégié un recours à la totalité de la LPL (la Ligne de précaution et de liquidité) auprès du Fonds monétaire international (FMI), d'une valeur de 3 milliards de dollars US. D’abord et surtout pour maintenir les réserves des changes à un niveau satisfaisant, à même de pouvoir défendre le dirham sur le marché des changes.

Le recours du Maroc à la dette extérieure pour faire face aux impacts de la crise du Covid-19 est un choix judicieux, salué par la Banque Mondiale. Œuvrer de plus en plus à en réorienter le libellé en dollars est un choix stratégique encore plus judicieux. L’encours de la dette extérieure du Maroc a atteint, à la fin 2019, 52,25 milliards de dollars. Entre 2015 et fin 2019, l’encours de la dette extérieure libellé en dollars est passé de 23,6% à 27,1%. Celle libellée en euros est passée de 63,1% à 61,8%.

Depuis mai, en plus de la LPL, libellée en dollars, ce sont quelques 1,514 milliards de dettes en dollars US, contre 150 millions en euros, qu’a levé le Royaume auprès de la Banque Mondiale, la BAD, le Fonds monétaire arabe et la BERD. Cette réorientation de la dette vers le dollar US est de nature à relâcher davantage la pression sur le service de la dette. Elle devrait, de toute évidence, s’accélérer au vu de la conjoncture actuelle. Les Etats-Unis sont entrés dans une profonde crise, leur monnaie s’affaiblit. Le Maroc saura en tirer profit pour réduire un tant soit peu le coût de sa dette extérieure au cours des années à venir.

Par Bouchaib El Yafi
Le 27/07/2020 à 11h13